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Parcours d’avocat : de l’Europe à la Chine…
Le métier d’avocat peut prendre diverses formes et destinations. Dalloz Actu Étudiant a souhaité vous présenter un parcours original, celui de Marco Vinciguerra, avocat en Italie et en Angleterre, qui, après avoir travaillé entre Milan et Hong Kong, est reparti en Chine en 2007. Il a ensuite fondé son propre cabinet à Hong Kong (Sangiorgi Vinciguerra Studio Legale, www.sg-vg.com) et s'est installé à Shanghai en collaboration avec le cabinet chinois Deheng Shanghai Law Office (www.dehenglaw.com).
Quel est votre parcours d’étudiant?
J'ai fait mon droit à Milan. Pour quelqu'un qui venait de la province italienne, le choix s'orientait plutôt vers une université d'une grande ville, si possible de bonne renommée. Étant bilingue (italien et français) avec un bon niveau en anglais, Milan me semblait être en Italie, la ville la plus internationale et pouvant offrir plus d'opportunités. Comme beaucoup d'étudiants à l'époque, et aussi maintenant sans doute, je n'avais pas « les idées claires » sur mon avenir professionnel, ni une passion bien établie pour les matières juridiques. J’ai donc choisi le droit dans l'espoir que ce diplôme puisse m'ouvrir plusieurs portes ou, du moins, en fermer moins que d'autres à l'avenir. Il m'était impossible même d'imaginer, le parcours professionnel que j’aurai été amené à suivre par la suite… Comme quoi, s'il est peut-être rassurant d'établir des programmes à long terme, il est certainement plus difficile (et parfois même déconseillé) de les suivre à la lettre.
J’ai terminé mes études sans vraiment développer une passion pour le droit, mais j’ai apprécié certains aspects et certaines matières. Toutefois, je savais que je ne serai pas notaire, ni magistrat; que le droit administratif, public et pénal n'étaient pas fait pour moi (ou, plutôt, l'inverse) et qu'une activité professionnelle dans un cadre international m'intéressait plus qu'une profession exercée en Italie, pour des italiens et avec des italiens (sans pour cela en vouloir ni à l'Italie ni aux italiens). Les quelques entretiens pour travailler au sein d'entreprises privées m’ont paru peu motivants. A quoi bon s'être fatigué à apprendre une discipline, et le droit en est une, si c'est pour aller travailler pour une société où votre seule compétence reconnue est celle d'avoir su décrocher un diplôme, sans considération de la formation que vous avez reçue ? J’ai donc décidé que je deviendrais avocat et que j'utiliserais ma connaissance des langues étrangères dans mon travail. En Italie, pour devenir avocat il faut d'abord faire un stage de deux ans en cabinet avant de pouvoir se présenter à l'examen du barreau. C'est long et, dans le meilleur des cas, trois ans après avoir obtenu son diplôme universitaire on peut s'inscrire au barreau. J'avais donc du chemin devant moi et il me fallait d’abord trouver un stage dans un cabinet que je voulais « international »…
Comment s’est déroulée votre carrière avant la Chine ?
Les débuts n’ont pas été faciles. Déjà à l'époque, les places dans les cabinets où l’on pouvait espérer recevoir une bonne formation étaient peu nombreuses et « chères » (ce qui veut dire en réalité « mal payées » et demandant en contrepartie de longues journées d'efforts…). Ne voulant pas me limiter à un apprentissage du métier d'avocat par le travers d’une pure et simple exploitation, j’ai entrepris en même temps une spécialisation de deux ans en droit et économie des communautés européennes. Le fait d'avoir obtenu une bourse pour cette spécialisation m’a beaucoup aidé. Je me suis donc retrouvé à travailler en cabinet pour compléter mon stage, à préparer l'épreuve écrite du barreau et à étudier mes cours de l'école de spécialisation, avec pour but principal et premier celui de décrocher l'examen d'avocat.
Pendant mon stage, je me suis vite rendu compte de l'énorme écart qui il y avait (et, je crois, il y a toujours) entre ce que l'on apprend à l'université et la réalité du droit. Les facultés de droit, du moins en Italie, fournissent une forte préparation théorique, mais ne forment pas les étudiants aux principales professions juridiques.
Et puis un jour, alors que je me débattais entre mes dossiers au cabinet, mes cours à l’université et mes révisions pour mon examen oral du barreau tout proche, s’est présentée une opportunité dont je ne pouvais, à l'époque, mesurer les conséquences. Un ami et collègue, revenant d'une expérience d'un an et demi dans un cabinet d'avocats à Hong Kong, m’a proposé de le remplacer. Tous mes collègues/stagiaires de l’époque rêvaient d'une expérience à Londres ou New York, et pour moi ce fut vers l’est qu’une porte s’ouvrit. J’ai beaucoup hésité (je savais à peine placer Hong Kong sur une carte!), mais finalement l'envie de voir ailleurs et le peu de perspective sur le « marché » à Milan ont eu le dessus.
Mon barreau dans la poche, je suis donc parti pour Hong Kong, alors encore colonie britannique, avec dans la tête l'idée d'y rester un an, peut-être deux au maximum. J'y suis resté cinq ans…
Là aussi les débuts ont été difficiles. Le cabinet était un cabinet d'avocats anglo-saxon et le travail entièrement en anglais. N'étant pas complètement « formé » professionnellement, ce fut mon école d'apprentissage. Dure, mais payante, à tout point de vue. J’ai appris une méthode de travail organisée et structurée (alors qu'en Italie la tendance était plutôt de se conformer au « style », souvent très personnel, des associés avec, ou plutôt pour, lesquels on était amené à travailler). Mon niveau d'anglais (que je croyais, à tort, suffisant) a nettement dû s'améliorer. J’ai donc appris à travailler dans une langue internationale et avec une méthode qui m’a permis de me sentir beaucoup plus à l’aise quand je suis retourné à Milan cinq ans plus tard.
