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[ 22 mai 2025 ] Imprimer

Propriété intellectuelle et Droit public

Le patrimoine des personnes publiques ne se limite pas aux actifs immobiliers (les forêts domaniales, le parc immobilier, etc.). Qu’en est-il de la propriété des actifs immatériels (les travaux des chercheurs, les marques, les données personnelles collectées, etc.) ? Émilie Terrier, maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, attire notre attention dans un super ouvrage collectif sous l’égide du CUERPI (Centre universitaire d’enseignement et de recherche en propriété intellectuelle) sur ce thème de la propriété intellectuelle et du droit public (Dalloz, 2025).

En quoi le rapprochement entre propriété intellectuelle et droit public peut dérouter ?

Les droits de propriété intellectuelle ont longtemps été cantonnés au rôle d’instruments de droit privé. Et même si aujourd’hui les collectivités publiques ont largement pris conscience de la richesse de leurs actifs immatériels, la matière reste rarement étudiée sous l’angle des enjeux publics. Ce constat tient en partie à la summa divisio droit privé/droit public qui structure l’ensemble de notre système juridique. Qu’il s’agisse de la séparation des ordres juridictionnels ou des enseignements universitaires, nous invitons les juristes à penser le droit par le prisme de ce dualisme juridique.

Quel constat faites-vous néanmoins ?

Il est évident aujourd’hui que le patrimoine public ne s’incarne pas seulement dans des réalités physiques. Les collectivités publiques mettent en place de véritables stratégies de valorisation de leur patrimoine immatériel. Les actifs qui composent ce patrimoine sont très variés et englobent notamment des marques publiques, des noms de domaine, des logiciels et bases de données, ou encore des fichiers issus de la numérisation des collections publiques. Nous connaissons tous des marques déposées par des collectivités territoriales et qui contribuent à l’attractivité des territoires (par exemple, les marques déposées par les villes de Paris, Saint-Tropez ou Mont-Saint-Michel). Le législateur permet également aux personnes publiques de lutter contre des tentatives d’appropriation de leur nom. Les collectivités territoriales peuvent ainsi s’opposer au dépôt d’une marque portant atteinte à leur nom, image ou renommée. Il m’a donc semblé important de croiser les champs de la propriété intellectuelle et du droit public pour comprendre les enjeux juridiques liés à cette propriété intellectuelle publique. Cet ouvrage rassemble les différentes contributions du colloque du CUERPI organisé à Grenoble le 17 novembre 2023. Grâce aux différents intervenants, cet ouvrage pose le constat que la propriété intellectuelle constitue un levier incontournable de l’activité publique. 

Comment le droit intervient-il aujourd’hui dans cette relation ?

Malgré la place croissante du patrimoine immatériel public, le droit applicable est fragmenté et demeure souvent peu adapté aux spécificités de l’activité publique. Les règles applicables à la valorisation de ces actifs sont dispersées au sein de plusieurs Codes (CPI, CRPA, Code de la Commande publique, Code général de la propriété des personnes publiques, etc.), ce qui n’en facilite pas la compréhension. L’articulation de ces corps de règles n’est pas non plus toujours bien pensée (on le voit notamment s’agissant des données publiques et du droit d’auteur dans la mesure où un document peut constituer à la fois une œuvre de l’esprit et un document administratif, produit ou reçu par l’administration). 

Comment pourrait-il évoluer ?

Il me semble que le droit pourrait évoluer en intégrant davantage les spécificités qui s’attachent à la propriété intellectuelle des personnes publiques. Les enjeux de droit public sont encore trop invisibilisés par la propriété intellectuelle (alors même que les personnes publiques mobilisent de plus en plus ces outils). Le Code de la propriété intellectuelle ne consacre pas de partie aux activités publiques. Une évolution en ce sens permettrait une meilleure articulation des différentes règles et, peut-être, d’asseoir l’émergence d’un véritable droit public de la propriété intellectuelle.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

Mon meilleur souvenir demeure la découverte du droit d’auteur, qui a marqué un véritable tournant pour moi. Auparavant, je ne savais pas réellement ce que je voulais faire. C’était pour moi une évidence.

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

Dans la pop culture, sans hésitation Buffy (de Buffy contre les vampires). Derrière les apparences (une ado qui chasse des vampires), la série met à l’honneur une héroïne à la fois forte et drôle qui casse les codes de l’époque. C’est une série pionnière dans les représentations féministes à la télévision.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

J’ai envie de répondre la liberté de création. L’art est indispensable en ce qu’il nous fait réfléchir, rêver et parfois nous bouscule ou nous choque. Les artistes et les institutions culturelles doivent garder leur autonomie et se trouver à l’abri des pressions politiques et économiques. Cette liberté est aussi essentielle pour les citoyens car c’est un outil d’émancipation collective.

 

Auteur :MBC


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