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« Mise en examen » de la Tech-Écologie
« Comment sauver la planète sans sacrifier nos libertés individuelles ? » tel est le thème du 4e procès fictif de la Tech-Écologie, qui se déroulera le jeudi 28 octobre 2021 prochain. Entrons dans les coulisses de cet événement avec Stéphane Prévost, rédacteur en chef de la revue Dalloz IP/IT et RTD com., référent cybermenace auprès de la sous-direction de la lutte contre la cybermenace (Direction centrale de la Police judiciaire). Ce grand rendez-vous est organisé par l’association Les Jurisnautes dont il est un des membres fondateurs.
Qui sont Les Jurisnautes et quel est leur but ?
C’est une association créée et dirigée par Françoise Barbier Chassaing, présidente du Tribunal de Monaco et par Maître Gérard Haas, avocat spécialisé en droit du numérique. Cette association comprend des magistrats, des avocats, des juristes spécialisés en droit du numérique, des d’ingénieurs, des professeurs de droit, des journalistes juridiques issus des éditions Lefebvre Dalloz. D’ailleurs, cette maison d’édition juridique soutient les Jurisnautes depuis le lancement de l’association et des Procès fictifs il y a cinq ans.
Le projet des Jurisnautes consiste à anticiper le développement du numérique et les bouleversements qu’il apporte à la société. Ainsi, ils font en sorte que le droit ne soit pas à la traîne dans son appréhension de cette révolution numérique. On dit que le droit arrive après les évolutions de la société. Grâce à ces procès fictifs, le droit les anticipe. Les jurisnautes font ainsi un pas de côté, et un pas en avant. À partir d’un scénario d’anticipation, ils examinent comment les règles de droit actuelles appréhenderaient le futur.
Surtout, avec les jurisnautes, nous pensons qu’il existe aujourd’hui encore une certaine liberté, une liberté de penser le droit. Et que cette liberté pourrait disparaître. En effet, qui nous garantit qu’à terme, le droit ne sera pas dicté par des GAFA ou des algorithmes.
Comment se déroule précisément chaque procès fictif ?
Comme je vous l’indiquais, cette association est assez unique en ce qu’elle regroupe des professionnels d’horizons divers, qui sont parfois les uns en face des autres dans les prétoires. Dans le cadre de notre association, ils collaborent. C’est ce qui fait la force et l’originalité des jurisnautes et des procès fictifs.
La forme de chaque procès est comparable à celle des assises. Aucune concession n’est faite à la facilité juridique. Les parties au procès envoient leurs écritures la veille.
Des grands témoins interviennent au cours de l’audience pour expliquer à la cour ce qu’est, par exemple, l’intelligence artificielle ou encore le ranking social tel qu’il est pratiqué en Chine. Ces experts éclairent la Cour, les jurés et les spectateurs.
Enfin, la décision fait toujours l’objet d’un réel délibéré avec des jurés issus de la société civile, philosophe, dirigeant d’entreprise, professeur de droit. Personne ne connaît par avance la décision qui sera rendue. En qualité de rédacteur en chef de Dalloz IP/IT qui publie les actes et la décision, j’ai le privilège de recevoir les conclusions des parties la veille des procès. Je ne les lis pas car je suis le premier spectateur (et fan) du Procès. J’ai ensuite la chance d’assister au délibéré et, je peux vous dire que les débats existent entre les jurés.
En parallèle, le public vote pendant le délibéré à partir de questions préparées par les Jurisnautes.
Quelles sont leurs précédentes actions ?
Chaque procès nécessite une préparation et un travail de chacun des membres de l’association des jurisnautes d’au moins une année. Cette période nous permet de soulever les questions juridiques posées par les nouvelles technologies. Pour chaque procès, il nous faut identifier chaque impact et chaque conséquence juridique.
En 2017, s’est déroulé le procès du transhumanisme, en 2018, celui de l’IA et de la voiture autonome et en 2019 celui sur le ranking social.
Pour celui qui va se tenir dans les tout prochains jours, nous avons travaillé, peaufiné le scénario pendant un an et demi en raison du confinement et de la crise du covid-19.
Il portera sur la transition climatique et le numérique.
Quel est le scénario ?
Nous sommes en décembre 2050. La montée des eaux, la multiplication des ouragans, les records de chaleur et les épisodes de froid polaire contraignent les hommes à repenser leur rapport au monde.
Très prochainement doit se tenir en France la Conférence de Roubaix sur le péril climatique.
À cette occasion, des délégations du monde entier doivent signer le futur accord de Roubaix sur le climat, texte de droit international le plus ambitieux jamais élaboré proclamant un état d’urgence climatique mondial et conférant à l’ensemble des États signataires des pouvoirs étendus et dérogatoires pour sauver l’humanité de l’extinction.
