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Manifestations universitaires et pouvoirs de police
Dans le cadre de cette rubrique que j’anime depuis plus de 10 ans, je me souviens d’une manifestation à l’Université Panthéon-Assas où j’étudiais alors, dans le milieu des années 1990. Notre slogan « non à la violence » visait un syndicat d’étudiants minoritaire, après le saccage des locaux du syndicat étudiant majoritaire. Je me souviens du Président de Paris II, en personne, nous demandant de faire cesser les troubles. Les militants agressifs face à nous chantaient « Au pays de Candy » sarcastiquement, et nous avions quitté les lieux calmement. Vincent Bouhier, professeur de droit public et Président de l'Université d'Évry, a bien voulu me répondre sur l’intervention de la force publique dans les universités. La partie sur les pouvoirs de police des 4 premières questions a été effectuée avec Abdelhamid Benouali, Directeur de la Direction des affaires juridiques et institutionnelles de l’Université d’Évry.
Pourquoi les forces de police ne peuvent-elles pas intervenir librement dans les Universités ?
L'intervention des forces de police au sein des universités est régulièrement re-questionnée, notamment lorsque des étudiants sont partie prenante d'un mouvement social et que certains établissements se trouvent bloqués ne permettant pas la tenue régulière des cours et examens. Les forces de police sont vues comme un moyen permettant un rapide retour au calme, pour faire face à un trouble de l'ordre public au sein d'un établissement. Dans le même temps, cette intervention est perçue comme une tentative de pression sur l'expression de revendications.
L'intervention des forces de police n'est historiquement pas si évidente. Pour comprendre la particularité de l’espace universitaire, lieu public, il faut remonter à un principe originaire du Moyen-Âge, celui de la sacralisation des « franchises universitaires » par l'Église. Ce principe fait échapper au pouvoir des rois l'enceinte universitaire afin d'y aiguiser une indépendance d'opinion de ses étudiants, l'Église s'engageant alors à en assurer l'ordre. Cette notion d'ordre a été transmise à travers les décennies, et s’ajoute en conséquence aujourd’hui aux pouvoirs propres du Président de l'Université, garant de sa bonne tenue.
Trois hypothèses sont à distinguer quant à l'initiative de l'intervention des forces de police. La première est celle à l'initiative du Président de l'Université. La seconde est à l'initiative des forces de police elles-mêmes en cas de constatation d'un danger immédiat (en cas d'incendie par exemple) ou d'un flagrant délit. La troisième hypothèse, la plus méconnue est liée à une réquisition par le Parquet (héritage d'un décret impérial Napoléonien). Ainsi, l'intervention des forces de police au sein des Universités est fortement encadrée.
Quelle est l'autorité qui a le pouvoir de l'autoriser ?
Le Code de l'éducation reprend le pouvoir de police à l'article L. 712-2. Ce dernier permet l'intervention des forces de l'ordre dans les Universités. Il est ensuite précisé dans sa partie règlementaire aux articles R. 712-1 à R. 712-8.
Le Président de l'Université détient ce pouvoir en propre. Le code énonce qu'il « est responsable du maintien de l’ordre et peut faire appel à la force publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État » et plante ainsi un pouvoir étendu qui place le Président au centre de l’action par l'initiative et la responsabilité.
Le code poursuit en précisant que « le Président d'Université est responsable de l'ordre et de la sécurité dans les enceintes et locaux affectés à titre principal à l'établissement dont il a la charge. » ce qui confère à ce dernier toute autorité pour saisir les forces de l'ordre en cas de nécessité liée à l'ordre public et la sécurité.
Il est important de rappeler que ce pouvoir est détenu par le Président qui en a toute compétence pour le déléguer au besoin, partageant alors cet impératif de continuité de maintien de l'ordre public.
Quels sont les autres pouvoirs du Président de l'Université en cas de troubles au sein de l'établissement ?
