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[ 21 décembre 2012 ] Imprimer

Le géomètre-expert

S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat… Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.

Professionnel incontournable en matière de travaux de copropriété, le géomètre-expert intervient sur de nombreux domaines du droit, avec une expertise juridique de plus en plus pointue. Interlocuteur clé des notaires, promoteurs immobiliers et collectivités, son activité demeure encore méconnue des juristes. Géomètre-expert à Meudon, Matthias Külker a donc accepté d'expliquer à Dalloz Actu Étudiant ses activités.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours jusqu'à ce cabinet ?

La découverte de la profession s'est faîte pour moi un peu par hasard. Après une année à la Faculté de sciences, où je m'étais un peu intéressé à la géologie, j'ai regardé un guide des professions et j'ai découvert, sous la profession de géologue dans l'ordre alphabétique, celle de géomètre-expert qui m'a semblé vraiment intéressante. J'ai pensé que c'était le métier que je voulais faire. Et dès la première année, je me suis passionné pour ces études. D'un seul coup toutes les matières enseignées me plaisaient, c'étaient des mathématiques et des sciences comme je les aimais. Et avec la passion pour les cours, est née la passion pour la profession, avec cette ambition dès le départ d'arriver à un statut libéral. Ensuite, j'ai eu l'opportunité de partir en stage à Meudon dans ce cabinet à l'époque où le directeur, M. Führer, cherchait un successeur. J'y ai passé mon examen DPLG. Et je me suis associé à mon prédécesseur en 1997, qui est parti deux ans et demi plus tard.

Aujourd'hui, qu'est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ?

Ce qui me plaît le plus, c'est quand je sens que quelque chose va fonctionner parce que j'ai réussi à apporter le bon conseil, une expertise à un client. Il peut s'agir de particuliers qui ont un souci de limite de terrain, d'appartenance de mur. L'autre jour, c'était un promoteur qui avait une difficulté sur une copropriété. J'ai eu une relecture des actes de ventes qu'ils avaient passés avec leurs acquéreurs et j'ai pu trouver une solution à leur problème. J'aime bien travailler aussi avec la ville d'Issy-les-Moulineaux parce qu'ils ne nous considèrent pas comme de simples exécutants. Ils nous demandent des conseils qui peuvent porter sur des projets de plusieurs millions d'euros. Et on sait qu'ils vont nous écouter ; on apporte un plus. C'est assez gratifiant.

Quelle est l'image de votre profession auprès des particuliers et des professionnels du droit ?

Notre profession n'est pas toujours connue des citoyens mais l'image qu'elle véhicule est globalement bonne. Nous apparaissons comme des professionnels assez terre à terre et vis-à-vis du particulier nous sommes « l'homme de la juste mesure » pour reprendre les termes de l'Ordre. Nous officions dans quelque chose de positif, nous parlons aux gens de choses qu'ils aiment c'est-à-dire de leur propriété, en leur apportant la garantie qu'elle est bien la leur dans les limites que nous avons déterminées. Mais nous essayons de nous faire connaître, notamment des notaires qui sont les principaux prescripteurs de travaux de copropriété, d'autant plus que depuis quelques années, nous avons vu arriver une concurrence sur quelques-uns de nos terrains. Nous essayons donc de faire en sorte qu'ils continuent à prescrire le géomètre-expert comme étant le professionnel expert de la copropriété. C'est pour cela qu'il est utile d'aller voir de temps en temps les notaires à la source pour leur parler de notre profession.

En tant qu'expert de l'urbanisme, pouvez-nous expliquer l'évolution du paysage urbain de ses dernières années ?

L'urbanisme évolue au gré de la législation sur le sujet. Cela s'observe systématiquement entre deux à trois années après les réformes en général, de manière directe, soit sur un plan soit dans la lecture qu'on peut faire de la ville avec un œil un petit peu exercé. La maisonnette a été faîte dans les années 1970, à l'époque le rêve du maire était « chacun son home », en 1999 la loi SRU (NDLR : du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains) arrive avec les socialistes qui souhaitent redensifier le centre-ville et qui d'un coup font pousser des immeubles dans un milieu qui ne s'y prêtait pas forcément. Tout cela donne quelque fois des absurdités comme dans certaines zones commerciales et sorties de ville où on observe des « boîtes à chaussures » avec chacune son parking. C'est l'urbanisme issu de la loi Royer (NDLR de 1973). Aujourd'hui, le paysage urbain n'évolue pas autour d'une vraie politique de la ville mais autour de la législation et c'est un peu dommage. En France, on continue à faire du Monopoly, de l'urbanisme arithmétique, à placer des coefficients et des pourcentages d'occupation des sols au lieu de mettre des bâtiments dans les villes aux bons endroits. Il existe des exceptions quand le foncier est suffisamment disponible, cela va souvent de paire avec la désindustrialisation des villes qui a libéré des grands terrains. Là il est possible d'avoir un raisonnement d'urbanisme, de créer des voies qui sont accessibles. Mais à l'échelle du foncier ordinaire, accessible au promoteur, il n'y a pas de politique de la ville.

Comment imaginez-vous l'avenir de votre profession ?

