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[ 1 avril 2021 ] Imprimer

SOS Tardigrades : la plateforme des profs solidaires avec les étudiants mis en galère

Quand les boomers viennent en aide aux zoomers, c’est-à-dire à vous, chers lecteurs étudiants, il ne faut pas hésiter et les contacter. Aide académique et méthodologique ou simplement soutien intergénérationnel, vous avez enfin une plateforme pour cet échange : SOS Tardigrades (www.sostardigrades.com). Ivan Samson, Frédéric Barruyer, Myriam Donsimoni, Anne-Marie Gallet et Florence Siméon, universitaires et professionnels, membres de ce groupement, nous en présentent l’esprit et le corps.

■ Avant de nous répondre, pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?

Frédéric Barruyer, Valence : Professeur de sciences économiques et sociales, professeur de sciences du numérique au lycée. Mes compétences en informatique m’ont permis d’aider au démarrage du point de vue technique.

Myriam Donsimoni, USMB, Chambéry : Maître de conférences en économie, Directrice du Département AES à la Faculté de Droit.

Anne-Marie Gallet, Grenoble : Retraitée depuis 2018, j'ai été infirmière 5 ans, puis durant 25 ans Chargée de mission-Intervenante à l'Anact, sur l'organisation du travail et la prévention des risques professionnels et particulièrement sur la santé mentale.

Florence Siméon, Paris : Retraitée, j’ai eu un début de carrière dans le secteur de l’emploi, l’orientation professionnelle et la formation professionnelle en particulier auprès d’un public jeune. Dans le réseau Anact, je travaillais sur les questions de compétences et de santé au travail. Comme consultante RH indépendante, j’ai continué d’accompagner des personnes en transition professionnelle.

Ivan Samson, UVSQ, Versailles : Universitaire retraité, chercheur en activité, économie et sciences sociales, collectif de recherche Homo Sociabilis.

■ Qui sont les membres de SOS Tardigrades ?

MD : L’action des Tardigrades est caractéristique de la solidarité nécessaire en période difficile pour les étudiants. La démotivation les gagne, ils sont coupés du contact avec leurs pairs mais aussi avec leurs professeurs.

AMG : Chacun dans cette période de pandémie a pu se poser la question de ce qu'il pouvait faire à son niveau pour être acteur, citoyen engagé. Dans un premier temps, c'est un petit groupe d'amis (universitaires pour beaucoup d'entre eux, mais aussi des professionnels retraités ou en activité) qui a réalisé que leurs compétences pouvaient être mises au service des jeunes étudiants qui galèrent aujourd'hui. Ils savent ce qu'est la vie étudiante et ils sont volontaires pour aider les jeunes étudiants. Beaucoup des profs solidaires ont, eux aussi, des enfants étudiants dans leur foyer et sont donc sensibilisés, touchés par cette initiative et souhaitent y participer. Tous ces volontaires sont diplômés, et interviennent bénévolement.

Rapidement cette initiative a eu un écho très favorable auprès d'étudiants qui nous ont rejoints : c'est ce que nous pourrions appeler « le projet dans le projet ». Sensibilisés par leur prof d'éco-gestion, ils réalisent ainsi dans le cadre de leur formation, des produits de communication, des matériaux utiles au déploiement de SOS Tardigrades ; ils développent et alimentent les réseaux sociaux, trouvent des slogans, identifient des influenceurs, ouvrent un blog...

FB : Les membres de SOS Tardigrades sont pour la plupart des enseignants en activité ou à la retraite. Leurs profils sont divers, certains viennent du milieu universitaire et pour d’autres du lycée. Ils ont chacun une expertise dans leur domaine comme les sciences, l’économie, le droit, la sociologie, les langues ou encore les lettres. Mais nous avons élargi notre recrutement à des profils plus axés sur le bien-être, l’orientation ou même le coaching organisationnel.

IS : Le cœur de notre concept, lancé en janvier 2021, était de mobiliser au service des étudiants en galère des universitaires retraités et confinés, disposant de temps, de compétences et d’expérience. Mais très vite l’esprit de solidarité avec les étudiants, très développé, a conduit à élargir notre approche comme celle d’une société civile avide d’action. La particularité de notre mouvement aujourd’hui est de réunir des universitaires, retraités et en activité, avec des enseignants des lycées, ainsi qu’avec des professionnels symbolisant les projets des étudiants : avocats, ingénieurs, consultants, entrepreneurs, cadres du public etc. C’est cet ensemble que nous appelons les « profs solidaires » !

■ Quelles sont les personnes concernées par vos activités ?

