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Le procès du rwandais Pascal Simbikangwa pour « complicité de génocide »
Qu’est-ce qu’un génocide ? Selon l’article 211-1 du Code pénal : « Constitue un génocide le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre à l’encontre de membres de ce groupe, l’un des actes suivants : - atteinte volontaire à la vie ; - atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique ; - soumission à des conditions d’existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe […]. ». C’est en 1994 qu’a eu lieu au Rwanda le dernier génocide du xxe siècle, celui des Tutsis et des Hutus modérés. Aujourd’hui, Pascal Simbikangwa, un ancien capitaine rwandais, est jugé pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité par la Cour d’assises de Paris. Maître Simon Foreman, avocat et président de la Coalition française pour la Cour pénale internationale, répond à nos questions sur ce procès.
Quel est le dispositif juridique qui permet aujourd’hui la compétence d’un tribunal français pour juger de faits qui se sont déroulés en 1994 au Rwanda ?
La compétence universelle.
Il s’agit d’une idée beaucoup plus ancienne qu’on ne le croit, en vertu de laquelle certains crimes peuvent, parce qu’ils sont internationaux par nature, être poursuivis dans tous les pays. C’était notamment le cas de la piraterie dans l’Ancien droit. Aujourd’hui cela concerne les crimes dont l’ampleur est telle qu’ils ne troublent pas seulement l’ordre public du pays où ils ont été commis, mais la communauté internationale dans son ensemble. La répression de ces crimes devient ainsi une obligation de tous les États.
Le génocide est un crime contre l’humanité, qui comme son nom l’indique atteint l’humanité tout entière. Sa répression a donc été internationalisée dès l’origine, en 1945, dans le Statut du Tribunal de Nuremberg, créé par les Alliés pour juger les dignitaires nazis. En 1948 la convention des Nations unies contre le génocide prévoyait de créer une Cour pénale internationale (CPI). Cela a pris 50 ans puisque la CPI n’a finalement vu le jour qu’en 1998.
Mais l’internationalisation de la répression de ces crimes a pris une autre forme avec un renouveau de la compétence universelle dans certains pays comme l’Espagne, la Belgique ou l’Angleterre : en cette même année 1998, Augusto Pinochet était arrêté à Londres, sur mandat d’un juge espagnol, pour des crimes commis au Chili. Et une place était faite à la compétence universelle dans le Statut de la Cour pénale internationale, qui rappelle que la répression des crimes internationaux incombe d’abord aux États, qui ont le devoir de les poursuivre devant leurs juridictions nationales, la CPI n’ayant vocation à se saisir qu’à titre subsidiaire, si aucun État ne le fait.
Le Rwanda est un cas à part. Lorsque le génocide a eu lieu en 1994, la CPI n’existait pas encore.
C’est pourquoi l’ONU a créé un tribunal ad hoc, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), tout en invitant les États à exercer leur compétence universelle à l’égard des suspects de participation au génocide qui seraient trouvés sur leurs territoires respectifs.
Pascal Simbikangwa, qui faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international diffusé par Interpol, a été arrêté en France, à Mayotte. C’est ce qui explique qu’il soit jugé par une cour d’assises française, tout comme des responsables du génocide avant lui ont été jugés par des tribunaux belges, hollandais, danois, finlandais, canadiens, sud-africains, etc.
Imprescriptible, le génocide peut ainsi être poursuivi sans limites dans le temps, ni dans l’espace.
Quelle partie civile représentez-vous ?
Le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR), une association créée par un couple franco-rwandais, Alain et Dafroza Gauthier, lorsqu’ils ont constaté l’impunité dont bénéficiaient les partisans de l’ancien régime hutu venus chercher refuge en France pour échapper aux poursuites.
Jusqu’à ce jour, la France refuse d’extrader vers le Rwanda les suspects de participation au génocide.
La démarche du CPCR consiste à dire aux autorités françaises, en substance : « Que vous n’extradiez pas les suspects, soit ; mais alors au moins ouvrez des enquêtes judiciaires et si les charges sont confirmées, poursuivez-les ici en France ». Plus de 25 dossiers sont ainsi en cours d’instruction, tous sur la base de plaintes avec constitution de partie civile d’associations ou ONG, et au premier rang, du CPCR.
Contre quels faits vous êtes-vous constitués ?
Pascal Simbikangwa est accusé d’avoir été l’un des dirigeants du génocide dans la capitale Kigali ainsi que dans sa région d’origine, la préfecture de Gisenyi, dans l’Ouest du Rwanda. Il lui est reproché d’avoir organisé les massacres de Tutsi<ins datetime="2014-02-18T19:28" cite="mailto:TABUTEAU">s</ins> en donnant des instructions en ce sens à l’armée et aux milices et en leur fournissant des armes. Un site Internet dédié permet de suivre au jour le jour ce procès qui doit durer six semaines : proces-genocide-rwanda.fr.
Qu’attendez-vous de la décision des juges et des jurés ?
Ce sera la première fois qu’est jugé en France un génocide commis à l’étranger. Cette décision aura valeur de première.
En tant qu’avocat d’une partie civile, j’en attends bien évidemment la condamnation de l’accusé. Au-delà, l’enjeu est pour moi de démontrer qu’une juridiction populaire française peut parfaitement bien s’emparer d’une situation criminelle commise à des milliers de kilomètres et il y a 20 ans, tout en offrant à l’accusé toutes les garanties d’un procès équitable, quelle qu’en soit l’issue.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?
Les grèves étudiantes de 1980 à Nanterre. Et aussi la découverte du droit international privé : tout d’un coup, le raisonnement juridique cessait d’être une discipline formelle et devenait un jeu intellectuel, un art laissant toute sa place à la créativité du juriste.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Quelle question ! Sheldon Cooper dans The Big Bang Theory !
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Les droits de l’homme sont indissociables et je ne veux pas les hiérarchiser. Mais je citerai volontiers la Charte Mandingue de 1222, qui fût, en Afrique, la plus ancienne déclaration des droits de l’homme, contemporaine de la Magna Carta. Il est complètement faux de croire que les droits de l’homme sont une invention européenne du siècle des Lumières ou ne reflèteraient que des valeurs judéo-chrétiennes. En adressant leur Charte aux « douze parties du monde », les Mandingues ont énoncé l’universalité des droits de l’homme avec cinq siècles d’avance sur l’impératif catégorique kantien : « Agis comme si la maxime de ton action pouvait être érigée en loi universelle ».
Références
■ Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) :http://www.unictr.org/
■ Cour pénale internationale (CPI) : http://www.icc-cpi.int/fr_menus/icc/Pages/default.aspx
■ Article 211-1 du Code pénal
« Constitue un génocide le fait, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l'encontre de membres de ce groupe, l'un des actes suivants :
– atteinte volontaire à la vie ;
– atteinte grave à l'intégrité physique ou psychique ;
– soumission à des conditions d'existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe ;
– mesures visant à entraver les naissances ;
– transfert forcé d'enfants.
Le génocide est puni de la réclusion criminelle à perpétuité.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables au crime prévu par le présent article. »
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