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[ 16 octobre 2025 ] Imprimer

Sensible droit

Quels sont les canaux du langage du droit autre que la lettre, les mots, les expressions, c’est-à-dire autre que sa forme scripturale ? C’est cette exploration du « Sensible droit », au sein de la Chaire « Art et Droit » portée par l'EMRJ (Équipe méditerranéenne de recherche juridique) en collaboration avec la Fondation de l'Université de Corse, que nous propose Nathalie Goedert, maître de conférences en histoire du droit à l’Université Paris – Saclay et membre de l’EMRJ.

Quels sont les mécanismes en œuvre dans l’adhésion ou le rejet d’une règle de droit ?

Si Pierre Legendre a eu l’audace en 1974, dans son livre L’amour du censeur de chercher à percer le mystère de la soumission et de l’obéissance d’une majorité à un pouvoir toujours minoritaire en nombre, c’est l’une des seules études encore aujourd’hui qui se soit attachée à éclairer non pas le contenu du droit mais l’interaction symbolique entre la loi et le sujet de droit. Cette étude mise à part, les mécanismes qui font qu’un individu adhère ou non à une règle de droit, s’y soumet volontairement, sont encore extrêmement énigmatiques. Longtemps la recherche juridique s’est contentée de son autoréférentialité et a resserré sa focale sur les mécanismes de formation et d’adoption de la règle. Depuis les travaux de Jean Carbonnier qui dans les années 1970 est le premier à concevoir le droit comme un « phénomène », l’étude du droit suppose de connaître non seulement la lettre de la loi mais également la manière dont la règle est « reçue », appliquée, par la communauté d’individus à laquelle elle est destinée. Dans cet esprit, le doyen recommandait de s’ouvrir à la sociologie, et plus timidement alors à la psychologie afin de mieux connaître « l’homme juridique ». S’il les avait connues, il aurait assurément convoqué aussi les sciences cognitives dont les progrès récents permettent de mesurer les phénomènes émotionnels et perceptifs et vont éclairer ce qui jusque-là relevait de l’intuition et de la monographie.

Il y a entre la règle de droit telle qu’elle est conçue et la règle vécue un écart qui opère comme un processus de transformation. Bonaparte le savait bien et semblait s’y résigner quand il constatait sans illusion : « J’ai donné un ordre, mais qui a pu lire le fond de ma pensée, ma véritable intention ? Et pourtant, chacun va se saisir de cet ordre, le mesurer à son échelle, le plier à son plan, à son système individuel ». À peine est-elle née en effet que la règle de droit échappe à son auteur et s’infléchit par l’action, collective ou individuelle, des hommes à qui elle est destinée. C’est dans cet écart, passionnant à apprécier, que résident la vitalité et la plasticité du droit. Contrairement à l’image d’une loi gravée dans le marbre, image imposée par le rationalisme juridique et un peu trop facilement admise, la règle meut imperceptiblement mais en permanence. Seul son énoncé est immuable ; mais on le connaît rarement avec précision. Ce qui dicte leur comportement aux individus, les incite à agir conformément à la loi ou au contraire à s’en écarter, tient beaucoup plus d’une culture juridique diffuse. Étrange alchimie de croyances, de récits, de mythes, de représentations, d’émotions et de ressentis, qui peuvent revêtir les formes de la crainte ou du désir, et qui se transforment en convictions, elle est insaisissable mais puissante, invisible mais active. Les canonistes médiévaux avaient déjà identifié, dans leurs tentatives de définition de la coutume, cet élément psychologique, l’opinio necessitatis, sans lequel la règle n’était pas coutume. Elle tirait en effet sa force contraignante de la conviction partagée par l’ensemble de la population, du caractère absolument obligatoire, « nécessaire » à l’équilibre de la communauté, de cette disposition. Les progrès du rationalisme juridique dans nos sociétés occidentales n’ont pas véritablement modifié cette exigence. Suivant que l’homme croit ou non à son droit, il adoptera des attitudes diverses. C’est la raison pour laquelle les comportements juridiques sont encore parfois — et c’est réjouissant — irrationnels et imprévisibles.

