Actualité > Focus sur...

Focus sur...

[ 17 novembre 2016 ] Imprimer

Le Président américain

Alors que Donald Trump, du parti Républicain, vient d’être élu Président de la première puissance mondiale, Dalloz Actu Étudiant est curieux de savoir quels seront ses pouvoirs réels. Nous nous sommes donc adressées à Élisabeth Zoller, professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II), auteur d’une Histoire du gouvernement présidentiel aux États-Unis, Dalloz, 2011.

En quoi le régime américain est-il un « vrai » régime présidentiel par rapport au régime français ?

Selon Walter Bagehot, journaliste anglais qui avança en 1867 le concept de régime présidentiel pour décrire le système américain, « la totale indépendance des pouvoirs législatif et exécutif est la qualité spécifique du gouvernement présidentiel ». Si le régime américain est un « vrai » régime présidentiel, c’est parce que ce critère y est respecté à la lettre dans la mesure où la séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif est parfaite. Le Président ne procède pas du Congrès puisqu’il est élu par le peuple et il ne peut pas le dissoudre. Inversement, le Congrès ne procède pas du Président ne serait-ce qu’indirectement (celui-ci ne contrôle pas les investitures accordées aux candidats comme le ferait un chef de parti) et les élus ne peuvent rien contre le Président, à la seule exception de la procédure d’impeachment (destitution), mais qui ne peut aboutir que pour « hauts crimes et délits », soit, à des conditions très exceptionnelles. En France aussi, le Président ne procède pas du Parlement puisqu’il est élu par le peuple. En revanche, il peut beaucoup contre lui car il a le pouvoir de le dissoudre avec pour conséquence que le pouvoir de résistance des parlementaires à sa politique est limité.

Quelle est la fonction du leadership présidentiel à l’américaine ?

Lorsque les pouvoirs législatif et exécutif sont indépendants l’un de l’autre, la difficulté est de faire en sorte qu’ils aillent de concert en s’accordant sur une politique à suivre. Or, ce concert ne peut se former que par l’intermédiaire d’un leader qui l’énonce et le porte, et, en régime parlementaire, ce leader est le Premier ministre. Mais, dans un régime où les pouvoirs sont rigoureusement séparés comme aux États-Unis, le Président n’a pas les mêmes moyens qu’un Premier ministre parce que les partis ne sont pas structurés, autrement dit, disciplinés (les élus au Congrès répondent de leurs votes devant leurs électeurs, non devant leur parti, encore moins devant le Président, et la Chambre des représentants ne vit pas avec l’épée de Damoclès sur la tête qu’est la dissolution). Le résultat est que le Président ne peut pas se faire obéir par le parti qui l’a porté au pouvoir comme le Président en France ou le Premier ministre en Grande-Bretagne. Il ne peut pas ordonner, commander au sens fort du terme, si ce n’est aux autorités administratives placées sous sa dépendance. Vis-à-vis du Congrès, il doit convaincre, persuader, démontrer que ce qu’il propose ne concourt pas seulement à l’intérêt de ceux qui le soutiennent, mais est aussi dans l’intérêt de ceux auxquels il s’adresse, autrement dit que sa politique est conforme à l’intérêt de tous, qu’elle est d’intérêt général. Le leadership n’est rien d’autre que cette capacité à persuader, ce talent à convaincre.

Quel est le rôle des partis dans ce système ?

Il ne peut être de fournir une majorité de gouvernement au Président dès lors que celui-ci n’a pas les moyens de fidéliser une majorité d’élus au Congrès à sa personne, soit par l’ambition (les élus d’un parti au Congrès ne peuvent pas occuper d’autres fonctions que leurs fonctions de sénateur ou de représentant, et ne peuvent donc se mettre au service du Président en acceptant un poste que celui-ci leur propose), soit par la crainte (celui-ci ne peut pas les renvoyer devant les électeurs). Leur rôle ne peut pas être non plus d’élaborer un programme ou une plateforme de gouvernement comme dans un régime parlementaire, dès lors que chaque élu est libre de son vote et qu’il n’en répond que devant ses électeurs, non devant son parti.

Aux États-Unis, le rôle des partis est d’organiser et d’encadrer le suffrage. La forme républicaine de gouvernement qui fait du peuple la source de tout pouvoir a pour conséquence qu’une multitude de postes doivent être pourvus par l’élection dans les États. Dès les origines, l’usage fut de regrouper les candidats à tous ces postes différents sur un seul ticket, un américanisme qui est apparu au début du XIXe siècle et qui signifie une seule liste. Comme les candidats aux fonctions publiques aux différents niveaux, fédéral et d’État, ont rapidement compris qu’il était payant de figurer sur le même ticket, ils se sont alliés pour exposer leurs idées et défendre leurs programmes. Le party ticket est devenu la règle et le rôle des partis s’est ainsi établi de servir de cadre pour organiser les élections, canaliser les ambitions et décider des candidatures.

Pendant longtemps, les candidatures furent décidées par les chefs de partis, les bosses. Mais, en 1968, au cours d’une mémorable convention du parti démocrate, le système de la désignation du candidat par les cadres du parti s’est effondré sous le coup d’une révolte populaire. Les électeurs ont gagné le droit de désigner eux-mêmes le candidat du parti à la présidence. Les partis n’ont plus l’influence d’autrefois. Aujourd’hui, il est exclu qu’un candidat à la présidence puisse être le candidat du parti s’il n’a pas fait campagne au cours de primaires. Étant décidées par le peuple lui-même, les candidatures sont de moins en moins portées par la doctrine d’un parti, et de plus en plus par les convictions personnelles d’un homme (ou d’une femme) comme l’ont prouvé tant la popularité de Bernie Sanders que le succès inattendu de Donald Trump.

Selon vous, à quelle lignée présidentielle appartient le Président nouvellement élu ?

C’est difficile à dire, Donald Trump n’ayant pas exercé de fonctions publiques. Une chose est sûre ; c’est un Républicain, donc un adversaire du big government, entendez, un État qui intervient sur le marché par une forte régulation. C’est un véritable Américain, persuadé que c’est à l’individu de construire son propre bonheur et que le rôle de l’État n’est pas de le construire pour lui.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?

Mon meilleur souvenir est le cours de droit administratif de Prosper Weil.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

C’est une héroïne, Antigone.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Le droit d’être différente.

 

Auteur :M. B.


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr