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Le délégué général des agences de développement économique
S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.
Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant est allé à la rencontre d'un jeune patron de fédération d’élus, Antoine Angeard, délégué général du CNER, la fédération des agences de développement économique. C'est un secteur d'activités fort mal connu, dont le nom même laisse interrogateur. En réalité, les agences de développement économique sont des organismes mandatés par les collectivités territoriales et tournés vers les entreprises. Des acteurs-clés du territoire décrits par le chef du réseau, lequel a pu évoquer son tout jeune début de carrière.
Quel a été votre parcours avant de vous retrouver à la tête du CNER ?
Diplômé de Sciences Po, je n’ai pas eu les concours que je voulais dans l'administration alors j'ai totalement changé de voie et je suis rentré à l'ESCP (NDLR : École supérieure de commerce de Paris). Je m’y suis spécialisé dans l'édition ce qui m'a amené à travailler chez Armand Colin comme éditeur universitaire, puis chez Dalloz où je m'occupais d'ouvrages de droit pour les étudiants. Par la suite, j'ai essayé de monter ma propre société d'édition sur Internet mais ça n'a pas fonctionné. Néanmoins, j'ai rencontré dans ce contexte un directeur de banque qui m'a proposé de m'embaucher. Pendant un an et demi j'ai donc été banquier d'affaires mais je m'y ennuyais beaucoup, je recherchais quelque chose de plus littéraire. Je suis rentré au CNER pour m'occuper de la communication et de la revue à destination des agences et de tous les professionnels du développement économique. Au bout de huit mois, je suis allé voir la déléguée générale, qui était sur le point de partir en retraite, et je lui ai proposé ma candidature. J'étais très motivé et j'ai présenté tout un plan d'actions au président de l'époque et aux membres du conseil d'administration. À l’issue des entretiens qui se sont déroulés de façon tout à fait classique, ils ont décidé de me confier les clés de la maison.
Et comment avez-vous vécu le fait d'être à la tête d'une fédération à presque 30 ans ?
C'était une chance inespérée d'avoir ce travail et ce niveau de responsabilités-là à mon âge même si je l'avais recherché et que je me sentais prêt. Les réactions à ma nomination ont été très françaises : on me demandait mon âge et mes diplômes, quasiment jamais ce que j'avais fait avant. Mais j'étais serein ; je savais que pour convaincre, il faudrait faire mes preuves. Et en deux ans j'ai mis en œuvre de nombreux projets. Je pense qu'il peut y avoir beaucoup de frustration chez les étudiants qui sont souvent très bien formés, avec parfois des doubles diplômes et des grandes capacités d'initiatives, parce qu'en début de carrière on ne leur fait souvent pas suffisamment confiance ou on les « enferme » dans des tâches très précises. Ils n'ont pas toujours une grande marge de manœuvre alors qu'ils sont pleins d'idées et d'énergie. L’accès à ce poste m'a permis d'assouvir toutes mes idées et mes initiatives. En revanche, j'y ai passé mes journées, mes soirées, mes nuits et mes week-ends pendant deux ans. Mes horaires n'ont plus rien à voir avec le 9h30-18h de l'époque où je travaillais dans la banque mais je ne regrette rien. Aujourd'hui, je monte mes propres projets, je n’ai aucune limite sous réserve que cela soit validé par mon président et les instances de la fédération. J'ai donc dû apprendre à gérer un conseil d'administration et des élus, des gens qui vous remettent en cause, qu'il faut savoir convaincre. C'est passionnant. Le plan d'économies que j'ai mis en œuvre en deux ans me permet aujourd'hui de pouvoir faire un peu plus appel à des prestataires extérieurs et donc j'espère dans les prochains mois avoir un meilleur équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie sociale !
Pouvez-vous expliquer ce qu'est réellement une agence de développement économique ?