Il est possible d’identifier les différents éléments qui composent la culture juridique d’un individu ; il est plus difficile d’expliquer les innombrables combinaisons auxquelles ils donnent lieu. Si le respect de l’autorité légitime, ou plus communément la crainte du juge, sont les moteurs les plus évidents du comportement juridique, on se tromperait en leur accordant trop d’importance. Mais les valeurs collectives portées par l’histoire, l’idée que la société se fait d’elle-même, l’idéal commun, ou plus intimement des convictions individuelles allant des opinions politiques aux pulsions les plus inconscientes sont autant d’élément qui facilitent l’exécution de la règle ou au contraire lui opposent une résistance. Autant d’éléments qui ne doivent pas échapper au chercheur soucieux d’étudier le droit pour mieux penser le social.

Deux exemples très différents de résistance à la règle. J’ai eu l’occasion de consulter, dans les archives d’un notaire corse, les contrats de mariage rédigés au cours du xixe siècle soit après la promulgation du Code civil. J’étais très étonnée de retrouver, presque systématiquement la même formule. Le fait est fréquent ; mais il s’agissait là d’un assemblage de termes juridiques — avancement d’hoirie, préciput, rapport à la masse — qui n’avait aucun sens. Le notaire était-il si ignorant du droit ? Je ne pouvais le supposer. Tout au contraire, l’énigmatique formule traduisait l’embarras d’un notaire devant expliquer au père de famille venu rédiger le contrat de mariage, que la loi avait changé, que désormais le Code civil avait institué l’égalité des héritiers légitimes et qu’il n’était plus possible de procéder comme auparavant, sous l’empire de la coutume, à l’exclusion successorale des filles dotées ; ce à quoi servait le contrat de mariage. Pour ne pas déplaire au père qui n’avait que faire de la loi nouvelle et voulait procéder comme à son habitude, d’autant que sa fille ne réclamait pas l’application d’une égalité successorale dont elle n’avait même pas idée, tout en ayant l’air de respecter la loi, le notaire inventait une formule « magique » qui ne disant rien pouvait tout dire… le cas échéant. L’historiographie récente relative à la période coloniale a depuis peu mis en valeur les phénomènes d’enfouissement de la culture juridique autochtone. Le second exemple est tiré de l’expérience coloniale. En cédant en apparence au droit du colonisateur, en respectant « de façade » ses institutions, les populations colonisées moins par opposition politique à une forme de domination mais plus souvent par habitude, ont continué dans certains cas à utiliser au quotidien, pour la résolution de leurs conflits ou pour des décisions communautaires, leurs relais d’autorité traditionnels. Résistance silencieuse dont les effets ont longtemps échappé au colonisateur qui n’en soupçonnait même pas l’existence.

Comment l’image peut-elle révéler un phénomène juridique ?

Depuis longtemps les historiens de l’art (Horst Bredekamp, Hans Belting, Daniel Arasse pour n’en citer que quelques-uns) ont montré le « pouvoir des images » (David Freeberg, 1996) et s’accordent à leur reconnaître une « agentivité », à savoir une capacité à agir. Non seulement l’image montre, révèle l’invisible mais elle pense. Elle ne peut se réduire à la seule dimension illustrative d’un texte, fonction à laquelle le juriste est souvent tenté de la réduire par souci pédagogique autant que par dé-formation disciplinaire qui ne conçoit le plus souvent le droit que dans sa forme scripturale. Par la condensation des éléments, par sa composition, l’image dispense un discours autonome. Ainsi, une image qu’elle traite ou non d’un sujet de droit donne à voir, exprime la culture juridique mais également dispense un discours normatif.

