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Le documentaliste
S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.
Les étudiants les croisent dans les grandes bibliothèques universitaires à longueur d'année. Pour autant, connaissent-ils vraiment les enjeux de ce métier ? Parfois assimilé au webmestre, chargé d'études ou veilleur, le documentaliste est un salarié précieux dans le fonctionnement d'une entreprise, en particulier dans les cabinets d'avocats, régulièrement submergés par les flots d'actualités juridiques. C'est ce que Flavie Verrey, documentaliste du cabinet anglo-saxon Eversheds à Paris, a récemment expliqué à Dalloz Actu Étudiant.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel ?
Il n'est pas très classique puisque j'ai travaillé dans des domaines très différents avant de faire de la documentation, notamment en tant qu'assistante trilingue. En 1997, j'ai fait un passage à la Sofres puis je suis devenue assistante de veille au sein du groupe d’intelligence économique ESL & Network. Ca devenait très intéressant. Il y avait beaucoup de recherches, d'investigations. On me demandait de trouver des informations introuvables et j'adorais ça. Ensuite j'ai été recrutée comme documentaliste dans un cabinet de conseil en propriété industrielle (CPI). J'avais les compétences mais pas le diplôme alors, après 3 ans, j'ai fait une formation de gestion documentaire de l'information à Paris III Sorbonne. Et en parallèle, j’ai fait un stage en agence de publicité. En 2006 j’ai finalement pu mettre en application mes connaissances passées et ma formation : je suis entrée dans un cabinet d'avocats anglais. Et j'ai finalement été embauchée à Eversheds en avril 2011.
Vos expériences sont très diversifiées, souvent courtes, cela n'a semble-t-il pas été un frein à votre recrutement. Comment l'expliquez-vous ?
C'est lié à l'esprit très anglo-saxon du cabinet qui considère que c'est une vraie valeur ajoutée d'avoir des profils très différents. J'ai d'ailleurs été recrutée par une associée anglaise, que j'ai rencontrée au cours du troisième entretien. Ici j'applique toutes les choses que j'ai apprises avant. Par exemple, lorsque j'étais à la Sofres et au cabinet de CPI, je travaillais sur la norme ISO ce qui m'obligeait à toujours tout remettre en question. Aujourd'hui, cela m'incite à réfléchir en permanence à la notion de service et chercher comment faciliter la vie des avocats, répondre mieux et plus vite à leurs demandes. Par ailleurs, cela m'a rendue très flexible.
Qu'est-ce qui vous plaît dans le métier de documentaliste ?
J'ai vraiment l'impression d'appartenir à un métier. Quand j'ai réalisé mon bilan de compétences et que j'ai commencé à interviewer des documentalistes, je n'ai eu au téléphone que des gens épanouis. Cela m'a beaucoup marqué. C'est un métier où la compétition n'a pas sa place et où il y a beaucoup d'entraide. C'est un état d'esprit, une qualité de vie. Et il est très enrichissant de travailler avec des avocats. Cela pousse à aller toujours au-dessus de ses compétences. Cela me plaît de penser que mon travail les décharge de tâches importantes mais qui ne sont pas les grandes urgences de leur métier, tout cela dans une ambiance très friendly.
L'arrivée du numérique a-t-elle réduit l'usage de la documentation papier ?
En effet, beaucoup de cabinets suppriment leurs abonnements à des ouvrages pour choisir des bases de données et c'est un problème. Pour moi, il n'est pas envisageable de s'en passer complètement. L'usage d'un site en ligne est très différent de celui d'un document papier. Les avocats découvrent parfois des choses qu'ils n'auraient pas vues sur Internet où ils ne cliquent que sur la rubrique précise qui les intéresse. De plus, comment faire avec les archives en ligne ? Lorsque vous supprimez un abonnement papier, vous conservez toutes vos archives, mais ce n'est pas le cas avec les éditions en ligne où tous vos accès sont coupés à la fin de votre abonnement. Alors comment ferons-nous le jour où les trois quarts des documents ne seront accessibles qu'en ligne ? Cela nécessite une réflexion sur le long terme.
Comment imaginez-vous l'avenir de votre profession ?
Dans dix ans, elle aura inévitablement changé parce que les supports de documentation évoluent tellement vite. Il y a dix ans, nous n'aurions jamais imaginé parler de fil RSS, de Twitter et de Facebook comme outils de veille juridique. Nous n'aurions pas cru non plus que certains documentalistes seraient chargés de concevoir en partie un site Internet. Ma seule crainte concernant l'avenir est de perdre pied. Mais cela ne devrait pas arriver grâce à l'association Juriconnexion qui nous permet de nous tenir à jour de tout, et que je considère comme une sorte de formation continue.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur ou pire souvenir d'étudiante ?
