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Le directeur d'UFR de droit
S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.
Il est celui dont le visage apparaît chaque année sur la plaquette de présentation de la fac, celui qui dirige l'administration et la politique de la faculté qu'il représente. C'est le directeur d'UFR de droit, plus souvent connu sous le titre historique de « doyen ». L'atypique Thomas Clay, l'un des plus jeunes doyens de France, a présenté à Dalloz Actu Étudiant les ressorts de sa fonction au sein de la Faculté de droit et de science politique de l'Université de Versailles Saint-Quentin (UVSQ).
Pouvez-vous nous décrire votre parcours jusqu'à aujourd'hui ?
J'ai passé 14 ans à la Faculté de droit d'Assas, à Paris II. Dès que j'ai eu terminé ma maîtrise de droit privé, je suis devenu chargé de TD. Puis j'ai fait deux DEA, et j'ai commencé une thèse avec Bruno Oppetit qui est tombé gravement malade. J'ai alors dû changer de directeur et de sujet de thèse pour m'intéresser à l'arbitrage. J'ai soutenu le 14 janvier 2000, et j'ai été recruté dans la foulée comme maître de conférences à Paris II ce qui était un bon signe. Il faut dire que j'ai adoré ma thèse qui a absolument porté toute ma carrière universitaire et libérale, dès mon agrégation obtenue en 2001. Je suis immédiatement arrivé à l'Université de Versailles-Saint-Quentin, et j’ai eu envie de m’investir dans cette faculté où j’avais l’impression qu’on pouvait faire plein de choses. Un an après, j'ai accepté de devenir l'un des deux vice-doyens de Stéphane Manson. Puis j'ai été élu doyen à mon tour le 20 juin 2007.
Vous avez créé dans votre faculté un Master arbitrage et commerce international unique en France, pourquoi vous être intéressé au droit de l'arbitrage ?
Lorsque j'étais étudiant en DEA à Paris II, nous avons découvert l'arbitrage grâce aux fabuleux cours de Bruno Oppetit. Ce professeur était extraordinaire, je lui dois mon ouverture au droit que je trouvais alors rébarbatif. J'ai tout de suite vu les enjeux théoriques et les implications pratiques de ce sujet auquel j'ai consacré ma thèse sous la direction de Philippe Fouchard, le maître incontesté de la discipline. Grâce aux éditions Dalloz, cette thèse a été largement diffusée à l’étranger, notamment parce qu’elle tentait d’apporter des réponses à des questions qui se posaient identiquement partout, à savoir la détermination des droits et obligations de l'arbitre international. À partir de là, j'ai eu la chance de développer une activité d'arbitre et de conseil, et, en tant que professeur d'université, j'ai pu monter ce diplôme qui profite de la position de leadership de la Ville de Paris en matière d'arbitrage international. Mais je dois aussi préciser qu’il est codirigé par ma collègue et amie Sandrine Clavel car on n’est pas trop de deux pour animer un diplôme aussi complexe et exigeant.
Votre mandat prend fin en juin. Quel bilan personnel tirez-vous ?
Je pense que certaines choses restent à faire. Par exemple, je n'ai pas assez développé le partenariat avec le secteur privé, même si j’ai utilisé mon carnet d'adresses professionnelles pour cette faculté, (et non pas l’inverse, que je me suis interdit), ce qui m’a permis d’augmenter la taxe d'apprentissage de près de 400 % avec l'aide précieuse de mon assistante. Pour le reste, il me semble que ma faculté est désormais incontournable dans le paysage des facultés de droit. Tout le monde la connaît, ce qui n'était pas le cas voilà dix ans. Avec 3 000 étudiants, elle fait désormais partie des facultés de taille importante. Elle est reconnue sur le plan scientifique et est devenue l'un des piliers de l’UVSQ, remportant des succès dans plusieurs directions. Quand je suis arrivé à la direction de cette faculté il y a dix ans, les lycéens de Versailles allaient à Nanterre. Aujourd'hui même les lycéens de Chartres s’inscrivent ici. Et puis nos Masters 2 sont très prisés et c’est là que se mesure l’attractivité d’une faculté. Par ailleurs, j'ai étendu les rapports avec le monde judiciaire, et des pôles d'excellence ont été développés, dont celui relatif à l’arbitrage international à Versailles qui est devenu la référence internationale du monde francophone.
Comment appréhendez-vous l'avenir de la fonction de doyen, en particulier dans les facultés de droit ?
Deux évolutions me semblent possibles. La première, pessimiste, aboutirait à ce que, progressivement, les facultés de droit se dissolvent au sein des universités qui elles-mêmes seraient dissoutes dans les regroupements d'universités que sont actuellement les PRES (Pôle de recherche et d'enseignement supérieur). L'échelon de la composante deviendrait alors très anecdotique, subalterne par rapport au stade de la décision. Le doyen pourrait même être nommé par le président de l'Université, auquel cas on assisterait à la disparition progressive de la composante. Ce serait donc la consécration d'une logique administrative sur une logique disciplinaire et pédagogique.
L'autre évolution possible, optimiste, serait que ces regroupements d'universités créent une nouvelle super-structure et que progressivement apparaisse évidente l’existence d’une structure de trop. On peut alors espérer que ce soit le niveau intermédiaire, celui de l'université qui serait éliminé. Cela revitaliserait le niveau de la composante qui est au contact des étudiants et pourrait respecter, dans un environnement beaucoup plus large, les logiques spécifiques, auquel cas la fonction de doyen s'en trouverait renforcée.
Vous étiez le directeur adjoint de la campagne d'Arnaud Montebourg aux primaires du parti socialiste. Votre engagement politique est-il vraiment compatible avec les hautes responsabilités universitaires que vous assumez ?
