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[ 17 mars 2022 ] Imprimer

Le nouveau Code général de la fonction publique

L’ordonnance n°°2021‑1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du CGFP a été adoptée sans trop de bruit. Je trouve cela curieux. Peut-être est-ce parce qu’elle n’entrera en vigueur que le 1er mars 2022 ? Pour nous répondre, Antony Taillefait, agrégé des facultés de droit, professeur de droit public à l'Université d'Angers, auteur du Précis de Droit de la fonction publique (Dalloz, 2022), a bien voulu condenser cette discipline dans le court canevas de nos 4 questions d’actualité.

Les règles jusqu’alors existantes applicables à la fonction publique sont-elles modifiées par la codification législative ? 

Les fonctionnaires sont environ 4,7 millions dans l’administration publique française auxquels il convient d’ajouter près d’un million d’agents contractuels, de droit public pour la plupart. Le droit des fonctionnaires est très spécifique si on le compare au droit du travail applicable aux salariés notamment des entreprises à but lucratif. Il est spécifique dans la mesure où il est défini par la loi et le règlement ; les normes contractuelles n’ayant pas de place parmi les sources juridiques des droits et obligations des fonctionnaires. Il est spécifique dans la mesure où il organise la réalisation de l’intérêt général défini selon les canons de la démocratie.

La codification des sources législatives du droit des fonctionnaires est présentée par le gouvernement comme étant réalisée à droit constant. Cependant une analyse fine du nouveau code reste à mener dans la mesure où d’ores et déjà on peut observer que des règles contenues dans les 4 titres législatifs du statut général des fonctionnaires n’y figurent plus ; elles sont en cours de délégalisation. Des mots symboliques importants ont été ajoutés comme celui de dialogue social (sous-entendu contractuel) ; lequel n’a jamais figuré jusqu’à présent dans le statut législatif général des trois versants de la fonction publique (État, collectivités territoriales et hôpitaux publics).

Quels sont les enjeux de cette codification à droit constant ? 

Ils sont bien entendu politiques et de plusieurs sortes. Dans le nouveau code, le statut général des fonctionnaires est noyé dans un ensemble plus vaste qui rassemble en particulier les dispositions législatives relatives aux agents contractuels. Ils sont aussi destinés à montrer que « la gestion managériale de la fonction publique », agents considérés comme des ressources, doit plier les règles du droit de la fonction publique aux préoccupations de restructuration, de conversion, de réadaptation. Bref la règle de droit ne serait qu’un instrument, une sorte « d’outil de pilotage » en cours d’évolution à même de bouger grâce à un rythme élevé de transformations législatives et règlementaires, voire au moyen de stipulations contractuelles. La lecture du code montre qu’il est construit comme selon le schéma d’une procédure complète de recrutement d’un agent par l’Administration et qu’il est manufacturé comme « un guide de la carrière ».

Les conséquences de cette codification sont-elles les mêmes pour les agents des trois fonctions publiques ? 

Sans entrer dans les détails, les conséquences sont un peu plus importantes pour les agents des collectivités territoriales et de leurs groupements dans la mesure où, en conséquence du principe de libre administration, les dispositions sont par principe plus nombreuses. Cela leur offre une accessibilité espérée plus grande à la règle de droit.

Quelle est la suite de cette codification ? 

Cette suite va dépendre de la nature de la majorité politique élue à l’issue de l’élection présidentielle. Soit il s’agira de poursuivre dans la même veine d’un affaiblissement de la situation statutaire des agents publics ; pour le moment la partie règlementaire du code ne semble pas envisagée ; soit il s’agira d’en reprendre l’écriture pour en faire un code statutaire des fonctionnaires avec ses principes symboliques, structurants et ses exceptions.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? 

Ce sont les enseignements de feu le professeur Jean-Louis Martres intitulés « Analyse des idéologies ». Ils ont assez profondément marqué mon parcours intellectuel.

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ? 

Sans hésitation, Guillaume de Baskerville dans Le nom de la rose d’Umberto Eco. La personnalité de ce personnage construite autour de religiosité, de rationalité, de culture livresque, de recherche de la vérité et bien d’autres choses, en font un héros indispensable, encore et à nouveau pour les temps présents.

Quel est votre droit de l’homme préféré ? 

Je suis de ceux qui pensent qu’il faut aller au-delà de la défense des droits de l’Homme pour assurer les droits universels des êtres vivants. Cela est essentiel aujourd’hui lorsque l’on mesure le nombre d’êtres humains qui vivent sans toits ni protections contre toutes les violences, le nombre d’animaux dont les souffrances sont ignorées et le nombre d’écosystèmes qui sont massacrés.

 

Auteur :Marina Brillié-Champaux


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