L’image, dans une dimension figurative et réaliste peut représenter un geste juridique, une situation juridique, lui donner vie en la plaçant dans son contexte. Elle offre des détails que le texte n’aurait pas nécessairement fait apparaître. Le tableau de William Hogarth, Le contrat de mariage (1745), s’attarde sur la signature d’un contrat de mariage. Elle montre au premier plan, dans l’action, les deux pères de famille dont la bedaine dit l’opulence, réunis autour du notaire. Lunette sur le nez, l’un étudie attentivement le contrat qu’il va signer, tandis que l’autre compte les écus qui s’échappent d’une bourse déliée tout en tenant en main un arbre généalogique. À distance de l’acte qui les concerne et en arrière-plan du tableau se tiennent les deux promis ; Assis sur un canapé, l’air résigné et absent, ils se tournent le dos. Le tableau nous apprend bien plus qu’un article de loi ou un formulaire de notaire ; il nous dit que le mariage au xviiie siècle est un acte qui engage la famille. Si le droit exige le consentement des époux, dans la réalité c’est surtout des consentements respectifs des pères dont il est question. Il n’est pas encore l’expression d’un choix individuel. L’acte est patrimonial plus que sentimental. L’image nous fait voyager dans le temps nous révélant des scènes passées ; elle nous ouvre également des lieux interdits. Par exemple, c’est essentiellement à travers les films de fiction que nous nous représentons la réalité de l’univers carcéral. L’image montre ce qui est caché mais peut aussi révéler ce qui ne se voit pas. Un concept, en lui donnant une forme allégorique, telle cette femme à la balance qui rappelle que la justice est une vertu qu’on ne saurait confondre avec ses serviteurs que sont les juges. La stèle d’Hammurabi que l’on peut admirer au Louvre nous permet de connaître le droit mésopotamien d’avant notre ère, non seulement dans son contenu, grâce à la précision de ses dispositions écrites mais également dans ses fondements, par sa riche iconographie. On y voit en effet le dieu Shamash tendre au roi le stylet avec lequel il écrira les lois. L’image dit l’origine divine du droit mésopotamien. Le pouvoir de l’image s’étend à toute forme de représentation. L’architecture traditionnelle de nos palais de justice évoquait la sacralité du droit. Des marches qui élèvent, des grilles qui séparent du tumulte de la cité, des colonnes de temple. Il est très significatif que le xxie siècle ait donné naissance à des monuments très différents qui matérialisent d’autres concepts, tel le nouveau palais de justice de Paris tout de verre qui célèbre la transparence démocratique. Enfin, par le recours au symbole, l’image peut dire le droit bien plus efficacement que le texte, comme un panneau de sens interdit sur une voie publique.

L’image produit ainsi, autant qu’elle la transmet, la culture juridique commune d’une société. Car elle répond à des codes iconographiques précis qui doivent être décryptés. Dans les coutumiers du droit médiéval, dans les portraits en pied des souverains, un droit levé, un genou dénudé portent un message que beaucoup d’entre nous n’entendent plus aujourd’hui, faute d’en connaître le sens. En revanche, trahissant la prégnance d’une culture judiciaire formée par les images des films américains, il n’est pas rare qu’un jeune délinquant s’adresse en juge en l’appelant « Votre honneur ». La représentation peut ainsi expliquer la règle de droit, la compléter, l’étoffer, l’exprimer et imperceptiblement lui donner sens. D’autant que l’image sollicite d’autres facultés cognitives. Elle frappe l’imagination, s’inscrit dans l’inconscient et infléchit les résistances que la volonté pourrait vouloir opposer à la règle. L’image parle au sens… elle produit de l’émotion. Elle révèle la part sensible du droit.

Quel est le programme de « Sensible droit » ?

Initié dans le cadre de la « Chaire Art et droit » créée à mon initiative et soutenue par l’Équipe méditerranéenne de recherche juridique (EMRJ) et la fondation de l’Université de Corse, en partenariat avec Nathalie Delbart, professeur en arts plastiques à l’Université de Lille (CEAC), ce programme explore, dans une démarche expérimentale et transdisciplinaire, la dimension sensible du droit à partir d’œuvres artistiques qui utilisent le droit comme matière première. La transdisciplinarité suppose de quitter ses réflexes et ses habitudes disciplinaires pour trouver, avec d’autres (et non pas seulement par la confrontation des points de vue que permet la pluridisciplinarité) d’autres matériaux de travail, d’autres corpus de recherche, d’autres méthodes et d’autres modes de production et de transmission du savoir. Avec des artistes, mais aussi des anthropologues, des philosophes, des biologistes, des chercheurs en sciences cognitives, mais aussi des artisans, des militants, des membres de la société civile et des institutions culturelles, nous avons exploré, dans des rencontres ateliers, des domaines aussi variés que les objets du droit, la musicalité du droit, le jeu, l’espace extra-atmosphérique, le souffle…

Les objets et le droit (2023)

Outre une réflexion sur la fonction juridique des objets, l’atelier a permis aussi de mettre à jour les prémisses de ce que pourrait être une nouvelle catégorie : les objets de droit. La suite des travaux pourrait permettre d’approfondir cette notion, par un essai de définition (qu’est-ce qu’un objet de droit) un recensement de certains objets. Cette approche du droit à travers les objets permet de renouer avec les gestes du droit et les paroles qui les accompagnent, donc avec l’univers coutumier effacé par le droit écrit. C’est un moyen possible de retrouver les anciennes coutumes.

