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L’indépendance du Parquet français
Le Gouvernement prévoit au printemps 2018 un projet de réforme constitutionnelle dans le but de renforcer l’indépendance du ministère public. Pour en comprendre les enjeux, Edouard Verny, professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II), auteur d'un manuel de procédure pénale (https://www.editions-dalloz.fr/procedure-penale-18.html) a bien voulu répondre à nos questions.
Quels textes assurent aujourd’hui l’indépendance du Parquet ?
Aux termes du premier alinéa de l'article 64 de la Constitution : « Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire ». Les magistrats du parquet appartenant (selon le Conseil constitutionnel) à l’autorité judiciaire, il en découle un principe selon lequel ils doivent exercer librement leur action devant les juridictions, en recherchant la protection des intérêts de la société. Selon l’article 30 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 25 juillet 2013, le ministre de la justice adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales mais ne peut désormais leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles. Par ailleurs, la parole du ministère public, à l’audience, reste libre (Ord. 22 déc. 1958, art. 5 et C. pr. pén., art. 33).
Quelle est la position du Conseil constitutionnel sur l’indépendance du Parquet ?
Le Conseil constitutionnel a été récemment saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, transmise par le Conseil d'État, portant sur l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature selon lequel : « Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. À l'audience, leur parole est libre ». Il était reproché à ces dispositions, et plus précisément aux mots « et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice », de méconnaître le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire qui procède de l'article 64 de la Constitution. Dans sa décision du 8 décembre 2017 (Cons. const. 8 déc. 2017, n° 2017-680 QPC), le Conseil constitutionnel déclare conformes à la Constitution les dispositions contestées car elles assurent une conciliation équilibrée entre le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution et ne méconnaissent pas non plus la séparation des pouvoirs, le droit à un procès équitable, les droits de la défense ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.
Quelle est celle de la CEDH ?
La Cour européenne des droits de l’homme refuse d’assimiler le ministère public français à une véritable autorité judiciaire au sens de l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui garantit le droit à la liberté et à la sûreté (CEDH 29 mars 2010, Medvedyev et a. c/ France, n° 3394/03 ; CEDH 23 nov. 2010, Moulin c/ France, n° 37104/06). La Cour de cassation a été ainsi conduite à reconnaître que le ministère public n’était pas une autorité judiciaire au sens de l'article 5, § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme car il ne présente pas les garanties d'indépendance et d'impartialité requises par ce texte et qu'il est partie poursuivante (Crim. 15 déc. 2010, n° 10-83.674).
Quelles améliorations pourraient contenir le projet gouvernemental ?
Lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation, le 15 janvier 2018, le Président de la République a, dans son discours, considéré que la politique pénale devait continuer à être définie par le garde des sceaux. Une complète indépendance du « Parquet à la française » serait déconnectée de toute légitimité démocratique. Le Président a cependant annoncé que les magistrats du parquet devraient être nommés après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) : tel est le cas, en pratique, depuis plusieurs années (afin d’éviter que ces nominations soient suspectées de reposer sur des considérations politiques) mais la Constitution et l’ordonnance du 22 décembre 1958 ne l’imposent pas puisqu’elles ne prévoient actuellement qu’un avis simple du CSM. Dans le même esprit, concernant les sanctions disciplinaires, le traitement des magistrats du parquet devrait être aligné sur celui des magistrats du siège : le CSM statuerait donc comme instance de discipline et ne se contenterait plus de transmettre un avis simple au garde des sceaux.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?
Les épreuves orales, trop rares en raison de nos effectifs, ont été pour moi très formatrices et marquantes. Au-delà d’une appréhension légitime, j’étais heureux de pouvoir montrer au professeur qui m’interrogeait mon intérêt pour son cours et d’avoir ainsi avec lui un échange privilégié. Je suis quelquefois sorti déçu par ma prestation, conscient de n’avoir pu par ma faute profiter de cette rencontre.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
J’éprouve beaucoup d’affection et d’admiration pour Monseigneur Bienvenu des Misérables, non seulement pour le secours fraternel qu’il porte à Jean Valjean mais aussi pour cette merveilleuse qualité que Victor Hugo lui attribue et que je lui envie : « il semblait que de toute sa personne il sortît de la joie ».
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
La liberté de pensée, de conscience et de religion car elle se place au cœur de la dignité humaine, de notre identité et du respect des autres jusque dans leurs convictions, tout particulièrement lorsqu’on ne les partage pas.
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