Je pense que notre profession a de l'avenir parce qu'inéluctablement, les propriétés vont devenir de plus en plus complexes de par les enchevêtrements de législations différentes. Par ailleurs, les opérations immobilières, même de petite importance, commencent à être également compliquées avec des obligations de quotas de logements sociaux, des structures juridiques différentes entre les commerces et les lots d'habitation. Aujourd'hui, cela devient quasiment systématique. Or le professionnel qui arrive à s'en sortir sur la notion de division volumétrique, et les notaires en conviennent totalement, c'est le géomètre-expert. La volumétrie c'est un raisonnement foncier, ce n'est pas de la technicité mais vraiment du juridique. Notre profession va vraiment se consolider autour du juridique. Aujourd'hui la technique c'est un jeu de mathématicien, n'importe qui sait se servir d'un GPS dans une voiture. Mais la spécialisation, l'expertise, le juridique, tout cela c'est l'avenir de la profession.

 

 

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur ou pire souvenir d'étudiant ?

Il y a quelques années, j'ai suivi une formation universitaire à la Faculté de droit d'Avignon en droit de l'expertise judiciaire. J'en garde de très bons souvenirs. Nous étions un petit groupe de cinq géomètres-experts de la région parisienne à nous retrouver de Paris pour nous rendre là-bas tous les quinze jours. Nous dînions dans le même restaurant d'Avignon, où une cuisinière irascible nous préparait des plats délicieux. L'ambiance était amusante, c'était un moment de détente dans la semaine.

Quel est votre personnage de fiction préféré ?

J'aurais tendance à répondre Tintin car c'est un touche-à-tout. Il fait tout ce qui me plaît en général : il conduit des voitures, des motos, des avions. Et il est gentil, il est propre sur lui, il a un esprit de justicier. Il a des amis qui compensent ce « politiquement correct » et qu'il accepte avec tous leurs défauts : la surdité du professeur Tournesol, l'alcoolisme du Capitaine Haddock, la bêtise des Dupont et Dupond. C'est sympathique et il est universel. Ce que j'aime c'est que mes enfants le découvrent avec leur vision, mais ils aiment Tintin avec la même passion que nous quand nous étions jeunes. Mais ce n'est pas pour autant un héros auquel j'aimerais ressembler.

Quel est votre droit de l'homme préféré ?

Je tiens à une notion particulière, c'est l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Cela fait partie de mon idéal et je suis un grand combattant de tout ce qui peut être injustice sociale et raciale. Je ne supporte pas les racistes ni les discours discriminatoires. Je suis marié avec une musulmane et je suis moi-même issu d'un mélange des nations françaises et allemandes dont, à l'époque, la rencontre n'était pas si évidente. Je ne supporte plus cette focalisation autour de l'Islam, et ce discours convenu que l'on entend partout y compris chez les dirigeants politiques de droite. Le problème c'est qu'à mot caché, et sous couvert d'une idéologie qui n'est même plus la leur, la gauche pourrait également valser dans un discours similaire.

 

Carte d'identité du géomètre-expert

On dit de cette profession que c'est une des plus anciennes au monde. Elle a traversé les époques avant de se réunir en Ordre, aujourd'hui organe de représentation, de défense des valeurs et de contrôle de ses membres. Elle bénéficie d'un monopole sur les actes de bornage en matière de propriété, conféré par la loi du 7 mai 1946. Mais ses missions sont bien plus larges, toujours empruntes de technique et de juridique.

▪ Les chiffres

– 1850 géomètres-experts sont en exercice sur le territoire français selon le dernier rapport d'activité de l'Ordre.

– La moyenne d'âge reste assez élevée : 45% des géomètres-experts ont plus de 50 ans, contre 52 % en 2001.

– 12 800 emplois directs générés par cette profession en France, soit en moyenne huit salariés par cabinet.

– Seul 8,5 % de la profession est représentée par des femmes (3,6 en 2001).

▪ La formation et les conditions d'accès

– La voie classique : passer un diplôme d'ingénieur géomètre à l'ESTP à Parisl'ESGT au Mans ou l'INSA à Strasbourg, avant de suivre deux années de stage d'exercice professionnel.

– La promotion interne : selon son expérience et son niveau de responsabilité au sein du cabinet dans lequel il exerce, un collaborateur pourra passer le DPLG (diplôme garanti par le gouvernement) et devenir géomètre-expert.

– Les autres voies : le diplôme a été ouvert à des personnes titulaires de Master en géographie, en environnement, en architecture, ainsi qu'aux ressortissants de l'Union européenne.

▪ Les domaines d'intervention

Le foncier, la topographie, la géomatique, l'urbanisme, l'aménagement rural, l'ingénierie, l'information géographique, la copropriété, l'expertise et la gestion-entremise.

▪ Le salaire

Entre 4 000 et 12 000 euros par mois.

▪ Les qualités requises

Probité, rigueur, transversalité, indépendance, capacité à travailler en équipe, à manager, à conseiller, discipline, analyse.

▪ Les règles professionnelles

Indépendance, impartialité, devoir de conseil, secret professionnel, confidentialité. Il ne peut sous-traiter les études ou travaux de délimitation des biens fonciers qui relèvent de la compétence exclusive de la profession. Et il est tenu de communiquer gratuitement aux services publics, sur leur demande, les études et travaux topographiques qui fixent les limites de biens fonciers et qu'il a réalisés.

▪ Le site Internet de l'Ordre des géomètres-experts : http://www2.geometre-expert.fr/

 

Auteur :A. C.


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