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[ 4 avril 2019 ] Imprimer

Les commissions d’enquête parlementaires

Avec l’affaire Benalla, c’est tout le mécanisme du contrôle de l’exécutif par le législatif qui s’est mis en œuvre. Michel Lascombe, professeur agrégé de droit public à l’Institut d’études politiques de Lille (Sciences po. Lille) et auteur du Code constitutionnel Dalloz, a bien voulu répondre à nos questions sur les commissions d’enquête parlementaires.

Quel texte fonde le contrôle de l’exécutif par les assemblées ?

Pour ce qui concerne le fondement juridique du contrôle, l’article 24 de la Constitution prévoit que « le Parlement contrôle l’action du Gouvernement ». Puis l’article 51-2 prévoit des commissions d’enquête parlementaires pour exercer cette mission de contrôle du Gouvernement. Donc on est vraiment dans le domaine de l’application de la Constitution : le contrôle de l’action du Gouvernement c’est vraiment une mission du Parlement. Et chaque assemblée exerce cette mission constitutionnelle. Cependant, et d’ailleurs c’est tout le débat autour de l’affaire Benalla, que le Président de la République, bien que faisant partie de l’exécutif, ne relève pas du contrôle des assemblées. Reste que les services de l’Elysée relèvent eux de ce contrôle.

Quelles sont les différentes méthodes de contrôle ?

Il y a plusieurs techniques prévues pour que le Parlement réalise des enquêtes. L’une d’entre elles d’abord est la commission d’enquête mais elle ne figure dans la Constitution que depuis la révision de juillet 2018. Avant les commissions d’enquête n’avaient pas d’existence constitutionnelle ; elles étaient uniquement organisées par l’ordonnance relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (n° 58-1100 du 17 nov. 1958). L’autre méthode ensuite consiste pour les commissions législatives, celles qui examinent les projets et les propositions de lois, de mettre en œuvre des prérogatives d’enquêtes. Autrement dit la commission législative se transforme en commission d’enquête. C’est la commission des lois du Sénat qui, dans l’affaire Benalla, s’est transformé en commission d’enquête ; elle en a les mêmes pouvoirs mais c’est la commission des lois. Une troisième méthode enfin relève des missions d’information mais ce ne sont pas réellement des mécanismes d’enquêtes dans le sens des commissions : elles sont plus faciles à créer et elles ont un peu moins de pouvoirs. 

Quels sont les pouvoirs des commissions d’enquête parlementaires ?

Ces pouvoirs sont nombreux : leur but est de rechercher des informations sur des faits précis concernant le fonctionnement de certains services. Et pour ce faire les commissions peuvent auditionner qui bon leur semble (Ord. n° 58-1100, art. 6), à l’exception du Président de la République qui dispose d’une immunité en vertu de l’article 68 de la Constitution. La question qui se pose est de savoir si cette immunité s’applique à l’entourage du Président de la République. A un moment du mandat de Nicolas Sarkozy, la question s’est posée de savoir si l’immunité s’appliquait à son épouse et puis évidemment à ses collaborateurs. La réponse est clairement : « Non, les collaborateurs du Président ne bénéficient pas de son immunité ». Il est donc normal qu’une commission d’enquête parlementaire auditionne les collaborateurs du Président de la République. Par ailleurs, on ne peut pas refuser de venir devant une commission d’enquête : si on refuse, on est sanctionné. C’est une infraction sanctionnée par l’ordonnance n° 58-1100. Et par ailleurs, on ne peut pas mentir devant une commission d’enquête. S’il y a une suspicion de mensonge, la commission ou le Bureau de l’assemblée concernée peut décider de déférer l’affaire au juge pénal en saisissant le Parquet. C’est ce qui s’est produit dans l’affaire qui nous occupe. En effet, les commissions du Sénat ne peuvent pas dire qu’il y a eu mensonge ; c’est au juge de le dire. C’est le bon fonctionnement de la séparation des pouvoirs. Le Bureau du Sénat ne fait que transmettre en soupçonnant qu’il y a eu parjure mais il ne peut pas en décider.

Ce n’est pas la première fois qu’il y a saisine du juge : il y a eu, en novembre 2018, le cas d’un médecin (Michel Aubier) auditionné au Sénat sur la pollution de l’air, qui n’avait pas dit à la commission d’enquête parlementaire qu’il était salarié d’une grande entreprise pétrolière. Cela a été considéré comme un mensonge… un mensonge par omission. Le juge pénal saisi l’a donc sanctionné pour parjure d’une amende de 20 000 euros. C’est rare, mais ce n’est donc pas la première fois qu’il y a saisine du juge pénal dans ce cadre.

Quels sont les résultats des rapports d’enquêtes ?

C’est très variable. Il y a eu des rapports qui ont eu beaucoup d’impact et qui ont conduit à des modifications du droit et il y a eu des rapports qui ont moins d’importance. Par exemple, pour les commissions qui ont conduit à des changements, il y a eu l’affaire d’Outreau qui a conduit justement à des modifications législatives concernant le déroulement du procès et le principe du contradictoire, beaucoup moins importantes cependant que celles préconisées par le rapport.

Les enquêtes sont-elles fréquentes ?

Il y a une dizaine de commissions d’enquête créées par chaque assemblée dans la durée d’une législature, 5 ans. Plus à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. En revanche les missions d’information sont de plus en plus fréquentes.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?

Mon meilleur souvenir comme étudiant (mais aussi comme enseignant) sont les spectacles organisés par les étudiants pour se moquer des enseignants et de leurs travers. Hélas, cette tradition de la dérision se perd. Peut-on encore rire de tout ?

Quel est votre héros de fiction préféré ?

Je suis assez fan d’Astérix. Il représente le bon esprit gaulois, râleur et résistant. Mais mon héros préféré est beaucoup moins connu. C’est pourtant lui que j’aurais aimé être : Raphaël Hythlodée. Il a eu la chance de découvrir et de vivre sur une île merveilleuse : Utopie. Enfin, c’est ce que nous raconte Thomas More…

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Sans aucun doute la liberté d’opinion, de communication et d’expression garantie par les articles 10 et 11 de la Déclaration de 1789 mais aussi par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme Ce n’est pas bien original dans la mesure où cette liberté est souvent qualifiée comme étant « un des droits les plus précieux de l’homme ».

 

Auteur :Marina Brillé-Champaux


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