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L’indemnisation des catastrophes naturelles
Hugo, Irma, Jose, Maria sont les noms donnés aux évènements météorologiques, ouragans et pluie tropicale, qui ont frappé si durement les îles de la mer des Caraïbes. Caroline Lacroix, maître de conférences HDR, auteur d’une thèse sur La réparation des dommages en cas de catastrophe, répond à nos questions sur l’indemnisation des catastrophes naturelles.
Quels sont les fondements du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles ?
C’est le principe de solidarité nationale qui fonde le droit à réparation des dommages en cas de catastrophes naturelles. Ce système a été voulu et présenté par les pouvoirs publics comme une œuvre de solidarité à sa création. Il est la traduction concrète de l’alinéa 12 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui dispose : « La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales ».
Il faut cependant préciser que ce système d’indemnisation présente un caractère hybride, liant solidarité nationale et assurance. La structure originale de l’indemnisation se fait par une extension de garantie obligatoire des assurances de dommages aux biens. Ce système instaure une solidarité entre les assurés : chacun paie la même prime additionnelle sur son assurance, qu’il soit ou non exposé à un risque de catastrophe naturelle. La prime payée par les assurés ne dépend pas du taux de sinistralité de la région où se situent leurs biens, mais est identique sur tout le territoire et fixé par un arrêté du ministre de l’économie et des finances (fixée à 12 % par un arrêté du 3 août 1999).
Quels sont les aléas relevant de la loi du 13 juillet 1982 ?
La loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 (D. 1982. 329), relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles a spécifiquement défini les catastrophes naturelles sans opter pour une énumération des évènements considérés comme tels. En réalité, le législateur a défini cet évènement par ses effets, ceux-ci étant entendus comme « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel lorsque les mesures habituelles de prévention n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises » (C. assur., art. L. 125-1, al. 3). On précise donc les conséquences de la catastrophe naturelle, qui incluent la catastrophe en elle-même.
La définition de la catastrophe naturelle repose sur deux éléments : l’inassurabilité et l’anormalité. Le premier critère limite le champ d’application de la garantie et circonscrit la notion. On considère ainsi que composent la catégorie des « catastrophes naturelles », des évènements tels que les inondations, les séismes, les mouvements de terrain, ou encore les raz de marée et les avalanches. La loi 30 juillet 2003 a élargi la garantie aux affaissements de terrain dus aux cavités souterraines.
S’agissant des effets du vent, tempêtes, ouragans et cyclones, ils ne sont pas considérés comme catastrophes naturelles, au sens de la loi car ils peuvent bénéficier d’une garantie contractuelle depuis la loi n° 90-509 du 25 juin 1990. Il existe néanmoins un tempérament à ce principe depuis la loi d'orientation pour l'Outre-mer n° 2000-1207 du 13 décembre 2000. Ce texte prévoit que : « les effets du vent dus à un évènement cyclonique pour lequel les vents maximaux de surface enregistrés ou estimés sur la zone sinistrée ont atteint ou dépassé 145 Km/h en moyenne sur dix minutes ou 215 km/h en rafale » entrent désormais dans le domaine des catastrophes naturelles.
Quelles sont les conditions à remplir pour bénéficier du régime ?
Cette garantie n’est octroyée que sous condition d’abord d’une reconnaissance administrative de l’état de catastrophe. Il appartient à l’État de déclarer l’état de catastrophe naturelle, par arrêté interministériel. La garantie est alors mise en œuvre après la publication du texte au Journal Officiel. La parution de l’arrêté déclenche le processus d’indemnisation. L’assureur est tenu d’indemniser qui de droit, dès lors que l’état de catastrophe a été officiellement constaté. À défaut, aucune indemnisation n’est due.
