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Le généalogiste successoral
S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.
Né dans les années 1830, le métier de généalogiste successoral a vu le jour avec l'étude Andriveau, anciennement appelée « Archives généalogiques », aujourd'hui dirigée par la 6e génération de la même famille. Séparée en deux catégories : les chercheurs d'un côté qui enquêtent pour retrouver les héritiers inconnus ou introuvables d'un défunt, et les juristes du service règlement de l'autre qui gèrent la partie successorale, l'étude ainsi que le métier ont été présentés à Dalloz Actu Étudiant par l'un des généalogistes du service recherche, Charles-Henri Martin.
Quel parcours avez-vous suivi pour devenir généalogiste ?
J’exerce ce métier depuis environ une douzaine d’années. Après une licence de droit puis une formation de gestion d’entreprise, j'ai travaillé pendant trois ans dans un domaine qui n'avait rien à voir avec la généalogie. Et c'est par le biais d'une connaissance que je suis arrivé aux Archives généalogiques Andriveau, muni de ces quelques bases théoriques. Ce sont elles qui m’ont formé aux rudiments du métier. Au début, je pensais que c'était un métier poussiéreux. Mais j'y ai pris goût, preuve que j'étais bien loin de la réalité.
Vous êtes chargé de la partie recherche généalogique, qui implique de longues heures d'enquête. Comment vivez-vous cela ?
Très bien, même s’il m'a fallu un certain temps avant de trouver la manière la plus adéquate de concilier le but commercial de notre profession avec ses aspects humains. Il n’est en effet jamais simple d’annoncer un décès, surtout quand une parenté est proche, ni anodin de recevoir parfois les confidences des personnes rencontrées. La recherche nous donne de vraies satisfactions, surtout lorsque, par astuce, en plus des moyens classiques de recherche, nous arrivons à nos fins. Parfois résultat d’un travail solitaire, c’est aussi souvent le fruit de celui d’une équipe soudée car nous pouvons être plusieurs à travailler sur un même dossier selon notre situation géographique.
Quelles sont les principales caractéristiques de ce métier, en dehors de la recherche, et de l'aspect juridique ?
C’est une profession très prenante. Être généalogiste implique une certaine disponibilité selon l’urgence des dossiers et une certaine adaptabilité liée aux difficultés rencontrées sur le terrain et aux spécificités des pays traversés. L’aspect humain est aussi l’une des caractéristiques les plus marquantes du métier. Au début, j'étais étonné de voir à quel point les personnes que nous rencontrons se confient facilement sur leur vie familiale, en rentrant dans les détails, du fait que nous arrivons avec beaucoup d'informations. Notre intervention est la conséquence d’un décès et l’occasion pour le chercheur de passer du temps en compagnie des héritiers, de stimuler ainsi la mémoire familiale et par là, de dépasser le simple cadre professionnel. C'est une pause dans notre vie professionnelle qui nous remet les idées en place.
La généalogie est-elle un domaine concurrentiel ?
Depuis une dizaine d'années, la concurrence s'est accrue, la profession s'est développée et des petites études ont vu le jour. Il s'agit souvent de collaborateurs d'études de généalogie qui se mettent à leur compte. On peut y voir la volonté d'être son propre patron, mais cela tient aussi à l'augmentation de la demande de généalogie successorale. Aujourd'hui, les notaires font sans doute plus facilement appel à nous qu'autrefois et depuis quelques années, la généalogie intéresse de plus en plus. Nous rencontrons régulièrement des personnes qui font du dépouillement, de la généalogie familiale, aux Archives. Il y a aussi des disciplines qui émergent de la généalogie comme la psycho-généalogie qui permet notamment de faire ressortir des secrets enfouis.
Comment imaginez-vous l'avenir de votre profession ?
En considérant l’évolution de la famille aujourd’hui, la baisse régulière du nombre de mariages, l’augmentation des filiations hors mariage mais aussi celle de la transmission du nom de famille ou encore la mobilité croissante de la population, le généalogiste successoral aura encore beaucoup à faire dans les années à venir. Par ailleurs, on trouve déjà beaucoup de choses sur Internet ce qui peut faire croire que notre métier est simple. De plus en plus d'archives départementales mettent leurs fonds en ligne mais cela nous permet simplement de commencer les recherches depuis notre bureau ce qui n'était pas le cas avant. Pour autant, il demeure nécessaire de se déplacer à un moment ou un autre, en France ou à l'étranger.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur ou pire souvenir d'étudiant ?