D'un point de vue professionnel, cette expérience a été pour moi une formidable école. D'un point de vue personnel, elle m’a énormément ouvert l'esprit, m’a donné l'occasion de découvrir et visiter un continent (l'Asie) pour moi inconnu; m’a obligé aussi à relativiser mon parcours passé, à le resituer dans un contexte que j'ai eu la possibilité d’examiner et redécouvrir de l'extérieur.
Tout cela a été extrêmement enrichissant et marquant. A un tel point que quelques années après mon retour en Italie j’ai saisi la première opportunité pour repartir. Cette fois pour Shanghai, et toujours pour un cabinet anglo-saxon. Après quelques changements en huit ans, j’y suis toujours.
Quelles matières juridiques pratiquez-vous en Chine ? A quel barreau êtes-vous inscrit ? Quel est le droit applicable ?
En Chine, les avocats étrangers ne sont pas autorisés à pratiquer le droit chinois; ils sont simplement autorisés à donner des conseils sur l' « environnement juridique » chinois. Les limites de cette interdiction sont, en pratique, peu claires. Seules certitudes: on ne peut signer aucun avis juridique en matière de droit chinois ni plaider au tribunal.
J'exerce donc en Chine en tant qu'avocat étranger, italien en l'occurrence (bien qu'étant inscrit également au barreau anglais). Le travail en équipe avec des avocats chinois est donc nécessaire et essentiel pour être en mesure de fournir un service complet aux clients.
La connaissance des lois chinoises ne pose pas trop de problèmes. Des traductions en anglais des textes sont disponibles et le contenu de ceux-ci suit généralement les principes déjà adoptés dans d'autres pays (souvent des juridictions de droit civil). Mais en Chine la règle n'est jamais trop importante. Ce qui compte c'est son application, qui impose donc chaque fois une vérification des réglementations et pratiques locales, celles-ci pouvant varier sensiblement de province en province, de ville en ville, et parfois même, dans une même ville, de district en district.
Les matières qu'un avocat étranger est le plus souvent amené à traiter en Chine tournent atours des investissements étrangers ; et donc, en premier lieu, tout ce qui concerne les activités des sociétés à capital étranger ou mixte, du stade antérieur à leur constitution (négociation entre associés) aux diverses évolutions au cours de leur existence (modification, fusion, acquisition d'actifs ou d'autres sociétés), jusqu'aux aspects pathologiques comme la faillite ou les litiges entre investisseurs; mais également tout ce qui concerne la mise en place des contrats commerciaux avec les distributeurs, producteurs ou fabricants, fournisseurs ou autres partenaires commerciaux. Le droit du travail, devenu de plus en plus complexe et articulé, prend aussi une part grandissante. Dans un autre secteur, plus spécifique mais d’une importance tout aussi cruciale, le droit de la propriété intellectuelle est un domaine aux évolutions duquel les avocats (non seulement étrangers) sont également très attentifs. Par ailleurs, compte tenu des limitations indiquées plus haut, le contentieux est aussi, inévitablement, une matière qui intéresse les avocats étrangers.
Plus qu'une connaissance détaillée des règles juridiques applicables, ce qui compte pour un avocat en Chine, à mon avis, c'est avant tout la capacité d'analyser les problèmes dans le détail, d'en identifier les aspects les plus importants, de prévoir leurs développements et conséquences, réelles ou potentielles, et l'impact de celles-ci sur les intérêts et projets du client, et enfin la capacité de tracer des solutions viables. Cet exercice, complexe, est certainement moins difficile quand il peut s'appuyer sur une expérience pratique solide (c’est-à-dire déjà acquise), plutôt que compter sur une connaissance théorique des lois et règlementations applicables. En raison du fait que le système juridique chinois est en pleine évolution et que les problèmes légaux que ce pays est amené à résoudre sont semblables à ceux que les pays occidentaux ont connu au cours de leur plus ou moins récent développement économique, il est donc préférable, à mon avis, pour un avocat européen qui voudrait travailler en Chine, d'acquérir à l'avance une bonne expérience professionnelle de façon à progresser plus aisément dans un environnement légal où cette expérience pourra être appliquée avec profit. En ce sens, je pense que la Chine, bien qu’offrant à un avocat étranger un terrain plus qu’intéressant pour pratiquer le droit des affaires, n’est pas vraiment un pays formateur d'un point de vue professionnel dans le domaine juridique. Pour un jeune avocat principalement, considérant les spécificités et particularités juridiques de ce pays évoquées plus haut, la formation que l'on acquière en Chine peut devenir si spécifique au point qu'elle risque de ne pouvoir être utilisée ailleurs. Faire « ses classes » en Chine pourrait ainsi limiter les futurs développements d'une carrière en la marquant d'une spécificité qui rendrait une éventuelle reconversion professionnelle plus difficile.
Questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur/pire souvenir d'étudiant ?
Pas facile à identifier, mais il doit bien y avoir un ou plusieurs épisodes qui ont dû me marquer en profondeur puisqu'il m'arrive encore parfois de rêver, avec angoisse, qu'il me manque encore des examens pour terminer mes années d'université!
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
La liberté d’opinion et d’expression.
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