Pendant ma formation documentaire, nous avons dû réaliser un dossier documentaire sur un thème. Il s'agissait de trouver les informations, les hiérarchiser, vérifier toutes les sources. Cela a été très intéressant et assez prenant. Nous avons travaillé à trois sur les maladies orphelines. Or nous avions trois profils très différents. L'une venait d'une agence de photo people, l'autre travaillait dans un laboratoire pharmaceutique. Cela faisait aussi longtemps que nous n'avions pas travaillé pour obtenir une note. Tout cela m'a beaucoup plu.
Mon pire souvenir d'étudiante remonte aussi à ma formation de documentaliste. À l’époque, les manifestations et blocages de facultés en réaction contre la réforme du CPE nous ont empêchés d'avoir cours. J'ai trouvé que c'était assez pénalisant parce que cette formation était courte et que nous la payions tous de notre poche. Certains venaient même de province pour assister aux cours.
Quel est votre personnage de fiction préféré ?
Ally McBeal parce que cette série offre une image beaucoup plus détendue des avocats que celle que la société veut bien leur donner.
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
La liberté d'expression ou le droit à la différence, parce que nous vivons dans un monde où tout ce qui est différent ou nouveau fait peur. Or c'est une source de richesse. Par exemple, le fait, pour certains cabinets, de recruter uniquement des personnes issues d'autres cabinets, ce n'est pas forcément enrichissant. C'est, au contraire, une bonne chose d'avoir des profils et cursus différents, chacun apporte ses expériences passées.
De plus, il est difficile, dans un pays de ne pas pouvoir s'exprimer, vivre sa religion, sa foi comme on l'entend. C'est quelque chose d'injuste.
Carte d'identité de la documentaliste
Dans la branche juridique, les documentalistes peuvent travailler dans le domaine public (bibliothèques, ministères) ou dans le privé (cabinets d'avocats, études de notaires ou entreprises). Par ailleurs, ces métiers n'existent pas dans les cabinets trop petits, contraints par des problématiques budgétaires. Et bien que ces professionnels apparaissent vite comme incontournables en termes d'efficacité, ils sont souvent les premiers touchés en cas de difficultés économiques.
■ Les chiffres
Il existe peu de statistiques et chiffres sur la profession de documentaliste juridique. Une grande partie d'entre eux est néanmoins regroupée au sein de l'association ADBS, des professionnels de l'information et de la documentation, créée en 1963. Or celle-ci regroupe 4 300 adhérents dont 200 professionnels dans le groupe de documentation juridique.
■ La formation et les conditions d'accès
Plusieurs écoles forment les documentalistes, en particulier l'École de bibliothécaires documentalistes (EBD) à Paris ou l'École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (ENSSIB) à Villeurbanne. Certaines proposent des formations spécialisées sous forme de stages, d'alternance, de formation continue et même de cours du soir.
Il existe également des diplômes universitaires spécialisés : la licence info-com, ou le DUT info-com proposé dans une dizaine d'IUT.
Il est en principe demandé aux candidats un niveau d'étude Bac + 4 en droit et un diplôme de documentaliste mais beaucoup de professionnels sont passés par des parcours non juridiques. Par ailleurs, les recruteurs sont très sensibles à la maîtrise de l'anglais voire d'une troisième langue.
■ Les domaines d'intervention
Les documentalistes veillent, archivent, et recherchent des informations dans tous les domaines du droit dans lesquels travaillent les membres de l'entreprise ou de l'institution concernée. Par ailleurs, le documentaliste intervient aussi pour former le personnel à l'utilisation des ressources numériques, gérer et stocker le « knowledge management » c'est-à-dire l'utilisation des connaissances internes du cabinet, participer à la mise en place de l'Intranet, négocier les contrats d'abonnement avec les éditeurs, etc.
■ Le salaire
Il est estimé entre 1 400 et 2 200 euros nets mensuels. Mais selon le magazine Décideurs, il serait compris entre 28 et 34 K€ pour les professionnels ayant moins de deux ans d'expérience, entre 33 et 43 K€ pour ceux bénéficiant de 3 à 6 ans d'ancienneté, et entre 44 et 52 K€ pour les plus anciens de la société.
■ Les qualités requises
Souplesse, diplomatie, patience, rigueur, organisation, écoute, anticipation, adaptabilité, pédagogie, communication, serviabilité, pluridisciplinarité, autonomie.
■ Les règles professionnelles
Confidentialité, secret professionnel, probité, éthique professionnelle, respect des règles imposées, non-concurrence, etc.
■ Sites Internet
– L'association ADBS : www.adbs.fr
– L'association Juriconnexion : www.juriconnexion.fr
– Le site d'information : www.precisement.org
– Le blog de Flavie Verrey sur les restaurants : www.flavieaurestau.fr
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