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Le contrôle des élections présidentielles
Le 6 mai 2012 a été élu le 7e président de la République française. Ce scrutin est le fruit d’un long processus démocratique soumis à un contrôle strict. Julien Bonnet, professeur à l’Université d’Évry-Val-d’Essonne et auteur de nombreux ouvrages, a accepté avec une gentillesse immédiate de répondre à nos questions sur le contrôle de l’élection du président de la République française.
Quelles sont les autorités chargées du contrôle de la régularité de l’élection présidentielle ?
Le Conseil constitutionnel a un rôle central, et ce tout au long du processus de l’élection présidentielle. En amont, il est consulté sur les actes préparatoires à l’élection, il contrôle la présentation des candidatures (les fameux 500 « parrainages ») et connaît également, en coopération avec le Conseil d’État, du contentieux de la régularité des opérations électorales. Au moment de l’élection, il surveille le déroulement du scrutin grâce à l’assistance de 1 500 magistrats, vérifie le décompte des bureaux de vote, examine les recours éventuels avant de proclamer officiellement les résultats. Ainsi, l’absence d’isoloir ou le dépouillement des votes à huis clos a justifié l’annulation des résultats dans plusieurs bureaux de vote lors de la présidentielle de 2012. À l’issue du scrutin, le Conseil constitutionnel émet des observations à l’attention des pouvoirs publics afin de suggérer les améliorations qui s’imposent.
Par ailleurs, des réformes successives ont imprimé un mouvement de diversification et de spécialisation des contrôles de la régularité de l’élection présidentielle avec l’intervention de plusieurs autorités administratives et indépendantes. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille principalement au respect des règles de temps de parole dans les médias avant et pendant la campagne, la Commission des sondages contrôle la confection et la diffusion des sondages. La Commission nationale des comptes de campagne et financements politiques, dont les décisions sont susceptibles de recours devant le Conseil constitutionnel, contrôle les comptes de campagne des candidats tandis que la Commission nationale de contrôle veille au respect du cadre légal du déroulement de la campagne. Le risque de diffusion avant 20 heures des résultats estimés a, par exemple, mobilisé plusieurs de ces autorités afin d’éviter une éventuelle altération de la sincérité du scrutin.
Pour vous, quelles sont les décisions les plus marquantes du Conseil constitutionnel dans ce domaine ?
La répartition entre le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel du contentieux des actes préparatoires à l’élection est désormais stabilisée en application des jurisprudences Delmas du 11 juin 1981 et Hauchemaille du 14 mars 2001. Le Conseil constitutionnel est uniquement juge des actes en lien direct avec l’organisation du scrutin, dans les cas où une irrecevabilité compromettrait gravement l’efficacité de son contrôle, vicierait le déroulement général du vote ou porterait atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics.
Dans la période récente, la décision du 12 janvier 2012 marquera la matière car le Conseil constitutionnel a accepté d’examiner une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dans le cadre de ses fonctions de juge des élections sénatoriales, jurisprudence certainement transposable au contentieux de l’élection présidentielle. Au-delà du coup de force du Conseil et des conséquences pratiques de cette décision, cette utilisation de la QPC est remarquable de la part d’un juge « ordinaire », soit le Conseil constitutionnel statuant en tant que juge électoral, qui s’autorise à contrôler la constitutionnalité d’une loi au regard des droits et libertés constitutionnels et éventuellement d’en prononcer l’abrogation !
Quelles sont les modalités du contrôle de la désignation des chefs d’État dans les autres pays européens ?
Lorsque le chef d’État est désigné par les parlementaires, les contestations sont rares et la question du contrôle est généralement secondaire comme en Italie. En Allemagne il est néanmoins prévu un examen des contestations par les parlementaires, avec possibilité d’appel devant le Tribunal constitutionnel fédéral.
Dès lors que le chef d’État est élu par le peuple, la responsabilité du contrôle est partagée à parts plus ou moins égales entre les juges et des entités administratives. En Europe de l’Est, les Cours constitutionnelles ont peu de pouvoirs en matière électorale, à l’image de la Cour constitutionnelle de Lituanie qui rend de simple avis sur une éventuelle violation des lois électorales. En revanche, les Cours constitutionnelles autrichiennes et portugaises concentrent l’essentiel des compétences de contrôle de l’élection présidentielle.
Au-delà du continent européen, il n’est pas rare que le juge constitutionnel détienne le sort de l’élection à l’image de l’élection de G. Bush en 2000 qui ne sera acquise qu’à l’issue de l’arrêt de la Cour suprême des États-Unis renonçant à ordonner le recomptage des bulletins de vote en Floride. Autre illustration, l’activisme politique du Conseil constitutionnel ivoirien en faveur de Laurent Gbagbo a provoqué six mois de conflits avant que la victoire d’Alassane Ouattara ne soit reconnue.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?
Le meilleur souvenir est ma soutenance de thèse en 2007. C’est pour chaque doctorant un événement unique qui consacre des années de travail et j’ai été particulièrement touché par le partage de ce moment avec mes proches, amis, collègues et étudiants venus m’apporter leur soutien.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Jean-Baptiste Adamsberg, commissaire atypique des romans de Fred Vargas.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
La liberté d’expression et d’opinion car elle est au fondement de la vie sociale et démocratique, mais sans oublier l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui nous rappelle que les droits de l’homme ne s’exercent pas de manière isolée et absolue car « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
Références
■ J. Bonnet, Le juge ordinaire français et le contrôle de la constitutionnalité des lois. Analyse critique d’un refus, Dalloz, coll. « Nouvelle Bibliothèque des thèses », 2009.
■ Contribution de J. Bonnet à l’ouvrage collectif Les grandes délibérations du Conseil constitutionnel 1958-1983, Dalloz, 2009.
■ J. Bonnet, D. Rousseau, L’essentiel de la question prioritaire de constitutionnalité, Tome 1 : Mode d’emploi, Tome 2 : Les grandes décisions, Lextenso Éditions, Gualino, 2e éd., à paraître, mai 2012.
■ Cons. const. 11 juin 1981, Delmas, Rec. Cons. const. 97.
■ Cons. const, 14 mars 2001, Hauchemaille, Rec. Cons. const. 51 et 53.
■ Cons. const. 12 janv. 2012, n°2011-4538, D. 2012. 327, note Casia.
■ Article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. »
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