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[ 13 février 2013 ] Imprimer

Le renouveau démocratique

Au début du mois de janvier 2013, François Hollande a annoncé son intention de supprimer l’entrée automatique des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel. Cette réforme, qui implique une nouvelle révision de la Constitution, est préconisée par la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par Lionel Jospin, dans son rapport rendu au président en novembre 2012. L’universitaire Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur à Bordeaux IV, a été nommé par l’Élysée pour intégrer cette commission. Il a bien voulu répondre à nos questions.

Quelles ont été la composition et la méthode de travail de la Commission ?

La Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par M. Lionel Jospin, était composée de quatorze membres et d’un rapporteur général, issu du Conseil d’État, assisté par une équipe de six rapporteurs. La Commission elle-même était doublement paritaire dans la mesure où non seulement elle comptait autant de femmes que d’hommes — ce qui représentait une heureuse première pour ce type d’instance— mais encore elle comprenait autant d’universitaires que de non-universitaires (deux anciens responsables politiques, un conseiller d’État, deux magistrats judiciaires, deux hauts fonctionnaires). On peut également souligner que, spécialement s’agissant des universitaires, le choix du président de la République s’est porté en majorité sur de jeunes professeur(e)s. Ces choix initiaux ont évidemment eu une influence déterminante sur le travail réellement collégial réalisé lors des quinze réunions de la Commission qui ont eu lieu du 25 juillet au 30 octobre 2012, mais aussi in fine sur le rapport de celle-ci remis au président le 9 novembre 2012.

Quelles sont les principales propositions du rapport ?

Le rapport, intitulé Pour un renouveau démocratique, ne contient pas moins de 35 propositions. Parmi les plus marquantes, on peut signaler la réforme en profondeur du statut juridictionnel du président de la République visant à mettre fin à son régime d’inviolabilité en matière pénale et civile, la suppression de la Cour de justice de la République, l’interdiction du cumul des mandats pour les ministres, la limitation stricte du cumul des mandats pour les parlementaires, l’introduction d’une part de 10 % de proportionnelle pour l’élection des députés, la mise en place d’une stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts avec la création d’une Haute autorité de déontologie de la vie publique, la disparition de la catégorie des membres de droit du Conseil constitutionnel, etc. Au total, l’ensemble de ces propositions poursuit une ambition forte : restaurer le lien de confiance entre représentés et représentants et, au-delà, entre les Français et les acteurs publics au sens large, qu’ils soient élus ou fonctionnaires.

Quelles sont les principales oppositions à ce projet ?

Les oppositions à ce projet sont finalement assez ponctuelles et, en tout cas, très différentes en fonction de leur origine.

Par exemple, certains constitutionnalistes ont déploré que nous proposions de mettre fin à l’inviolabilité pénale et civile du chef de l’État y compris au cours de son mandat. Cette proposition de réforme, qui nous est apparue dictée par la nécessité de faire prévaloir le principe d’égalité des citoyens devant la loi, a été critiquée au motif que le chef de l’État ne devrait jamais pouvoir être considéré comme un justiciable ordinaire afin de préserver la fonction qu’il exerce. C’est une opinion. Même si, personnellement, je persiste à penser que les garde-fous, dont nous avons également proposé la mise en place, limitent sérieusement le risque de dérives.

Par ailleurs, quelques responsables politiques, de droite comme de gauche, ont vertement critiqué nos propositions jugées irréalistes concernant la limitation du cumul des mandats pour les parlementaires. Rappelons que la « Commission Jospin », tout en souhaitant que dans l’avenir le principe du mandat unique soit retenu, a proposé que dans l’immédiat un parlementaire ne puisse plus cumuler son mandat national qu’avec un seul mandat local non-exécutif.

