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Le médiateur judiciaire
S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat… Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.
À l'heure actuelle, la médiation est une activité professionnelle et non une profession, proposée dans certains dossiers sensibles et exercée par des professionnels de tous horizons, dont une grande part d'avocats (en activité ou à la retraite). C'est le cas de Dominique Gantelme, inscrite au barreau de Paris depuis 1979, qui a reçu la rédaction de Dalloz Actu Étudiant à l'occasion d'une séance de médiation entre un patron et son ex-employée.
Comment votre parcours vous a-t-il conduit à la médiation ?
J'ai prêté serment en 1979 et depuis, j'ai exercé la profession d'avocat dans différents cabinets, en me spécialisant en droit du travail. J'ai toujours beaucoup réfléchi à l'éthique, à l'acte de juger et à l'impossibilité pour les parties de s'approprier leur propre histoire. C'est donc très naturellement que je suis venue à la médiation, voilà 10 ans. Je me suis formée de différentes manières : en pratiquant des actions sur le terrain et intégrant des associations de médiateurs dont l'Association des médiateurs européens (AME) que je représente au conseil d'administration et la Fédération nationale des centres de médiation (FNCM) qui propose elle aussi une formation approfondie.
Selon vous, quel est le rôle de la médiation ?
Ce serait une erreur de penser que la médiation est un palliatif du surcroît des dossiers devant les juridictions. Cela fait partie d'une démocratisation de l'accès au droit et d'une prise en main par le citoyen de sa propre histoire même si cela n'est pas envisageable dans tous les dossiers. À mon sens, la médiation n'est pas le prêt-à-porter de l'audience. C'est de la haute couture : un temps pour être, un temps pour soi et pour l'autre. Il y a une restauration de l'homme et cela peut changer beaucoup de choses. De plus cela responsabilise. Aller en médiation c'est s'offrir une chance de mieux appréhender l'avenir. C'est particulièrement vrai dans certains domaines comme le droit commercial, le droit social où l’affect est si important ou le droit de la famille où le sort des enfants est en jeu. L'important reste que le médié s'exprime, lui, avec ses mots et dise ce qu’il a envie de dire et non plus seulement par l'intermédiaire de l'avocat. Souvent, le nœud du conflit n’est pas celui qui transparaît dans le litige.
Justement, l'avocat trouve-t-il facilement sa place dans le processus de médiation ?
Il faut savoir le ménager. Son rôle est différent : actif mais taisant, et c'est très complexe. Il doit laisser ses conclusions à la porte de la salle de médiation. S'il se focalise sur l'accord, s'il se croit dépossédé de son dossier ou s'il absorbe son client, il faut l’entendre là où il est et lui expliquer toute la richesse du processus qui rejaillit aussi sur lui. Je leur dis souvent « reposez-vous et vous verrez ». Il n'y a aucune obligation de résultat dans la médiation, mais une obligation d'être. L'idée n'est pas d'exclure l'avocat mais parfois, il est utile qu'il ne vienne pas car sa présence peut exacerber la médiation. Il est important qu'il comprenne que c'est l'histoire de son client, pas la sienne.
Est-ce déontologique de juger quand on est soi-même avocat, même s'il ne s'agit pas des mêmes dossiers ?
Il n'est certes pas conseillé de passer d'une plaidoirie à une médiation dans la même journée. Mais il n'y a aucune incompatibilité entre le métier d'avocat et la qualité de médiateur. L'exigence de formation est très importante et il existe un code de déontologie. De plus, cela fait partie des obligations professionnelles de l'avocat que de proposer la médiation à son client avant de lancer une procédure. C’est un atout exceptionnel au métier d’avocat comme à tout autre. Tout corps de métiers peut rejoindre la qualité de médiateur. Il n’a aucune exclusion à part l’absence d’éthique, de déontologie et de formation. On ne s’improvise pas médiateur quel que soit son charisme. C’est un travail sur soi et surtout, cela nécessite une grande humilité.
Comment voyez-vous l'avenir de cette activité ?
Il est certain que le recours à la médiation sera davantage proposé dans les cours et tribunaux puisque toute la sphère du droit public (à part ce qui relève d'une prérogative de puissance publique), y compris le droit de l’environnement, vient de s'ouvrir à cette forme de résolution des conflits par l'ordonnance de transposition qui date de novembre 2011. C'est quelque chose de fantastique. Désormais, tout ce qui touche au droit administratif et ne relève pas d'une prérogative de puissance publique, comme le droit de l'environnement ou le droit de la consommation, est susceptible de faire l'objet d'une médiation. Par ailleurs, la médiation peut se développer dans un cadre conventionnel. Je crois qu'une réflexion va émerger sur de nouvelles voies alternatives à la résolution contentieuse des conflits.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur ou pire souvenir d'étudiante ?