Les pouvoirs de police sont à concevoir comme ceux de l'immédiat. La finalité est que le Président ait la capacité de mettre fin à une situation de trouble à l'ordre public ou à la sécurité des usagers du service public (personnels et étudiants). Ils se déclinent en la capacité de restreindre, voire d'interdire l'accès à des personnes aux enceintes et locaux dont il est responsable. Le Président a aussi la capacité de suspendre les enseignements, peu en importe la forme, si cela concourt à rétablir l'ordre public. Ces outils juridiques, rappelés au Code de l'éducation, sont limités dans le temps à trente jours, sauf en cas de saisine concomitante d'une instance juridictionnelle.
Au-delà du trouble immédiat, le Président détient le pouvoir d'autorité sur l'ensemble du personnel et des usagers, et peut initier une procédure disciplinaire en cas de manquement aux obligations légales et règlementaires, ou en cas d'actions ou de provocations contraires à l'ordre public.
Y a-t-il une jurisprudence pour guider le Président de l'Université sur les mesures à prendre ?
Il y a tout d'abord un texte très clair, celui du Code de l'éducation qui précise le champ des pouvoirs de police du Président. Le juge du fond est venu rappeler la nécessaire proportionnalité des mesures adoptées, ce qui n'est pas spécifique aux pouvoirs de police du Président. C'est un principe qui se décline au-delà des universités. Ainsi chaque acte pris dans le but de faire respecter l'ordre public doit s'inscrire dans une réflexion posée, sereine et guidée par l'ordre public et la sécurité des usagers au plus juste pour que l'atteinte cesse.
Dans cette perspective, le Président doit agir en prenant connaissances de tous les éléments, en échangeant et en garantissant les libertés universitaires établies. La préférence est accordée au dialogue chaque fois que c'est possible.
Plus largement, les mesures de police ne sont pas des dispositions faciles à prendre, elles entrent en résonance avec l'engagement du Président à permettre les débats de société au sein de l'établissement, mais elles sont nécessaires lorsque le débat rogne sur les libertés de tous.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Mon meilleur souvenir est à la réalisation de mon mémoire de recherche de Maîtrise. J’avais une appétence pour la recherche et, pour la première fois, nous avions la possibilité d’effectuer un tel exercice. Au-delà du sujet sur le Groupe de Visegrad en lien avec le droit de l’Union européenne, ce sont aussi les conditions de réalisation qui m’ont marqué, en l’absence de possession d’un ordinateur. Ceci a laissé place à la débrouille. J’ai dû rédiger mon mémoire sur papier avant de le retranscrire sur ordinateur au gré des disponibilités de terminaux informatiques chez mes différents camarades.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
L’héroïne que je mettrai en avant est la fée Viviane, Dame du Lac. Sans doute que mes attaches avec la Bretagne ont influencé ce choix. Au-delà il s’agit d’un personnage dont le rôle est affirmé et déterminant. Elle est reconnue dans ses qualités, ce qui est aussi essentiel à mon sens. Enfin son lien avec la nature et son respect de celle-ci représentent des qualités incontournables.
Mon héros est très certainement Erlendur qui est un enquêteur d’un de mes auteurs préférés de roman policier, Arnaldur Indriðasson. Cet écrivain islandais a créé ce personnage qui a les qualités d’être persévérant, attentif, dans l’échange, tout en se laissant une réelle liberté. Il assume également ses choix. Tous ces éléments font que cette personne d’apparence ordinaire ne l’est pas, forte de ses expériences et de son vécu.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Le droit à l’éducation : il constitue un droit sans lequel l’accès aux autres droits devient à mon sens plus fictif. Ce droit est aussi une condition pour vivre ensemble en société, pour ne pas avoir peur de l’autre, mais être capable de le comprendre. Le droit à l’éducation, c’est aussi la possibilité d’être libre par la connaissance, par l’expression de la critique et finalement de ne pas être otage de la pensée des autres.
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