Il importe à cet égard de souligner que les Français, quand on les interroge à ce sujet, eux ne s’y trompent pas. Ainsi, questionnés par la voie d’un sondage d’opinion réalisé par l’IFOP pour le compte du Journal du dimanche paru le 15 novembre 2012, une très large majorité de Français se déclare nettement favorable aux propositions formulées dans le rapport. Par exemple, le niveau d’adhésion des Français à la proposition de mettre fin à l’inviolabilité pénale et civile du président au cours de son mandat atteint 77 %. Il atteint 86 % s’agissant de la proposition d’interdire tout cumul des mandats pour les ministres et de le limiter drastiquement pour les parlementaires. En eux-mêmes, de tels chiffres ne signifient pas grand-chose, mais ils traduisent tout de même une forte attente de la part de l’opinion sur ces questions et illustrent bien justement le fossé grandissant entre les représentants et les représentés. Il va de soi que les parlementaires français, particulièrement ceux se trouvant en situation de cumul, ce qui est le cas précisons-le pour 82 % des députés et 77 % des sénateurs, seront comptables devant l’opinion de leur position sur ce sujet.

Quelles peuvent être les suites législatives du rapport ?

Le président de la République, M. François Hollande, est fortement obligé par ces propositions qu’il a lui-même suscitées et qui, pour certaines d’entre elles, figuraient dans ses engagements de campagne. D’ailleurs, le chef de l’État, notamment lors de sa conférence de presse du 13 novembre 2012 a indiqué qu’il reprenait à son compte les propositions formulées dans le rapport. Elles ont du reste été rédigées de manière à être immédiatement « opérationnelles ». Le président a, par la suite, précisé le calendrier des réformes qui seront nécessaires. En particulier, celles qui appellent une réforme constitutionnelle devraient être présentées au Parlement en mars 2013, puis soumises au vote du Congrès au plus tard en septembre de la même année. La réforme la plus difficile à mettre en œuvre sera sans surprise celle relative à la limitation du cumul des mandats pour les parlementaires. Cependant, le ministre chargé des relations avec le Parlement, M. Alain Vidalies, vient de dévoiler un calendrier précis en indiquant qu’un projet de loi devrait être présenté en Conseil des ministres le 27 février prochain avec comme ligne d’horizon un vote du texte au plus tard en septembre.

 

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?

Puisqu’il faut faire un choix, je pourrais citer le nom de ceux qui m’ont (heureusement) détourné de mes premières amours. Alors que j’étais étudiant en DEUG de lettres modernes à l’Université de La Réunion et me destinais au journalisme, j’ai assisté par curiosité, et pour tout dire par chance, à un cours de droit constitutionnel du professeur Jean Gicquel alors en mission dans l’île. Cela a constitué le premier déclic. Deux ans plus tard, poursuivant mes études de lettres à Aix, je me suis inscrit en auditeur libre en première année de Faculté de droit et j’ai eu alors le bonheur de suivre les enseignements du doyen Louis Favoreu. C’est ensuite sous sa direction bienveillante que j’ai accompli le reste de mon parcours académique. En toute hypothèse, la passion du droit constitutionnel que ces deux maîtres ont su me transmettre ne m’a jamais quitté depuis lors.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

Corto Maltese, le gentilhomme de fortune créé par Hugo Pratt, dont les aventures placées sous le signe du Capricorne me font toujours rêver.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Sans aucune hésitation, le principe d’égalité, non seulement parce que j’y ai consacré ma thèse de doctorat, mais aussi et surtout parce que je crois au plus profond de moi que, sans égalité il ne peut pas y avoir de véritable liberté. C’est la reconnaissance fondamentale de l’égalité, à travers l’abolition des privilèges, qui constitue l’acte de naissance de la Nation française moderne. Après Condorcet, je pense encore que « l’égalité est le dernier but de l’art social », même si je mesure bien à quel point réaliser l’égalité réelle représente toujours un combat.

 

Références

 http://www.commission-rdvp.gouv.fr/

 http://www.commission-rdvp.gouv.fr/Rapport_Commission_RDVP.pdf

 F. Mélin-Soucramanien, Le principe d'égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Economica, 1997.

 

Auteur :M. B.


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