Une agence de développement, c'est le bras armé économique d'une collectivité, le trait d'union entre les entreprises et le territoire, chargée de soutenir et stimuler l'activité et l'emploi. C'est aussi un lieu neutre où tous les acteurs économiques d’un territoire sont rassemblés. En pratique, elles exercent principalement deux missions : attirer de nouveaux investisseurs en faisant connaître les atouts du territoire, et accompagner les entreprises tout au long de leur cycle de vie : création, développement, cession-reprise, fermeture. Le profil type d'une agence c'est 12 à 15 personnes, un budget d'1,5 million d’euros, ce qui est peu pour un organisme de collectivité. Elle est composée de personnes, généralement des cadres, qui viennent du monde de l'entreprise et peuvent comprendre ce qu'est un business plan, un retour sur investissement, etc. Ce sont des gens qui savent parler deux langues : le privé et le public, qui connaissent donc aussi bien le fonctionnement de l’entreprise que d'une collectivité à certains moments, les solutions ce sont les aides publiques, la mobilisation de certaines forces ou compétences des collectivités. On retrouve également des économistes, des géographes, des urbanistes de manière à pouvoir accompagner au mieux le territoire et les entreprises.
Qu'appréciez-vous dans le métier que vous faites ?
Ce qui me plaît le plus c'est la diversité de mes sujets, faire des choses très différentes en une seule journée. J'ai toujours été attiré par la chose publique donc être à toutes les étapes de l'élaboration d'un projet de loi qui concerne nos agences, je trouve ça passionnant. Sur la même journée, je peux être d’abord en contact avec des conseillers de ministères à qui je dois faire passer des messages ; élaborer ensuite le programme de formations que nous proposons à nos agences, trouver des formateurs ; puis, sur le plan de l’information du réseau, travailler sur notre éditorial, notre communication, réfléchir sur les sujets en vogue ; enfin, imaginer comment favoriser les échanges au sein du réseau. J’entretiens une relation de confiance avec les adhérents. Et le fait qu'ils soient dans tous les territoires de France et à tous les niveaux de collectivités m'intéresse parce que je vois quelle est vraiment la vie de la décentralisation. Ce qui est enrichissant dans ce travail c'est le grand écart entre un côté très intellectuel avec la réflexion sur les lois, le fond des sujets, et un aspect très concret. Quand une entreprise ferme par exemple, les agences sont directement soumises à l'impératif de sauver le maximum d'activité et d'emploi. Enfin, j'apprécie aussi l'autonomie dont je dispose. Quand mon président n'est pas là, j’agis seul. Il faut savoir faire face à tout, monter des projets, faire vivre la fédération et gérer une petite équipe.
Quels sont les enjeux actuellement que vous défendez ?
Nous pensons qu'il faut une cohérence au niveau régional, une véritable stratégie pour le territoire avec des priorités. La Région, qui était jusqu'à présent le chef de file au niveau des collectivités territoriales, n'a pas toujours les moyens d'influer une cohérence régionale. Nous sommes pour qu'elle acquiert davantage de compétences au niveau économique ; pour autant, il ne faut pas qu'elle décide seule mais en coordination avec les autres collectivités. La loi prévoit des conférences territoriales de l'action publique qui sont des forums où les décisions pourraient être prises au niveau régional, avec toutes les collectivités. C'est une bonne chose mais nous ajoutons une idée fondamentale : en matière d'économie, il ne peut pas y avoir de moule uniforme imposé par l'État parce que les tissus économiques sont très divers. Il y a des régions très vastes, d'autres toutes petites. Il faut laisser aux élus locaux la possibilité de s'organiser eux-mêmes pour soutenir l'activité et l'emploi de leur territoire. Nous promouvons donc une véritable coproduction de la stratégie au niveau régional pour que la Région, le Département et les Intercommunalités partagent des objectifs communs et décident ensemble de la répartition des rôles et des ressources pour les atteindre. Certaines régions se sont déjà organisées en amont même de la loi. En Alsace, le conseil régional et les conseils généraux vont fusionner et la première étape est la fusion des agences de développement entre elles. Mais ce schéma ne pourra s'appliquer en Midi-Pyrénées où il y a huit départements et une superficie bien plus importante. Eux penchent plutôt pour avoir une Région avec des relais locaux qui seront certainement au niveau départemental. À chaque territoire son organisation.
Questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre pire ou meilleur souvenir d'étudiant ?