La musicalité du droit (2024)

La rencontre a permis de partager autour de l’écoute d’œuvres sonores des propos scientifiques portés par des spécialistes (philosophes, musicologues, chanteurs). Deux tendances fortes se sont dégagées à l’issue de cette journée. Dans un premier temps, nous nous sommes interrogés, œuvres à l’appui sur la part que prennent les sons, les rythmes, les résonances et les silences dans le phénomène juridique : la parole qui peut être immédiatement performative (la clameur de haro), le témoignage oral qui active aussi par la voix la sensibilité du juge et peut infléchir le jugement, la manifestation de l’autorité qui se fait selon une certaine tonalité, la part de la musique dans l’éducation, telles sont des voies que nous avons explorées. Dans un second temps, un travail sur le répertoire des chants populaires corses rassemblés et répertoriés par le centre Voce de Pigna laisse entrevoir la possibilité d’un vaste champ d’études sur le droit corse à partir des chants : les chants populaires traitent des questions de mariage, de commerce, de justice, de personnalité juridique des non-humains… des questions qui soit peuvent nous permettre d’approcher les usages anciens, soit peuvent nous proposer des solutions d’avenir.

Le droit international comme sujet et médium de l’art contemporain (2024)

L’artiste Jason File nous a présenté une œuvre récemment exposée à New York et qu’il destine aussi aux régions de l’ex-Yougoslavie meurtries par le conflit : Persistent illusions (Illusions persistantes), œuvre directement inspirée de son activité comme membre du bureau du procureur dans le procès du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPY). Dans une scénographie qui emprunte directement à cette expérience de justice internationale (reconstitution conceptuelle d’une salle d’audience, public mis en situation de « jurés », symboles iconographiques, choix des matières), Jason File installe deux écrans vidéo sur lesquels sont projetées des images qui entrent étrangement en résonance. Les supports artistiques et juridiques se croisent. Sur l’écran de droit, les images issues directement de la captation d’audience du procès international sont projetées en temps réel ; le public peut choisir la langue dans laquelle il veut entendre les auditions. Sur l’écran de gauche, les images d’une cassette VHS saisie au titre de pièces à conviction dans le cadre du procès. L’objet est en lui-même troublant car les auteurs d’un nettoyage de charnier ont filmé leurs opérations pour en rendre compte à leurs supérieurs en superposant ces images à d’autres : soit des conversations informelles de leur groupe d’intervention, soit des dessins animés. Seules 3 minutes sur l’intégralité des enregistrements étaient pertinents pour le procès au titre de preuve. Mais pouvait-on pour autant négliger l’objet pour ce qu’il révélait autrement ? En mettant images « privées » et images institutionnelles en parallèle, Jason File créé le trouble, questionne la matière, propose une autre manière de voir le procès. Mais rien dans son œuvre ne révèle une autre intention que de « donner à penser », rien de didactique, rien d’appuyé. De la matière, des images et du son pour activer la sensibilité de chacun au rythme de chacun, puisque chaque spectateur peut choisir ce qu’il veut regarder, ce qu’il veut entendre, l’intégralité de l’œuvre, juste un passage, une langue connue ou au contraire incomprise, du son ou des mots… Chacun peut décider de « voir » et « d’entendre »… ou pas !

Quels en sont les objectifs ?

