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[ 22 octobre 2020 ] Imprimer

Quel avenir pour la profession d’avocat ?

Dans le rapport sur l’avenir de la profession d’avocatremis à Eric Dupond-Moretti, l’actuel garde des Sceaux, le 26 août dernier, un groupe de travail constitué de 9 personnalités du monde du droit émet 13 recommandations qui répondent à de nombreux sujets d’inquiétudes pour les avocats. Le président de cette Mission, Dominique Perben, avocat et ancien ministre de la justice, nous fait l’honneur de répondre à nos questions.

Comment le rapport propose-t-il d’améliorer l’accès à la justice de tous les justiciables?

Le premier obstacle à l’accès à la justice tient à la capacité d’accueil limitée du système judiciaire, et notamment la longueur de la file d’attente, la complexité du processus judiciaire et son coût. Le dispositif de l’aide juridictionnelle a vocation à permettre l’accès à la justice des plus démunis, mais souffre d’un sous-financement chronique. C’est pourquoi une refonte du système de l’AJ nous paraît essentielle pour améliorer l’accès à la justice. D’abord en augmentant le budget consacré à l’aide judiciaire, qui est en France plus bas que chez nombre de nos voisins européens. Ensuite en revalorisant l’unité de valeur ainsi que les rétributions concernant les modes alternatifs de règlement des différends ; en rééquilibrant les barèmes ; en prenant en compte les frais de déplacement des avocats ; et en introduisant une contribution pour l’aide juridique.

Outre les difficultés de financement, la dernière étude du World Justice Project met en exergue le fait que la majorité des personnes confrontées à une difficulté juridique ne s’adressent pas à un avocat pour la résoudre. Les pouvoirs publics doivent se saisir de la question des difficultés des justiciables à identifier la nature juridique des problèmes qu’ils rencontrent, de manière à systématiser davantage le recours aux avocats.

Enfin, nous avons également recommandé une refonte de certaines règles de procédure civile qui complexifient la procédure. Dans l’attente d’une réforme de plus grande ampleur de la procédure d’appel, nous avons ainsi suggéré d’allonger les délais sanctionnés à peine de caducité et d’irrecevabilité en appel.

Quels changements recommande-t-il pour l’accès et la formation à la profession ?

Concernant l’accès à la profession d’avocat, la réforme du CRFPA a déjà permis d’harmoniser l’entrée dans la profession sur le plan national. Afin d’aller plus loin dans cette réforme, nous recommandons également d’introduire la correction croisée des copies du CRFPA, en répartissant aléatoirement les copies des différents IEJ. Cela permettrait d’harmoniser la correction au niveau national.

S’agissant de la formation elle-même, elle peut encore paraître inadaptée aux besoins nouveaux de la profession, dans un contexte d'évolution du marché du droit. Dans notre rapport nous proposons donc de réformer la formation initiale en accentuant son caractère entrepreneurial. Cela répond au besoin de la profession de s’ouvrir à de nouveaux marchés et de faire évoluer son offre. Des cliniques de droit pourraient également être mises en place, afin de permettre aux étudiants d’exercer concrètement le droit.

Nous n’avons pas souhaité aller plus loin dans nos recommandations puisqu’un groupe de travail présidé par Maître Kami Haeri et le professeur Sandrine Clavel se penchait également sur la problématique de la formation des jeunes avocats [V. Dalloz Actu Étudiant, Focus sur l’avenir de la profession d’avocat, 6 juillet 2017]. Considérant qu’il était tout de même inévitable que la Commission se saisisse de ce sujet, nous avons pris soin de nous entretenir avec Maître Haeri.

Comment mieux protéger le secret professionnel de l’avocat ?

Des incertitudes demeurent quant à la définition et le respect du secret professionnel des avocats. Par exception, il peut être dérogé au secret professionnel, lorsque l’avocat est lui-même mis en cause pour avoir commis ou pris part à la commission d’une infraction. Il peut ainsi faire l’objet de mesures coercitives (perquisition, interception téléphonique, ou communication des factures détaillées de téléphonie) dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction. 

Il est nécessaire d’éviter les intrusions inutiles et les excès. C’est pourquoi nous proposons de renforcer les moyens mis à la disposition du juge des libertés et de la détention lorsqu’il doit examiner une demande d’autorisation de pratiquer une mesure coercitive. Dans le cadre d’une enquête préliminaire, sa décision devrait être motivée par des indices précis préexistant de la participation de l’avocat à la commission d’une infraction. Dans le cadre d’une instruction, le JLD devrait être saisi aux fins d’autorisation de ces mesures, dans les mêmes conditions que celles d’une enquête préliminaire. Enfin, l’ensemble du dossier de la procédure devrait être remis au JLD pour qu’il puisse fonder sa décision. Nous avons suggéré de nouvelles rédactions du Code de procédure pénale pour introduire ce double regard dans notre droit. 

Il serait bon également de souligner dans le Code que le secret professionnel de l’avocat s’attache tant au domaine du conseil qu’à celui de la défense. 

Enfin, le rôle du bâtonnier dans le cadre d’une perquisition dans un cabinet d’avocat pourrait être renforcé. 

Faut-il craindre les évolutions technologique et statutaire du métier de conseil, d’assistance et de représentation en justice ?

Oui, si les avocats ne se saisissent pas de nouveaux marchés et n'élargissent pas leur champ d’activités. Cela implique également pour la profession de s’emparer des évolutions technologiques, qui ne sont pas une menace mais un outil pour la profession. Ces outils technologiques sont pour le moment développés et proposés au public par des prestataires alternatifs, et avec succès, alors que les avocats auraient pu proposer ces mêmes prestations. Certains outils ont d’ailleurs été développés spécifiquement pour les avocats, qui ne les ont pas (encore) pleinement mis en œuvre : je pense à l’acte d’avocat ou l’instauration de la procédure participative.

Les progrès de l’intelligence artificielle posent également la question de la définition de la consultation juridique. Dès lors que ces outils pourront dans le futur fournir des réponses de droit structurées équivalentes à l’application d’une règle de droit abstraite à une situation individuelle, nous recommandons de définir la consultation juridique de manière téléologique, comme « une prestation personnalisée tendant, sur une question posée, à la fourniture d'un avis ou d'un conseil sur l'application d'une règle de droit en vue, notamment, d'une éventuelle prise de décision ». Cela protégerait la profession face aux progrès de l’intelligence artificielle. 

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

Je me souviens avec bonheur du cours, à Sciences Po, de Jean Baptiste Duroselle, sur l’histoire des États Unis. Il était fascinant, nous faisant revivre en direct les grandes étapes de la construction de ce pays.

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

Tintin et Barbarella.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

La liberté d’expression.

 

Auteur :Marina Brillé-Champaux


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