Mon pire souvenir remonte aux concours administratifs. Je les ai passés à l'époque où il y avait très peu de places (NDLR : ENA, Quai d'Orsay, etc.) et l'investissement en temps que j'avais déployé était énorme.
Mon meilleur souvenir c'est le stage de six mois que j'ai effectué à la mission française auprès de l'ONU, à New York. J’assistais les diplomates sur les dossiers concernant l’Afrique de l’Ouest ; j'informais Paris des travaux de l'ONU sur cette région du monde et je collaborais à la définition des positions que les diplomates et la France allaient défendre auprès de l’ONU.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Cyrano de Bergerac. C'est une figure qui a de l'épaisseur. J'aime son indépendance d'esprit face à tous les pouvoirs en place. Quand on travaille avec des élus, on sent ce pouvoir-là et il faut se composer une éthique, une intégrité. Cyrano une personnalité grandiloquente qui défend son intégrité, son indépendance d’esprit, qui a une répartie extraordinaire et, bien sûr, du panache.
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
Je pencherais pour l’article X, établissant que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions ». La liberté d’opinion, et d’expression, me semblent fondamentales. J’aime le débat d’idées, qui n’est pas d’ailleurs incompatible avec l’entretien de bonnes relations entre personnes défendant des opinions différentes. Le CNER est une fédération pluraliste, où tous les courants politiques sont représentés. Arriver à faire travailler des élus de partis opposés autour d’objectifs économiques communs est un défi qui me paraît stimulant… et salutaire.
Carte d'identité du CNER
Le CNER est né en 1952, il est la fédération nationale des agences de développement économique (autrefois appelées comités d'expansion économique) et le lieu de réunion des professionnels du développement économique territorial et de l’aménagement du territoire. Les agences ont vu le jour au sortir de la Seconde Guerre Mondiale dans certaines régions très touchées comme l'Alsace afin d’accélérer la reconstruction économique, puis de stimuler l’activité et l’emploi. Un objectif qu'elles poursuivent aujourd'hui.
▪ Les chiffres
– 6 personnes travaillent au CNER, sans compter le président ;
– 100 structures et près de 1 500 salariés sont membres du réseau soit 22 agences régionales, 50 agences départementales et 28 locales ;
– 10 000 agences de développement sont répertoriées dans le monde par l’OCDE.
▪ La formation et les conditions d'accès
Le profil des salariés des agences de développement est essentiellement économique : beaucoup viennent du monde de l'entreprise. Néanmoins, certains ont des cursus juridiques car il faut savoir mettre en place des contrats de partenariat et d'accompagnement. Il n'existe pas de règle définie ni de parcours général pour devenir cadre dans une agence de développement bien qu'il existe des masters 2 dédiés au développement économique territorial.
▪ Les domaines d'intervention
Aujourd'hui, le rôle du CNER a quatre grandes missions : la représentation des agences et le lobbying auprès des pouvoirs publics, l'animation du réseau, l'information des membres et la formation continue des professionnels du développement économique. Quant aux agences, elles sont chargées de soutenir et d'accompagner les entreprises du territoire. Elles cherchent également des investisseurs français et étrangers, notamment en cas de plan de restructuration et dans le cadre de conventions de revitalisation (fermeture ou licenciements de grande ampleur).
▪ Le salaire
Chaque poste est défini selon des barèmes de points inscrits dans le cadre d'une convention collective intitulée « Statut des personnels des organismes de développement économique ». Quant au délégué général, son salaire est à peu près équivalent à celui d'un consultant senior d'une société de conseil.
▪ Les qualités requises
Éthique, rigueur, probité, capacité d'écoute, d'analyse, compétences juridiques, administratives, relations humaines, capacité à diriger une équipe, à prendre des initiatives, autonomie, dynamisme, sens des responsabilités, vision à long terme.
▪ Les règles professionnelles
Selon l'article 4 de la convention collective du CNER : « L'ensemble des personnels est tenu au respect du secret professionnel, de l'impartialité et de l'intégrité, eu égard à la spécificité de leurs fonctions, qui requièrent l'application d'une éthique exigeante, compte tenu du caractère économique et financier du traitement des dossiers. »
▪ Le site Internet
CNER : http://www.cner-france.com/
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