Ayant fait le constat que de nombreux artistes se saisissent du droit comme matière première de leur œuvre — un geste, un concept, une situation, un dispositif, une parole… — et ne pouvant plus y voir simplement un mouvement de mode, nous pensons que la voix des artistes ne se réduit pas à relayer la demande sociale de droit, mais qu’elle propose, innove, élargit l’horizon du droit. Un travail en commun autour de telles œuvres doit nous permettre de nuancer les progrès d’un rationalisme juridique triomphant en montrant que le droit ne peut être tenu pour le pur produit de la raison. Aldo Schiavone, historien italien, dans un ouvrage magistral consacré aux origines du droit en occident (Ius, l’invention du droit en Occident, 2005) évoque l’épuisement, « l’effondrement » de notre système juridique occidental. Il ne fait que traduire en termes savants ce que chacun d’entre nous ressent de manière diffuse. Les rapports entre organisation politique, socialité mondiale et ordre normatif se posent aujourd’hui en des termes inédits. Et force est de constater que le droit, tel qu’il se définit, est impuissant à les saisir et plus encore à les discipliner. Dans le même esprit, Massimo Vogliotti (2001, Revue interdisciplinaire d’études juridiques) accuse la pensée juridique moniste qui « ne semble plus en mesure de maîtriser la complexité croissante et le pluralisme des valeurs à l’œuvre dans la société contemporaine ». Se plaçant dans le prolongement de la pensée de ces auteurs, le programme « sensible droit » entend apporter une contribution à cette réflexion, non seulement pour mieux comprendre ce phénomène de désaffection, mais peut être aussi pour proposer des réponses, en explorant la dimension sensible du droit. Il a pour ambition scientifique d’approcher le droit par des chemins de traverse… non par goût pour la fantaisie, mais par conviction scientifique. Il s’agit de faire plein usage des capacités de l’esprit humain, à savoir la raison bien sûr, qu’il n’est pas question d’écarter, mais aussi la créativité, l’imagination, que l’on aimerait solliciter aussi afin de décentrer le regard disciplinaire. Sensible droit propose de « voir le droit autrement » !

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

Le premier TD. Je suis étudiante salariée. À la faculté, les salariés peuvent s’inscrire dans le TD du soir, trois fois par semaine de 19 heures à 20 h 30. Nous sommes accueillis par le chargé de TD mais également par l’enseignant en charge du cours que nous ne connaissons pas car aucun de nous ne peut suivre les cours en amphithéâtre. Il est venu à notre rencontre pour nous dire tout l’intérêt qu’il porte à des étudiants qui tout en travaillant, s’engagent dans un cursus d’études. Il nous assure de son soutien, nous donne des conseils et nous fait entrevoir que la réussite est possible. J’ai été portée tout au long non seulement de mes études mais aussi de ma carrière par ce discours peu commun à l’université, par l’humanité de cet enseignant, historien du droit. Peut-être ma vocation date-t-elle de ce jour ?

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

Si je pense à un héros ou à une héroïne, je ne le/la trouve pas dans la fiction. Mes héros appartiennent au monde réel. Je les trouve dans la foule des anonymes, souvent cabossés par la vie, qui continuent néanmoins à défendre des valeurs d’humanité, parfois par des petits gestes, des regards. Ils tissent des liens.

Du côté de la fiction, il m’arrive d’éprouver de la tendresse, voire de l’admiration pour des personnages. J’ai longtemps aimé Meursault dans L’Étranger d’Albert Camus. Mais après avoir lu la contre-enquête de Kamel Daoud, je lui préfère désormais le frère de l’arabe qui lui aussi à sa manière fait face à l’absurdité du monde. Quant aux personnages féminins, ma préférence va à Cassandre dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux, parce qu’elle traverse le monde sans être ni entendue ni comprise… comme tous ceux qui regardent plus loin.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Sans hésitation aucune, mon choix se porte sur le droit à l’éducation. Il est selon moi le préalable à l’exercice de toute liberté. D’une part parce qu’elle détermine le cadre sans lequel la liberté ne saurait s’épanouir et deviendrait folie ou abus. D’autre part parce que l’éducation suppose la transmission de valeurs et de connaissances. Elle seule permet à l’enfant de grandir, de se constituer en homme ou femme, en répondant à sa curiosité. Tout être a la soif d’apprendre. N’y pas répondre constitue un crime qui prive l’homme ou la femme de son humanité. Au moment où l’intelligence artificielle occupe tant de place dans les débats, je m’interroge sur l’absence de réflexion sur la bêtise réelle. C’est elle le vrai danger… et l’actualité nous montre qu’il ne s’agit pas d’un fantasme. 

 

Auteur :MBC


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