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[ 12 juin 2025 ] Imprimer

Les commissions d’enquêtes parlementaires

Le Premier ministre, François Bayrou, représentant du pouvoir exécutif, a été auditionné ce 14 mai 2025 dernier par les députés, représentants du pouvoir législatif, devant la commission d’enquête parlementaire sur les violences à l’école. Audrey de Montis et Priscilla Jensel-Monge, respectivement maîtres de conférences à l’Université de Rennes et à Aix-Marseille Université, coauteur d’un ouvrage synthétique sur Le Droit parlementaire (Dalloz, 2025), nous répondent sur ce fait marquant de la vie politique française.

Comment les parlementaires peuvent-ils créer une commission d’enquête parlementaire ?

Les commissions d’enquête, qui permettent aux parlementaires d’exercer leurs fonctions de contrôle et d’évaluation sont déterminées par l’article 51-2 de la Constitution. Elles peuvent être créées soit grâce au vote d’une proposition de résolution, soit grâce à l’exercice d’un droit de tirage reconnu aux groupes parlementaires. 

Dans le premier cas, un ou plusieurs parlementaires dépose(nt) sur le Bureau de l’assemblée à laquelle ils appartiennent une proposition de résolution qui expose les motifs de la demande et qui précise l’objet de l’enquête. Après un examen par la commission législative compétente et le respect de conditions de recevabilité, cette proposition est soumise au vote de l’assemblée plénière. Dans le second cas, chaque groupe peut demander, une fois par session, à créer une commission d’enquête grâce à l’exercice de son droit de tirage, la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale ou du Sénat étant ici limitée à prendre acte de cette constitution. Toutefois, les mêmes conditions de recevabilité doivent être respectées et parmi elles, la règle selon laquelle la création d’une commission d’enquête est prohibée lorsque les faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours, ceci afin de préserver l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Il est intéressant de noter que les membres de la commission d’enquête sont désignés à la proportionnelle des forces politiques et que la fonction de président ou de rapporteur revient, de droit, à un parlementaire appartenant à un groupe minoritaire ou d’opposition.

Quels sont les pouvoirs dont disposent les commissions d’enquête ?

Créées pour six mois, les commissions d’enquête ont pour objet de recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales. À cette fin, elles disposent de pouvoirs d’investigation étendus. Elles peuvent citer à comparaître toute personne dont elles jugent l’audition utile et être assistées par la force publique. Les personnes auditionnées sont tenues de déférer à la convocation, de prêter serment et de déposer. Plus spécifiquement, les rapporteurs de la commission d’enquête peuvent effectuer des contrôles sur pièces et sur place et sont habilités à se faire communiquer tous documents de service à l’exception de ceux couverts par le secret et sous réserve du principe de séparation de l’autorité judiciaire. Ils doivent pouvoir obtenir tous les renseignements de nature à faciliter leur mission.

Sauf décision contraire, les auditions organisées par les commissions d’enquête sont publiques et un rapport est en principe publié à la fin de leurs travaux. Si ce dernier ne permet pas d’engager la responsabilité du Gouvernement susceptible de conduire à sa démission, il peut avoir des impacts médiatiques (Affaires Benalla, Betharram…). Les travaux de ces instances peuvent aussi nourrir par la suite des travaux législatifs (ce fut le cas par exemple pour la commission d’enquête relative à l’affaire d’Outreau).

Quels sont les obstacles habituellement à l’épanouissement du contrôle parlementaire ?

L’effectivité du contrôle parlementaire se heurte à plusieurs limites. Le décalage entre le temps long des commissions d’enquête, dont les travaux s’inscrivent sur une durée de six mois, et l’immédiateté du temps médiatique nuit à la portée de leurs conclusions, pourtant souvent substantielles. Si leur visibilité s’est accrue, par le recours généralisé à la publicité de leurs travaux, leur réception publique demeure inégale et largement dépendante du relais médiatique. Par ailleurs, la centralité de la fonction législative, tant dans l’organisation de l’agenda parlementaire que dans la représentation que les parlementaires se font de leur mandat a longtemps relégué le contrôle parlementaire au second plan. La révision constitutionnelle de 2008, en instaurant un droit de tirage pour les groupes d’opposition et les groupes minoritaires, a permis une diversification et une intensification des initiatives en la matière. Toutefois, cette dynamique quantitative ne saurait, à elle seule, garantir l’effectivité du contrôle : celle-ci demeure dépendante des ressources disponibles, de la compétence technique des parlementaires et, surtout, de leur volonté politique de s’emparer pleinement de cette fonction.

Quelles sont les singularités du droit parlementaire par rapport au droit constitutionnel ?