L'indemnisation ne joue ensuite que pour les biens couverts par un contrat d'assurance « dommages » (C. assur., art. L. 125-1, al. 1er). L'absence d'assurance ou l'exclusion d'un bien dans le contrat entraîne donc l'exclusion de ce bien de la garantie. Certains biens sont par ailleurs expressément exclus de la garantie par le législateur : les récoltes non engrangées, les cultures, les sols et le cheptel vif hors bâtiment (C. assur., art. L. 125-5, al. 1er). Ces biens relèvent en réalité de la garantie des calamités agricoles instituée par la loi du 10 juillet 1964. La garantie des catastrophes naturelles ne constitue ainsi que l’un des volets de l’indemnisation des risques naturels.
De surcroît, la garantie n’est due que pour les dommages matériels directs « ayant pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel ». L’évènement doit donc présenter un caractère exceptionnel et seuls sont indemnisables les dommages matériels causés aux meubles et aux immeubles, à condition d’être la suite directe de la catastrophe et d’avoir cette dernière comme cause déterminante. Il faut alors établir un lien de causalité entre les dommages et la catastrophe naturelle.
Précisons ici que l’indemnisation des atteintes corporelles en cas de catastrophe naturelle ne relève pas de ce régime spécifique. Les victimes ont alors comme solution, outre les garanties minimales offertes par la sécurité sociale, le recours volontaire à une assurance de personne (à condition que le contrat d’assurance souscrit n’exclue pas la garantie des catastrophes naturelles, ce qui est fréquent. Voir M.-F. Steinlé-Feuerbach, « Tsunami – Les touristes français et les possibilités d’indemnisation », JAC, n° 50). Un recours au droit commun de la responsabilité est envisageable, dans l’hypothèse où la catastrophe aurait pu être évitée si des précautions convenables avaient été prises. Une action peut alors être menée devant les tribunaux administratifs ou devant les juridictions judiciaires. En témoigne l’exemple de la catastrophe du Grand-Bornand en 1987 où la crue d’un torrent provoqua l’inondation d’un terrain de camping et causa la mort ou la disparition de 23 personnes. L’état de catastrophe naturelle fut déclaré. Une partie des victimes ou leurs ayants droit saisirent le tribunal administratif en vue de la condamnation solidaire de l’État et de la commune en réparation du préjudice subi. Les juges retinrent la responsabilité de l’État et de la commune, fondée sur des carences à la fois du préfet et du maire, accordant ainsi aux victimes et à leurs ayants droit une indemnisation des troubles dans les conditions d’existence et des pertes de revenus liés à la disparition d’un être cher (CAA Lyon, 13 mai 1997, n° 94LY00923 94LY01204 : Lebon ; D. 1998. 11, obs. C. Schaegis).
Qui finance les indemnisations ?
La prise en charge de l’indemnisation repose sur les mécanismes classiques de l’assurance. Le financement du système se fait par le biais d’une prime sur les contrats d’assurances de biens. Il ne s’agit pas d’une obligation d’assurance, mais d’une extension de garantie intégrée dans les contrats de dommages aux biens les plus répandus (contrats d’assurance multirisques-habitation, contrats automobiles, etc…). Corrélativement, seuls les biens immobiliers ou mobiliers, ainsi que les véhicules terrestres à moteur, couverts par une telle assurance, sont indemnisables.
Le financement est en outre conforté par une réassurance auprès de la Caisse centrale de réassurance (CCR). Cette dernière assure l'équilibre financier du système en faisant office de réassureur pour les assureurs dommages garantissant les catastrophes naturelles et sa solvabilité est garantie de l’État. Depuis la création du régime en 1982, la CCR a fait appel pour la première fois à la garantie de l’État en 2000 suite aux inondations et aux tempêtes de 1999.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?
Le meilleur : le jour de ma soutenance de thèse sous la présidence du professeur Renée Koering-Joulin.
Le pire : les cours de procédure pénale en DEA à Strasbourg mais qui ne m’ont pas enlevé le goût de la matière !
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Antigone, vue par Jean Anouilh.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
La résistance à l’oppression proclamée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (NDLR : art. 2 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. »).
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