C’est dans ce contexte pour le moins chaotique qu’un événement sans précédent vient distraire quelques instants les hommes du péril qui les menace : le centre technique de recherche sur la physique des particules a en effet reçu la visite d’un voyageur temporel : le professeur Stéphane Vigi déclare qu’il est lui-même chercheur au centre, mais 170 ans dans le futur, en 2220.
Le tableau qu’il brosse du futur n’est pas particulièrement réjouissant et décrit un monde ayant tant bien que mal réussi à « sauver les meubles » face au péril climatique grâce à la signature de l’accord de Roubaix. Les hommes vivent majoritairement dans des villes hyperconnectées, écologiquement vertueuses et respectueuses de l’environnement mais la notion même de liberté individuelle est tombée en désuétude.
Le professeur Vigi, nostalgique de la démocratie, est venu mettre en garde l’humanité : la recherche de l’efficacité dans la lutte contre le réchauffement climatique ne doit pas se faire au prix des libertés individuelles des citoyens. Il faut à tout prix renoncer à la signature des accords de Roubaix.
Cependant, et c’est bien là que se situe la difficulté, le professeur Vigi n’a rien à promettre ou à offrir.
Dans le futur alternatif qu’il propose, la lutte contre le réchauffement climatique serait nécessairement moins efficace, puisque contrainte par la nécessité de respecter les libertés individuelles. Cette option ne risque-t-elle pas de conduire l’humanité à sa perte ?
Très vite, le débat passionne les foules : faut-il signer ou non l’accord de Roubaix sur le climat ?
Par ailleurs, et en amont de la conférence de Roubaix, les chefs d’État et de Gouvernement décident de saisir la Cour des droits et libertés.
Quand et où se déroulera le Procès ?
La Cour va donc se réunir pour trancher une question d’une difficulté sans précédent.
La Terre sera pour la toute première fois représentée à une instance en justice pour défendre ses intérêts car les États parties lui ont reconnu la personnalité juridique. La Cour a également déclaré recevable l’intervention volontaire du groupe ATALANT. Plus grand groupe industriel mondial, présent dans plus de 150 pays à travers ses filiales, ATALANT est le principal employeur mondial. Ce groupe de sociétés sait que la signature de l’accord de Roubaix conduira inéluctablement à son démantèlement. Il porte également sur ses épaules une responsabilité bien plus large : c’est le principe même du libéralisme qu’il incarne symboliquement.
Le Procès va se dérouler le 28 octobre à l’Assemblée nationale. Grâce au partenariat entre les jurisnautes et les éditions Lefevbre Dalloz, il sera intégralement filmé.
Aussi, je vous donne rendez-vous le 18 novembre au salon des transformations du droit à Paris Porte Dauphine car une diffusion en avant-première du film aura lieu et elle sera suivie d’un débat dans le monde réel.
Ensuite, l’intégralité de Procès sera diffusée et accessible à tous sur les réseaux sociaux.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Les amitiés que j’ai nouées pendant cinq ans et les rapports que nous avons entretenus avec les Professeurs de l’époque. Je profite de votre questionnaire pour remercier le Professeur Isabelle Urbain Parleani qui m’a guidé dans ma carrière et qui m’a permis, dès la fin de mon DEA, d’enseigner à la faculté de droit de Versailles Saint Quentin, puis à Paris 5 (désormais Université de Paris).
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
Rey dans Star wars. Les scénaristes ont réussi à créer un rôle intéressant et intrigant, ce qui n’a pas toujours été le cas pour les rôles féminins dans cette série.
Ensuite, Zineb Triki dans le Bureau des légendes qui joue Nadia El Mansour. Mais les héroïnes ne manquent pas en littérature ou au cinéma et la liste pourrait être longue.
Pour les héros, Michel Strogoff. Il me renvoie à la recherche des origines la branche Boyard de ma famille. Nous menons des recherches dignes d’une enquête policière car nous n’avons qu’une tradition orale transmise sur 100 ans, avec des origines russes supposées. Quel que soit le résultat de nos recherches, c’est un jeu dans notre famille qui nous amuse depuis longtemps. De plus, nous avons une attirance particulière pour ce pays, sa littérature et sa musique et Saint Petersbourg. Que dire également des beautés de ces paysages enneigés.
Pour les libertés en Russie, c’est un autre sujet.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Le droit au respect de la vie privée, et en particulier à l’intimité. La reconnaissance faciale n’est, selon moi, pas la menace la plus importante pour les citoyens. Le danger me semble plus important avec la reconnaissance émotionnelle que l’intelligence artificielle est en train de décrypter. La généralisation d’une telle reconnaissance conduira à la perte de toute intimité. On pourrait alors vendre son âme, non pas au diable, mais à des sociétés commerciales.
Heureusement, j’ai confiance dans le droit français et européen qui nous protégera au moins sur nos frontières, au-delà c’est une autre question.
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