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[ 19 octobre 2023 ] Imprimer

Le déontologue de l’Assemblée nationale

Parce qu’une Institution fonctionne grâce aux hommes qui la composent, ici les députés de l’Assemblée nationale française, parce que tout homme est humain, même les élus qui représentent les citoyens au niveau national, le déontologue a toute sa place au sein de la chambre basse. Jean-Éric Gicquel, professeur agrégé de droit public à l’Université de Rennes, qui exerce ce mandat depuis le début de l’année 2023, nous fait l’honneur de répondre à nos questions sur ce dispositif démocratique.

Quelles sont les sources des règles déontologiques à l’Assemblée nationale ?

Les sources relèvent, en premier lieu, du niveau législatif. À cet égard, l’Ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, indique notamment qu’il appartient à chaque assemblée de déterminer les règles relatives au régime de prise en charge des frais de mandat ainsi que celles destinées à prévenir et à faire cesser les conflits d'intérêts entre un intérêt public et des intérêts privés dans lesquels peuvent se trouver des parlementaires. En deuxième lieu, il incombe aux règlements des chambres de concrétiser ces normes législatives. C’est ainsi, par exemple, que les règles relatives à prévention et à la cessation des conflits d’intérêts sont détaillées par l’article 80-1-1 du règlement de l’Assemblée nationale. En dernier lieu, certaines exigences déontologiques sont fixées par le bureau – l’organe directeur de chaque chambre au sein duquel tous les groupes politiques sont représentés. Aussi, le code de déontologie des députés établi en 2011 et modifié à plusieurs reprises détermine-t-il les principes (tels principalement l’indépendance, l’objectivité, la probité) devant constamment guider l’action des représentants du peuple. 

Quelles sont les principales règles de déontologie que doivent respecter les députés ?

D’abord, ils doivent, comme l’indique l’article 80-1 du règlement de l’Assemblée nationale, exercer « leur mandat au profit du seul intérêt général et en toute indépendance » et doivent veiller « à prévenir ou à faire cesser immédiatement toute situation de conflits d’intérêts dans laquelle ils se trouvent ou pourraient se trouver ». À cette fin, ils peuvent, après avoir consulté éventuellement le déontologue, soit renoncer à exercer une fonction (telle celle de rapporteur d’un projet de loi), soit se placer en position de déport sur certains travaux législatifs ou de contrôle ou encore faire connaître, par une déclaration écrite ou orale, l’existence d’un intérêt privé.

Ensuite, l’arrêté du bureau n° 12/XV du 29 décembre 2017 fixe le régime de prise en charge des frais de mandat. À cette fin, indépendamment de ceux pris en charge directement par l’Assemblée nationale (par exemple, un bureau meublé et équipé), chaque député perçoit mensuellement une avance mensuelle de frais de mandat (AFM). Les dépenses effectuées (notamment pour la location d’une permanence parlementaire dans la circonscription ou les frais de communication) doivent être exclusivement en lien avec l’exercice du mandat parlementaire et de son indissociable activité politique. Logiquement, aucune dépense personnelle ne peut être financée via l’AFM.

Enfin, des obligations déclaratives variées (relatives aux cadeaux dont la valeur est supérieure à 150 € ainsi qu’aux invitations à des voyages) sont imposées aux élus. Ces déclarations sont ensuite rendues publiques sur le site de l’Assemblée nationale.

Comment se passe concrètement une journée du déontologue ?

Chaque journée s’avère être différente. Préalablement, il convient de rappeler que le déontologue est assisté, au quotidien, dans l’exercice de ses fonctions par un service de déontologie composé de dix fonctionnaires. L’activité du déontologue est, en termes de temps, principalement affectée au contrôle de l’allocation forfaitaire de mandat. À cet égard, outre les nombreuses réponses à apporter aux questions posées par les députés en amont dans une démarche anticipatrice, un examen approfondi des dépenses est effectué. Concrètement, une première phase de contrôle, effectué par tirage au sort par tiers, a été établie pour les années 2022, 2023 et 2024. Une seconde vague de vérification aura lieu ensuite en 2027 et 2026. Tout ceci implique l’envoi de courriers, des entretiens téléphoniques ou en présentiel avec les députés ainsi que des réunions au sein du service afin, notamment, de trancher des questions de principe. Au surplus, le déontologue est conduit à échanger régulièrement avec les députés souhaitant le consulter sur toute question d’ordre déontologique.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

Il est difficile de ne pas admettre que mon meilleur souvenir se rattache au seul cours de mon père auquel j’ai pu assister. Il s’agissait d’un cours de droit parlementaire dispensé à l’Université de Paris 1 en M2 (mais à l’époque on parlait de DEA pour Diplôme d’études approfondies) il y a quelques décennies de cela. Le professeur Jean Gicquel prenait alors la place, pendant trois heures, de mon père et le « show » pouvait débuter. Le cours devenait alors passionnant car il était simplement fait par un enseignant passionné.

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

Avec des références datant de l’avant-Internet, l’inspecteur Columbo (car sachant faire sérieusement son travail sans se prendre au sérieux) et Ellen Ripley dans la saga Alien (pour sa résilience dans les situations extrêmes).

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Assurément, la liberté de communication des idées et des pensées qui constitue, comme l’a énoncé la Cour européenne des droits de l’homme, dans l’arrêt Handyside v. Royaume-Uni de 1976, « l’un des fondements essentiels […] d’une société démocratique ». Son étendue et la protection effective qu’on est en droit d’en attendre des juridictions constituent, en effet, un critère déterminant pour le baromètre de vitalité d’une Démocratie. Or, force est constater que les atteintes frontales ou insidieuses portées à cette liberté, ainsi que les risques de manipulation de l’information, ne cessent désormais de s’accroître. C’est un véritable sujet d’inquiétude.

 

Auteur :MBC


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