Mes engagements politiques et ma vie universitaire sont totalement cloisonnés car j’essaie d’être irréprochable sur ce point. Cela étant dit, comme professeur des universités, nous avons une indépendance constitutionnellement protégée. Professionnellement, il ne peut rien nous arriver, nous n’avons ni patron ni comptes à rendre, et puis nous sommes aussi libres de notre organisation quotidienne, avec peu de contraintes. C'est un luxe inouï.
Ce statut privilégié doit aussi, selon moi, nous permettre d’intervenir dans le champ social, plutôt que de rester sur un Aventin devenu, à bien des égards, sclérosé. À nous de faire vivre le débat public, plutôt que de soliloquer entre nous. Pour ma part, j’ai publié ma première tribune « juridiquement incorrecte » dans le Recueil Dalloz une semaine après les résultats de l'agrégation, afin de pointer la complaisance des magistrats à l'égard de leurs pairs lorsqu'ils sont amenés à les juger. Naturellement ce genre d’initiatives suscite des réactions, souvent assez vives. Tant mieux, cela montre au moins qu'ils sont lus.
Questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur ou pire souvenir d'étudiant ?
Mon pire souvenir d'étudiant c'est la politisation des cours d'amphithéâtre à Assas, cela n'a rien à faire dans une université. J'ai souffert de la tentative d'endoctrinement de certains étudiants et je me suis juré que je ne ferai jamais cela, même en étant de l'autre côté en politique. Je me souviens encore du jour de la seconde victoire de Mitterrand, j'étais étudiant en première année de droit et un grand nombre de personnes était venu avec un brassard noir. Mais l'ambiance a bien changé à Assas.
Quant à mon plus beau souvenir, je dirais ma soutenance de thèse car c'est un grand moment de la vie universitaire et aussi un accomplissement personnel.
Quel est votre personnage de fiction préféré ?
J’aurais pu dire James Bond, Largo Winch ou Julien Sorel, mais au fond, dans le cadre de cette interview, j’ai envie de vous répondre Persse McGarrigle, l’un des héros du merveilleux roman de David Lodge : Un tout petit monde. Jeune universitaire, ce qui n’est pas si fréquent pour un héros de fiction, McGarrigle découvre le monde académique, pour s’apercevoir que, quel que soit l’endroit de la planète où il se trouve, les vilénies de l’université sont les mêmes, ce qui ne l’empêche pas de vouloir changer l’université, et même le monde. McGarrigle réconcilie en quelque sorte l’université et l’universalité, et il le fait avec un humour irrésistible qui montre qu’il ne se prend pas lui-même au sérieux.
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
Les droits de la femme, parce qu’ils recoupent tous les droits de l’homme et même un peu plus. Or, en matière de droits de l’homme, on n’en aura jamais assez.
Carte d'identité du doyen
Le titre de doyen ou directeur d'UFR implique l'exercice d'une fonction et non d'un métier, ce qui explique qu'il effectue un mandat, et continue par ailleurs d'enseigner en tant que professeur d'université ou maître de conférences. Il peut choisir d'être entouré d'un ou deux vice-doyens. Par ailleurs, la Conférence des doyens de droit et de science politique assure la promotion, la défense et la représentation des UFR de droit auprès du ministère de la Justice et des Libertés.
■ Les chiffres
– 60 doyens sont membres de la Conférence des doyens de droit
– 3 réunions annuelles rassemblent les membres de la Conférence autour de thématiques liées à la formation, la recherche, l'insertion professionnelle et le statut des enseignants-chercheurs
– 5 ans : durée du mandat des directeurs d'UFR de droit et de science politique
– 3 000 étudiants à la Faculté de droit et sciences politiques de Versailles-Saint-Quentin ainsi que 50 enseignants-chercheurs titulaires et associés, plus de 250 enseignants vacataires et 20 personnes dans l'équipe administrative.
■ La formation et les conditions d'accès
Le doyen est élu par le conseil de son UFR, lequel est composé de professeurs d'université et maîtres de conférences de l'UFR, de représentants des étudiants et du personnel administratif, ainsi que de personnalités extérieures. La formation du doyen est celle d'un professeur d'université ou d'un maître de conférences.
■ Les domaines d'intervention
Il enseigne sa spécialité dans la faculté qu'il dirige, qu'il s'agisse de droit public, droit privé, histoire du droit ou science politique. Il gère la faculté, son administration, son rayonnement, son développement au sein de l'université et par rapport aux autres facultés de droit françaises, les relations avec les institutions extérieures et les échanges internationaux.
■ Le salaire
Il est de 3 800 euros annuels, auxquels s'ajoutent les défraiements liés à ses missions pour la faculté comme les frais de déplacements en France et à l'étranger, ainsi que la mise à disposition d'un téléphone portable, d'un ordinateur et d'une voiture de fonction.
■ Les qualités requises
Capacité à diriger, à prendre des initiatives, à assumer des responsabilités et à déléguer, écoute, persévérance, patience, anticipation, honnêteté.
■ Les règles professionnelles
Il n'existe pas de code déontologique à proprement parler. Mais les doyens sont, par définition, indépendants, tenus au secret professionnel, à la probité et ils s'engagent à défendre les intérêts de leur faculté et non leurs intérêts personnels.
■ Sites Internet
– Faculté de droit et de science politique de Versailles-Saint-Quentin : www.facdroit-sciencepo.uvsq.fr
– Université de Versailles-Saint-Quentin : www.uvsq.fr
– Conférence des doyens de droit et de science politique : www.univ-droit.fr
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