Actualité > Focus sur...
Focus sur...

Lutter contre le narcotrafic
La très dense loi pour lutter contre le narcotrafic a été promulguée le 13 juin 2025. Édouard Verny, professeur à l’Université Paris – Panthéon-Assas, auteur du cours de Procédure pénale (Dalloz, 2024), directeur scientifique de l’ouvrage collectif Lutter contre les menaces criminelles, nous fait le grand honneur de répondre à nos questions sur le versant pénal de ce nouveau dispositif.
Quelles sont les personnes visées par la loi ?
La loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic, par son intitulé, semble circonscrite au trafic de stupéfiants. Tel est le cas de certaines de ses dispositions mais bien d’autres recouvrent, plus largement, la criminalité et la délinquance organisées.
Comment est-il possible de prévoir des procédures particulières pour certaines infractions ?
Dès lors que des différences sont fondées sur des éléments objectifs, la loi peut prévoir des procédures spécifiques. Les premières dispositions, très importantes, de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité sont consacrées à la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées. La loi du 13 juin 2025, après d’autres, s’inscrit donc dans le prolongement de cette loi. Le Conseil constitutionnel, comme il l’a fait dans sa décision du 12 juin 2025 qui a validé la plupart des dispositions contestées de cette loi, admet que des règles de procédure différentes puissent s’appliquer selon les faits, les situations et les personnes, à condition que ces particularités ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense.
Quel est le nouveau régime de détention applicable aux narcotrafiquants ?
Sont institués des « quartiers de lutte contre la criminalité organisée ». À titre exceptionnel, afin de prévenir la poursuite ou l'établissement de liens avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisées, les personnes majeures détenues pour des infractions entrant dans ce champ d'application peuvent y être affectées, par une décision motivée prise à l’issue d’un débat contradictoire.
Quelles sont les spécificités du nouveau parquet spécialisé dans la lutte contre les narcotrafiquants ?
Le Parquet national anticriminalité organisée (Pnaco) exercera, à partir du 5 janvier 2026, une compétence nationale concurrente pour des infractions déterminées qui ne se limitent pas au seul domaine du narcotrafic, dans des affaires qui sont ou apparaissent d’une très grande complexité en raison notamment de la gravité ou de la diversité des infractions commises, du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent. Le procureur de la République anticriminalité organisée pourra requérir, par délégation judiciaire, tout procureur de la République de procéder ou de faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite de ces infractions.
Le recours à de nouvelles technologies (renseignement algorithmique, visioconférence) est-il encore limité ?
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 12 juin 2025, a considéré qu’en autorisant, de manière générale et indifférenciée, sur l’ensemble des données transitant par les réseaux des opérateurs de communications électroniques, le recours à des traitements algorithmiques pour la détection des connexions susceptibles de révéler certaines menaces relatives à la criminalité et à la délinquance organisées, le législateur n’avait pas assuré une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de prévention des infractions et le droit au respect de la vie privée. Le Conseil constitutionnel n’a pas non plus admis qu’une personne puisse être privée, pendant toute la durée de sa détention provisoire, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge chargé de l’information ou appelé à statuer sur sa détention.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Sans pouvoir départager ces souvenirs si marquants, je n’ai oublié ni ma première semaine à l’Université, lorsque j’étais impatient de découvrir ce nouveau monde, ni mes derniers jours de cinquième année, lorsque mes professeurs m’ont incité à entreprendre une thèse.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
J’éprouve beaucoup d’affection et d’admiration pour Monseigneur Bienvenu des Misérables, non seulement pour le secours fraternel qu’il porte à Jean Valjean mais aussi pour cette merveilleuse qualité que Victor Hugo lui attribue et que je lui envie : « il semblait que de toute sa personne il sortît de la joie ». Dans un autre registre, même s’il s’agit toujours d’accorder l’humanité avec la vérité que l’on cherche et qui souvent se dérobe, je songe à Anna Zeller, La jurée de l’auteure Claire Jéhanno.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
La liberté de pensée, de conscience et de religion car elle se place au cœur de la dignité humaine, de notre identité et du respect des autres jusque dans leurs convictions, tout particulièrement lorsqu’on ne les partage pas.
Autres Focus sur...
-
[ 25 septembre 2025 ]
Pour une Constitution de la terre
-
[ 18 septembre 2025 ]
La construction historique des sources du droit
-
[ 3 juillet 2025 ]
À la découverte du droit
-
[ 19 juin 2025 ]
Sur le contentieux constitutionnel
-
[ 12 juin 2025 ]
Les commissions d’enquêtes parlementaires
- >> Tous les Focus sur ...