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[ 3 octobre 2019 ] Imprimer

Les droits des femmes

Le Grenelle des violences conjugales ouvert le 3 septembre 2019 (en écho au numéro 3919 d’aide aux victimes) nous rappelle qu’une femme en meurt tous les trois jours en France. Les droits des femmes restent aujourd’hui encore et toujours un sujet. Nathalie Wolff, maître de conférences et vice-doyenne de la Faculté de droit de l'Université Versailles – Saint-Quentin, a la gentillesse de répondre à nos questions.

Que recouvrent les droits des femmes ?

Il s’agit de toutes les conquêtes qui ont progressivement affirmé la place des femmes dans la société. Tout d’abord, celles-ci se rapportent aux droits politiques : le droit de vote pour les femmes depuis 1944, et plus récemment le renforcement de l’égalité dans l’accès aux mandats et fonctions politiques. Ensuite, les droits sur l’émancipation économique et financière des femmes. Notamment les droits bancaires et ceux relatifs à la place de la femme dans l’entreprise et plus généralement dans le monde du travail. L’égalité professionnelle est au cœur du dispositif mais n’est malheureusement pas encore une réalité. Enfin, les droits des femmes incluent la liberté de choisir, de « décider de sa vie » et en particulier de disposer librement de son corps… 

Quelles évolutions depuis la loi sur l’avortement de Simone Veil en 1975 ?

Après la reconnaissance en 1967 de la légalité de la contraception, la loi Veil marque en effet un tournant dans la conquête pour les femmes de leurs droits, avec le droit à l’interruption volontaire de grossesse. On notera que ces combats ont souvent été portés par des femmes remarquables, telle Simone Veil entrée au Panthéon l’année dernière. 1975 est aussi l’année de la reconnaissance du divorce par consentement mutuel. Depuis, de nombreuses réformes ont contribué à la protection des femmes et à la garantie de leurs droits. En 1980, le viol est reconnu comme un crime, l’égalité professionnelle est consacrée en 1983. Surtout, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 complète l’article 1er de la Constitution en permettant au législateur de favoriser « l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». 

En quoi la femme est-elle toujours un sujet de droit au cœur des débats de société ?

D’importants progrès ont été réalisés dans la marche pour l’égalité juridique entre hommes et femmes. En ce sens, les juges ont eux aussi adapté leur office en tenant compte des situations d’inégalité ou de vulnérabilité dans lesquelles les femmes peuvent se trouver. Mais l’égalité réelle peine encore à s’affirmer : on l’observe à l’heure actuelle en France sur le plan de l’égalité professionnelle. La question de l’égalité entre les sexes demeure également au cœur de nos préoccupations au vu des maltraitances dont sont victimes les femmes. Au point de provoquer en France un Grenelle des violences faites aux femmes devant le taux alarmant de « féminicides », un nouveau terme entré dans le vocabulaire commun. Si les mentalités semblent évoluer en France, il est à souligner que dans de nombreux pays du monde où règnent diverses formes de tyrannie, leurs droits premiers sont gravement bafoués (v. Marc Crapez (dir.), Femmes, totalitarisme et tyrannie, avec Farah Mebarki, Nathalie Wolff, Cerf, 2019). 

Quelles sont les avancées législatives souhaitables ?

Le Grenelle des violences faites aux femmes promet d’intéressantes évolutions, notamment vis-à-vis du traitement judiciaire des maltraitances au sein du couple. À l’instar de nos voisins Autrichiens ou Espagnols, il conviendrait également d’allonger le congé paternité pour rapprocher les deux sexes. Mais attention à ne pas verser dans l’inflation législative et les réformes de façade. Nous avons déjà un certain nombre d’outils juridiques pertinents. Alors assurons-nous d’abord de leur pleine effectivité. Chaque avancée sociétale porte en elle ses excès. On le voit dans des contentieux portés par certaines associations dites féministes qui pourraient mettre en péril la garantie d’autres libertés avec lesquelles se concilie l’égalité, et même se retourner contre les femmes. Veillons aussi à ce que le combat indispensable pour l’égalité ne soit pas contre-productif, et ne conduise pas à une segmentation de la société où femmes et hommes se vivraient comme des adversaires. Tel est l’art de nuance et de l’équilibre qui incombe au juriste !

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiante ?

Mes années étudiantes sont dans leur ensemble un excellent souvenir, qu’il s’agisse de l’apprentissage des savoirs, des rencontres et du rythme de vie si enthousiasmant quand on est étudiant. Mon meilleur souvenir demeure l’aboutissement de ce parcours presque initiatique c’est-à-dire l’obtention de mon diplôme de doctorat, et la fête qui s’ensuivit ! 

Quelle est votre héroïne de fiction préférée ?

En répondant à votre interview, je découvre presque à mon insu que mes héros de fiction sont d’abord masculins : Cyrano de Bergerac, Julien Sorel, Dantès, Jean Valjean et les anti-héros des films italiens des années 1960-1970. Mais deux héroïnes se distinguent néanmoins : une dame âgée et une petite fille : d’abord la mère de Romain Gary dans la Promesse de l’aube (qui est aussi un personnage réel) pour la force avec laquelle elle a transmis à son fils le goût du courage, de la persévérance et de la liberté. Ensuite, Alice au pays des merveilles parce qu’elle incarne le rêve et l’imagination sans lesquels la vie serait bien moins attrayante ….

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Mon droit de l’homme préféré est la liberté d’expression. C’est l’un des premiers droits que les dictateurs ou dirigeants autoritaires bafouent en arrivant au pouvoir. Bâillonner les bouches et les écrits avant d’en finir avec les autres libertés en somme. Et nous avons payé le prix en France, avec les attentats terroristes visant notamment Charlie Hebdo en 2015. Nos libertés et droits ne sont jamais tout à fait acquis. 

 

Auteur :Marina Brillé-Champaux


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