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Les buts monumentaux de la Compliance
« Décrire et concevoir ses Buts Monumentaux permet d’anticiper un Droit de la Compliance, toujours plus puissant, encadrant et encadré ». Alors que vient de paraître le livre essentiel pour appréhender ce qui régule et codifie par charte, mais aussi ce qui passe par les accords internationaux et les contrats, pour lutter contre la corruption ou la haine en ligne, comme pour favoriser la protection des données personnelles ou la bonne gestion des risques, nous avons la chance d’interviewer celle qui a proposé cette notion de « buts monumentaux » de la Compliance dès 2016, la coéditrice et directrice scientifique de la série Régulations & Compliance, Marie-Anne Frison-Roche, agrégée des Facultés de Droit, directrice du Journal of Regulation & Compliance (JoRC).
Pourquoi définir des buts monumentaux à la Compliance ?
Les buts monumentaux définissent le Droit de la compliance comme nouvelle branche du droit. Sinon il ne s’agirait que d’obtenir des entreprises, voire de chacun, qu’il se « conforme » à la réglementation applicable, respect du droit qui est notre lot à tous, ce qui ne peut constituer une matière spécifique.
Cette branche se définit par certains « buts » définis par les autorités politiques et publiques, buts de nature systémique porteurs d’une très grande prétention : éradiquer du monde ces fléaux que sont la corruption, le blanchiment d’argent, le changement climatique catastrophique, les épidémies mondiales, la désinformation (buts monumentaux « négatifs ») et injecter de grandes ambitions, comme l’égalité effective entre les êtres humains et le souci du faible.
En un mot, le Droit de la compliance a pour objet de changer le monde : que demain ne soit pas pire qu’aujourd’hui (buts négatifs) et qu’il soit meilleur qu’aujourd’hui (buts positifs), établissant pour se saisir ainsi de l’avenir une alliance entre le Politique et les opérateurs cruciaux en position d’agir, les entreprises mais aussi les professions.
Quel pourrait être le rôle du principe de proportionnalité dans la réalisation de ces Buts ?
Le principe de proportionnalité est essentiel car il donne la mesure. Il la donne comme limite à la puissance des Outils de la compliance, auxquels l’ouvrage paru en 2021 est consacré, puisque tous les mécanismes de compliance, en Ex Post (sanction) comme en Ex Ante (audit, cartographie, vigilance, enquête interne) ne se déploient que pour atteindre ces buts. Mais il fonde aussi les pouvoirs car l’entité qui manie ces instruments de compliance doit avoir tous les pouvoirs nécessaires pour atteindre ces buts monumentaux. La proportionnalité n’implique pas plus de pouvoirs mais aussi tous les pouvoirs nécessaires. Cela vise tous les pouvoirs, ceux de l’État mais aussi ceux de l’entreprise, que le Droit de la compliance transforme souvent, de gré ou de force, en procureur et en juge. La proportionnalité est donc au cœur de la compliance. Les juridictions y veillent.
En quoi la concurrence et la Compliance sont-elles liées ?
Plus et moins qu’on ne le croit souvent. Moins si l’on croit qu’il ne s’agirait que de « se conformer » et de donner à voir qu’on met en œuvre par avance la réglementation, celle de la concurrence en étant une parmi d’autres, ce qui dilue le droit de la concurrence, le droit de la compliance n’étant qu’une voie d’exécution de celui-ci. Plus si l’on comprend que le Droit de la Compliance injecte dans l’économie libérale des principes substantiels, celui de probité par exemple : il s’articule alors avec le droit de la concurrence pour rendre compte avec celui-ci d’une ambition européenne nouvelle.
Comment aborder la Compliance sur les territoires européens ?
Dans l’ouvrage Pour l’Europe de la compliance, il était déjà souligné que l’identité européenne s’adosse au Droit de la compliance, notamment en matière numérique. Le dernier chapitre de l’ouvrage sur les buts monumentaux est consacré à la souveraineté, qui n’est pas rétrécie par la mondialisation et la technologie, qui n’est pas capturée par les entreprises mais trouve au contraire par cette nouvelle branche du Droit l’espace pour se déployer. Par le Digital Service Act l’Union européenne le dit clairement. Les juridictions européennes l’avaient préparé, montrant que dans cette branche du droit nouvelle, le Juge est au centre. Mais cela, c’est l’objet du prochain ouvrage, sur La juridictionnalisation de la compliance…
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?
Je me souviens lorsque François Terré m’apprenait à fabriquer des leçons d’agrégation, l’on est encore étudiant lorsqu’on prépare ce concours. Il faut ensuite se hâter d’oublier celui-ci, mais il ne faut pas oublier ses maîtres.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
L’Ogre Compliance.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Le droit de prendre son envol.
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