Un oral raté dû à un trou de mémoire phénoménal et soudain.
Quel est votre personnage de fiction préféré ?
Corto Maltese pour sa liberté et sa vie d’aventures.
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
La liberté d’opinion et d’expression.
Carte d'identité du médiateur
À la différence des généalogistes familiaux, l'activité de généalogiste successoral a été implicitement reconnue par la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités laquelle précise le caractère obligatoire du mandat préalable pour agir (art. 36 : « Hormis le cas des successions soumises au régime de la vacance ou de la déshérence, nul ne peut se livrer ou prêter son concours à la recherche d'héritier dans une succession ouverte ou dont un actif a été omis lors du règlement de la succession s'il n'est porteur d'un mandat donné à cette fin. Le mandat peut être donné par toute personne qui a un intérêt direct et légitime à l'identification des héritiers ou au règlement de la succession. (…) »). Pour autant, la profession n'est toujours pas réglementée. Les généalogistes successoraux peuvent adhérer à l'une des quatre chambres représentant la profession ce qui leur permet par ailleurs d'obtenir plus facilement les autorisations préalables pour mener leurs recherches.
■ Les chiffres
– 100 millions d'euros : c'est l'estimation du marché annuel français de la généalogie successorale.
– 25 % de rentabilité pour une grande partie des études de généalogie successorale.
– En France, 60 % des décès donnent lieu à une succession et les généalogistes successoraux sont contactés dans à peine 3,5 % des cas.
– 600 à 700 professionnels exerceraient dans l'hexagone.
■ La formation et les conditions d'accès
Il n'existe pas de formation spécifique pour les généalogistes qui sont : soit juristes (service recherche), soit sociologues ou historiens de formation (service recherche). Ils peuvent ainsi s'installer à leur compte sans n'avoir jamais obtenu aucun agrément, aucune certification. Néanmoins un diplôme de généalogie a été créé à l'Université de Corté dispensé par « L’Institut d’étude et de formation à la généalogie professionnelle », un organisme autonome qui n'a pas été reconnu pour l'instant par la profession. Les cours peuvent être dispensés par correspondance.
■ Les domaines d'intervention
Les généalogistes successoraux sont mandatés par les notaires ou toute personne ayant un intérêt direct et légitime, afin d'établir (ou de confirmer) une dévolution successorale en cas d'absence de testament, d'ayants droit connus ou si des héritiers demeurent introuvables. Ils peuvent également être contactés par l'Administration dans le cadre de biens retrouvés vacants.
■ Le salaire
Les honoraires sont fixés dans le contrat de révélation signé par chacun des héritiers retrouvés par les généalogistes successoraux, et déterminées librement. Plus le degré de parenté avec le défunt est éloigné, plus les honoraires seront élevés.
De manière générale, le salaire d'un professionnel varie ainsi entre 2 000 euros et 4 500 euros brut environ.
■ Les qualités requises
Probité, rigueur, patience, débrouillardise, intuition, écoute, pédagogie, souplesse, discrétion, ténacité, confidentialité, aptitude à mener des recherches, autonomie, mobilité.
■ Les règles professionnelles
Il n'existe pas de règles professionnelles obligatoires mais certains syndicats, comme la chambre des généalogistes successoraux de France impose à ses adhérents le respect d'une charge déontologique. Elle fait état des devoirs généraux des généalogistes successoraux comme le renouvellement des connaissances ou la certification annuelle des comptes de l'étude par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes. La Charte des membres de la Chambre des généalogistes successoraux de France édicte également certaines obligations envers les notaires et les professionnels qui mandatent les généalogistes (justifier d'une assurance en responsabilité civile souscrite auprès de la Compagnie agréée par la Chambre, respecter les termes de la Convention de partenariat généalogistes/notaires, signée le 4 juin 2008). Les obligations s'étendent envers les services d'archives publics et privés, envers les héritiers représentés, les confrères et membres de la Chambre. Des sanctions sont prévues en cas de manquement.
■ Sites Internet
– Les Archives Andriveau : www.andriveau.fr
– La Chambre des généalogistes successoraux de France : www.chambre-genealogistes.com
– Institut d’étude et de formation à la généalogie professionnelle : http://www.devenir-genealogiste.com/
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