Mon pire souvenir c'est mon premier arrêt de cassation en 1re année. Il s'agissait de la première épreuve de droit civil, je l'ai perçu comme un labyrinthe juridique. Je me suis demandée ce que je fichais là et si je ne m'étais pas trompée de parcours…
Quel est votre personnage de fiction préféré ?
Peter Pan, car il est rapide comme l'éclair, dynamique, gai et solitaire. Peter Pan c'est aussi le temps sans temps et la frontière entre l'imaginaire, la réalité et le miroir.
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
La liberté d'aller et venir !
Carte d'identité du médiateur
Le premier texte législatif français relatif à la médiation remonte à 1995, bien que le mouvement en faveur de l'émergence de cette pratique date des années 1970-1980. À l’époque, le Parlement européen s'était prononcé à travers une directive pour conseiller aux États membres d'instaurer le principe de la médiation dans leur législation nationale. Aujourd'hui, les profils de médiateurs sont très variés : notaires, huissiers, architectes, experts comptables, médecins, travailleurs sociaux, cadres d'entreprise, magistrats.
■ Les chiffres
1 600 personnes auraient été formées par la Fédération nationale des centres de médiation (FNCM) censée représenter les médiateurs et associations de médiateurs. Or, 80 % des médiateurs français appartiendraient à la FNCM. Selon les statistiques réalisées pour l'année 2011 à partir des données relevées dans les chambres sociales de la cour d'appel de Paris (36 médiateurs ayant répondu au questionnaire) : les médiateurs seraient chargés en moyenne de 3 ordonnances de médiation par an, contre 6 en 2010 ; 85 % des médiations engagées dans l'année seraient conclues au 31 décembre 2011, chiffre identique à celui de 2010, mais avec un taux de réussite de 80 % contre 53 % l'année précédente, soit une amélioration de 30 %.
■ La formation et les conditions d'accès
Il existe plusieurs types de formation. L’Institut de formation à la médiation et à la négociation (IFOMENE), partenaire de l’AME et de la FNCM, prépare au diplôme universitaire de médiation en deux ans. L'Université Paris II propose également un DU de médiation, tout comme Paris 5 René Descartes ou le CNAM. De son côté, la FNCM propose « une formation d'excellence » soit en spécialisation, soit continue, soit « principale » dans toute la France : centres, associations, organismes adhérents ou avalisés, « dont les centres régionaux de formation des avocats »
■ Les domaines d'intervention
Tous les domaines juridiques : le droit des affaires civiles familiales, les conflits de voisinage et conflits commerciaux, le droit social, le droit médical et depuis peu, le droit administratif à condition que le conflit en jeu ne relève pas d'une prérogative de puissance publique.
■ Le salaire
La rémunération dépend de l'organisation des juridictions et du type de procédure applicable (civile, pénale, administrative). Quant aux charges, il est en principe prévu qu'elles soient réparties de manière égale entre les médiés « à moins que le juge n'estime qu'une telle répartition est inéquitable au regard de la situation économique des parties ». À Paris, les chambres sociales ont décidé que la rémunération du médiateur serait de 600 euros HT, divisible par deux. Il s’agit d’une « provision », à savoir que le médiateur peut soumettre une demande complémentaire d’honoraires lorsque la médiation s'avère particulièrement longue et difficile.
■ Les qualités requises
Éthique, probité, rigueur, écoute, pédagogie, communication, souplesse, discrétion, capacité à modérer, arbitrer les débats…
■ Les règles professionnelles
La Fédération nationale des centres de médiation a édicté un code de déontologie à l'occasion d'un grand rassemblement des organisations de médiations, le ROM, au printemps 2008. Celui-ci a été présenté en février 2009 au Palais Bourbon. Dans ce code, il est notamment questions d'indépendance, de neutralité, d'impartialité, de loyauté et de confidentialité du médiateur, mais aussi de libre consentement des médiés.
■ Sites Internet
– La Fédération nationale des centres de médiation (FNCM) : http://www.fncmediation.fr/
– L'Association des médiateurs européens (AME) : http://www.mediateurseuropeens.org/
– La Chambre nationale des praticiens de la médiation : http://www.cnpm-mediation.org/formations-a-la-mediation
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