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Les petits arrêts insolites
978-2-247-23303-8, c’est l’isbn ou International Standard Book Number de l’ouvrage singulier : Les petits arrêts de la jurisprudence insolite (Dalloz, 2024, ici lien vers la boutique Dalloz), sous la direction de Lionel Andreu qui nous fait le grand plaisir de répondre à nos questions sérieuses !
Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour concevoir ce livre ?
La première difficulté a été de repérer les décisions qui méritaient d’intégrer l’ouvrage. Elle a été surmontée de manière artisanale. La démarche a consisté à suivre toutes les pistes qui se présentaient à moi et qui menaient, le plus souvent, à une impasse, mais qui, de temps en temps, me permettaient de dégager une pépite. Au-delà des quelques décisions dont j’avais déjà personnellement connaissance ou qui m’ont été rapportées par des collègues, j’ai passé beaucoup de temps à consulter divers articles, ouvrages, sites Internet ou publications sur les réseaux sociaux mentionnant des décisions insolites. J’ai également erré sur le site RetroNews de la Bibliothèque nationale de France, qui donne accès à des milliers de journaux anciens évoquant parfois des décisions de cette nature. Pour le reste, des arrêts et jugements ont également été repérés en parcourant les nombreuses décisions rendues par un juge qui s’était déjà fait connaître par des décisions facétieuses, en particulier le « bon juge » Magnaud de Château-Thierry ou le Président Alzuyeta de Riom. Cela m’a permis d’observer qu’une décision insolite peut en cacher une autre.
Mais repérer ces pépites ne suffisait pas : encore fallait-il mettre la main sur les minutes de ces décisions aux archives départementales ou aux greffes des juridictions. Cette collecte a impliqué de nombreux déplacements et explorations documentaires in situ. Certains ont pu être évités grâce à un échange épistolaire avec les services concernés, que je remercie encore vivement.
Une fois la décision transcrite, il restait à trouver l’auteur idoine pour la commenter. Chaque contributeur de l’ouvrage m’a honoré d’un retour enthousiaste. La réunion des contributions s’est étalée sur plusieurs mois, mais la lecture des commentaires m’a tellement instruit et égayé que le jeu en valait la chandelle !
Quel est votre arrêt insolite ?
J’ai commenté une décision aussi célèbre qu’amusante rendue par le tribunal de grande instance de Lyon le 16 avril 1996. Elle concernait un chèque qu’un débiteur avait lui-même rédigé sur du « papier-toilette » ! La question posée au juge était plus sérieuse qu’on ne pourrait le penser au premier abord, dès lors qu’aucun texte ne précise quels sont les types de « papiers » sur lesquels un chèque peut être établi. Le juge s’en est sorti par une pirouette : « à supposer qu’un chèque puisse être établi sur papier libre, encore faut-il que ce papier soit suffisamment solide et résistant pour supporter, sans se désagréger ou sans être endommagé, les différentes manipulations que son encaissement impose [tandis que] si certains papiers dits hygiéniques répondent avantageusement à ces critères, tel n’est pas le cas du papier sur lequel [le débiteur] a cru pouvoir rédiger son ordre de paiement ; qu’en effet, il s’agit d’un papier doux, ouaté, perforé et fragile, conforme à l’usage auquel il est normalement destiné mais risquant de se désagréger en cas de manipulations multiples de la nature de celles auxquelles il est habituellement procédé pour l’encaissement d’un chèque ».
Quel commentaire en faites-vous ?
Bien que la décision prête à sourire, elle pose une question fondamentale, qui intéresse les rôles qu’ont vocation à jouer la lettre de la loi et son esprit. La tension qui s’établit entre eux irrigue mon commentaire, qui est structuré en deux parties : I. La lettre de la loi évacuée ; II. L’esprit de la loi déroulé. J’y expose les raisons qui peuvent conduire à écarter une application aveugle des textes qui régissent le chèque et n’opèrent pas de distinction selon le support utilisé pour l’établir. Cela étant, je n’y rejoins pas les juges lyonnais quand ils suggèrent a contrario que l’usage d’un papier hygiénique suffisamment robuste aurait fait l’affaire !
Quel(s) objectif(s) pour ce Petits arrêts ?
L’ouvrage s’adresse tant aux amoureux du droit qu’à ceux qu’il a toujours ennuyés. Sous le prisme de ces décisions insolites, il invite le plus souvent le lecteur à découvrir ou redécouvrir de manière divertissante des questions structurantes de la matière juridique. Cette dernière s’y trouve brassée, des biens aux personnes, en passant par les contrats, les procédures, ainsi que les délits et les peines.
J’espère que le lecteur prendra autant de plaisir à parcourir ce livre que j’en ai pris à le concevoir.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Le dernier. C’est grâce à ma soutenance de thèse que j’ai pu tourner la page de mes études pour embrasser la carrière d’enseignant-chercheur, qui fait ma félicité.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
Pour rester dans la sphère du savoir, je répondrais Camille Noûs, tout à la fois héros et héroïne, dont la polyvalence aurait permis de faire progresser la recherche scientifique comme personne d’autre.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
La liberté d’expression (et, dans son cortège, le « droit à l’humour » ?), que l’on doit chaque jour s’efforcer de défendre, même en présence d’un raisonnement dont on ne partage pas les prémisses ou les conclusions. C’est en tout cas à l’aune de cette conviction que j’ai rassemblé les différentes contributions de cet ouvrage singulier.
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