[ 27 février 2020 ]

Pour mieux parler en public

Quel est le contexte de votre livre de méthodologie sur la parole ?

La maîtrise de l’oral n’a jamais été autant nécessaire dans la vie professionnelle et en même temps, la culture de l’oral s’est perdue en France depuis plus d’un siècle. On ne l’enseigne plus ni à l’école ni même à l’Université. Chacun en est remis à lui-même et on peut écrire dans des livres très sérieux sur le sujet que sa maîtrise est une question de talent. Tout juste si on n’attend pas la fée qui se penche sur le berceau ! Depuis 20 ans à Sciences Po, nous avons construit une méthode d’enseignement de l’oral. À titre personnel, j’ai formé plus de 7 000 personnes, étudiants et professionnels, en individuel ou dans le cadre d’ateliers. L’ouvrage rend compte des acquis de cette expérience.

Vous parlez d’un art qui demande un apprentissage ?

Votre formulation répond presque à la question. C’est un art, en effet. Qui dit « art », dit méthode et techniques. Prenons l’art de la cuisine : il faut apprendre les gestes pour émincer des oignons, pour monter une sauce au beurre, barder une viande, lever les filets de poisson. Il faut faire ses gammes, c’est-à-dire mobiliser la mémoire procédurale dans le cerveau. Se concentrer sur ces gestes et les répéter, se constituer un répertoire de procédures neuro-motrices et cognitives pour qu’elles deviennent réflexes. C’est le même principe d’apprentissage pour des arts aussi différents que celui de conduire une voiture ou de jouer du piano ou encore celui combien exigeant ! du violon.

Que pensez-vous de la formule classique de Boileau « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement Et les mots pour le dire arrive aisément » (in Art poétique, Chant I, v. 147-207) ?

Elle est indépassable. Il lui manque cependant une dimension de l’oral qui est une activité physique en premier lieu. Pour bien concevoir et bien parler, il faut avoir conscience des appuis dans son corps : regard, respiration, relation à l’espace et à l’auditoire, maîtrise gestuelle et vocale. J’ajouterais par conséquent à la formule de Boileau celle de Valéry : « Au bout du corps, l’esprit, mais au bout de l’esprit, le corps. » Les neurosciences cognitives abondent dans ce sens. Tout pense en nous et tout en nous aide à penser. Chacun de nous l’a expérimenté : si je pars me promener, au retour, mes idées sont plus claires.

Quelles sont les 10 lois essentielles pour parler en public ?

Je vous renvoie naturellement au livre, qui les énonce et les explicite. J’insisterai sur la première : « Qui que tu sois, tu peux parler en public ». Et la dernière : « Ton charisme naîtra de ta singularité ».