Le droit parlementaire, traditionnellement considéré comme une « province » du droit constitutionnel (Pierre Avril), s’en distingue pourtant par la spécificité de son objet — le Parlement — et de ses sources. Si le parlementarisme rationalisé a renforcé l’encadrement juridique de l’activité parlementaire en créant un « canon braqué contre le Parlement » (Georges Vedel), il n’a pas pour autant effacé l’importance des règles non écrites, notamment des précédents, qui marquent et prolongent une culture normative ancienne au sein des assemblées représentatives. Ces pratiques, le plus souvent soustraites au contrôle de constitutionnalité, participent d’un ordre juridique parlementaire distinct. À cela s’ajoute l’affirmation progressive d’une doctrine, d’une méthodologie et d’un enseignement spécifiques, qui s’inscrivent dans le sens d’une autonomisation croissante du droit parlementaire en tant que discipline.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

PJM : Je souhaiterais évoquer deux souvenirs emblématiques, qui encadrent symboliquement mon cheminement d’étudiante, des premiers apprentissages aux dernières reconnaissances. Le premier remonte à ma première année de droit, sur les bancs de la faculté de droit d’Avignon, lorsque j’ai découvert le droit constitutionnel avec le Professeur Joseph Pini. Son enseignement alliait passion, exigence, rigueur et humour. Il m’a transmis le goût du droit public et du droit constitutionnel et a posé les fondations de ce qui est aujourd’hui mon engagement académique. Il reste une figure marquante de mon parcours. Le second souvenir est celui de la cérémonie de remise du prix de thèse du Sénat en juin 2014. Ce fut un moment à la fois solennel et intime, partagé en famille, qui est venu couronner un travail de plusieurs années et a marqué la reconnaissance, par l’institution sénatoriale, d’un cheminement intellectuel long, exigeant et parfois difficile.

AdM : Au début de mon parcours universitaire, j’ai eu la chance d’assister à une conférence de Valéry Giscard d’Estaing dans un amphithéâtre comble de la Faculté de droit et de science politique de Rennes. Il a pu livrer ses réflexions et échanger avec les étudiants autour du référendum relatif à la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe. J’ai pu mesurer à quel point les enseignements dans les matières de droit public soulèvent des enjeux concrets et permettent de se forger une opinion éclairée. Sa qualité d’ancien président de la République, venu « simplement » à la rencontre d’un public encore néophyte, a renforcé mon intérêt déjà prononcé à ce stade pour le droit constitutionnel. Ma soutenance de thèse devant un jury d’exception et en présence de mes proches a permis des années plus tard, de quitter ce sentier étudiant d’une belle manière.

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

PJM : Molly Weasley (tirée de la saga Harry Potter de J.K. Rowling) incarne l’héroïne que j’ai choisie. C’est un personnage qui symbolise une force discrète, presque surprenante. Elle protège ses enfants et tous ceux qu’elle choisit d’aimer, avec une tendresse farouche et une détermination sans faille comme lorsqu’elle tue Bellatrix Lestrange. Chez elle, l’héroïsme prend simplement la forme du dévouement, de la résistance et de la protection. Pour le héros, je suis très sensible à Guido Orefice (La vie est belle de Roberto Benigni). Guido est un père ordinaire, un héros malgré lui, qui se révèle pour masquer l’horreur. Face à l’atrocité des camps, il choisit de préserver son fils en lui cachant la réalité, transformant chaque instant en jeu pour lui éviter la peur alors qu’il est lui-même envahi par ce sentiment. Par son humour, son imagination et son courage, il maintient l’innocence de l’enfance jusqu’au bout. Il incarne la lumière dans l’obscurité.

AdM : Parmi les héroïnes féminines, je pourrais citer Elastigirl de la famille des Indestructibles. Super-héroïne ayant le pouvoir de s’étirer et de se déformer — ce qui constitue une métaphore révélant sa capacité d’adaptation —, Elastigirl est maternelle et protectrice envers ses trois enfants, raisonnable lorsqu’elle tente de mener la vie la plus normale possible, mais aussi courageuse et déterminée quand elle accomplit avec brio des missions périlleuses. La fiction se mélange à la réalité avec Riad Sattouf. La lecture des six tomes de L’Arabe du futur sont bouleversants. Incontestablement, on s’attache à ce héros, Riad, qui raconte son enfance en Syrie et en France et évoque les différences culturelles et les complexités de sa situation familiale, avec une plume et un style graphique bien identifiés à chaque période de sa vie et qui sont propres aux personnages qu’il fait évoluer au fur et à mesure de l’histoire.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

PJM : Sans hésitation, la liberté d’expression est la liberté fondamentale à laquelle je suis la plus attachée. Elle est l’une des premières conquêtes du peuple dans l’affirmation des droits de l’Homme, consacrée dès 1789 dans la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. Elle incarne la possibilité pour chacun de penser, de dire, de critiquer, de créer — bref, de participer pleinement à la vie collective. Elle est essentielle dans une société démocratique et constitue une condition essentielle d’exercice de notre métier d’enseignant-chercheur. Sans elle, il n’y a ni débat public, ni pluralisme, ni démocratie. Une liberté d’expression menacée, c’est une société démocratique fragilisée. Elle est une liberté de combat, toujours à défendre, toujours à réaffirmer.

AdM : L’hésitation est plus complexe de mon côté et notamment s’agissant des principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps déterminés par le Préambule de la Constitution de 27 octobre 1946. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ils révèlent cette nécessaire attention portée non plus seulement à l’Homme, mais à l’individu et à des catégories sociales identifiées (la femme, le travailleur, l’enfant…) qui se voient reconnaître des droits essentiels devant être garantis et protégés par l’État. 

 

Auteur :MBC


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