AMG : Ce sont tous les étudiants qui en éprouvent le besoin, qui ont besoin de soutien, soit sur les contenus de leur discipline, soit qui ont des difficultés à écrire, à structurer un mémoire, un écrit, préciser une problématique. Ou encore des étudiants isolés, qui se posent des questions sur leur avenir, le sens de leur formation… et qui ont besoin de discuter avec un adulte, un enseignant pour traverser ce brouillard dans lequel ils naviguent aujourd'hui et retrouver un futur, de la foi dans leurs projets. Nous voyons que les premières années, qui sortent du lycée, sont les plus déboussolées.

FB : Les personnes concernées par nos activités sont les étudiants, ceux de première année universitaire jusqu’à ceux de M2. Et ce dans tous les cursus universitaires. La présence d’étudiants en L1 qui ont quitté le lycée il y a très peu de temps, justifie le fait que des professeurs certifiés ou agrégés enseignant en lycée soient très utiles, car ils ont vécu avec leurs élèves de terminales les problèmes de l’orientation et de Parcoursup dans le contexte de la covid, avec tout ce que cela entraîne : cours à distance, démotivation des élèves et même pour certains, décrochages. Ils savent donc comment aborder certaines difficultés que des étudiants peuvent connaître.

MD : Dans le département AES que je dirige, je vois à quel point les étudiants sont en demande de contact, de réponses, de conversation. Je le fais pour eux, les Tardigrades le font pour tous les étudiants de France qui le souhaitent.

FS : Actuellement, Parisienne dans le cadre de Sos Tardigrades j’accompagne une étudiante en master MEEF professorat des écoles 1er degré à Lyon 2. De nationalité mexicaine, quoique parlant bien le français, elle a du mal parfois à suivre certains cours et en particulier à rédiger son mémoire. Ses difficultés ont pris beaucoup d’ampleur suite au confinement, au travail en visioconférence et au manque de relations avec son groupe d’étudiants.

■ Comment intervenez-vous auprès des étudiants ?

IS : Tout d’abord nous avons conçu notre plateforme comme un outil simple et efficace, où les étudiants ont accès à un prof en 5 minutes et 2 clicsLes profs solidaires vont sur le site et remplissent en ligne un formulaire où ils indiquent leur profil et leur disponibilité en termes de soutien. Ces données sont publiées sur Internet dans un grand tableau rassemblant notre offre. Nous avons à ce jour 150 profs solidaires, soit une capacité de soutien de 500 étudiants. L’étudiant intéressé remplit sur le site un formulaire précisant sa demande, puis consulte le tableau et choisit son prof qu’il contacte à son email affiché. Il nous reste à réaliser une communication dense et diversifiée en direction des étudiants, mais aussi en direction des profs potentiels pour faire grossir la plateforme en continu comme une boule de neige.

AMG : La plateforme est rapidement mise en ligne dès janvier, qui a permis de faire le lien entre « un étudiant et un prof solidaire » dans la matière désirée. Ils conviennent ensemble des modalités de travail : les contenus, le rythme des rencontres. L'intérêt de cette plateforme, c'est qu'elle a une couleur arc-en-ciel : de nombreuses disciplines sont présentes, et les étudiants peuvent solliciter tous les niveauxLa plateforme fonctionne sans intermédiaire : la mise en contact se fait directement de l'étudiant à l'enseignant. Une « hotline » est disponible pour toutes les questions susceptibles d'émerger.

MD : Les Tardigrades sont là pour les aider sur le plan pédagogique mais aussi psychologique, car avant d’être là pour expliquer un cours, ils sont à leur écoute. C’est l’opportunité pour un étudiant de choisir parmi des « pointures » du monde académique et professionnel pour discuter et poser des questions et retrouver une convivialité perdue.

FB : La vie d’un étudiant est faite de rencontres, d’échanges en plus de son travail. Cette période bouleversée par la crise de la covid a fait apparaître l’immense solitude et le désarroi dans lesquels se trouvent beaucoup de ces étudiants. Même si les universités font des efforts notables, il nous est apparu important de leur apporter une aide individualisée à la fois dans leur travail en termes de savoirs mais aussi dans leur vie de tous les jours par exemple concernant l’organisation de ce travail. C’est pourquoi en plus de cours et d’aide en distanciel, nous avons parmi nos membres des coaches en organisation mais aussi des psychologues. Nous sommes là pour les aider à travailler mais aussi pour les écouter, leur parler, créer ce que l’on appelle du lien social.

FS : Avec mon étudiante mexicaine, nous avons des entretiens « zoom »d’environ une heure dont la fréquence s’organise selon ses besoins. Nous avons travaillé la méthodologie de recherche en sciences sociales (problématique, hypothèses, guide d’entretien et d’observation) pour préparer le recueil de données sur le terrain pendant son stage pratique. Nous abordons maintenant le traitement et l’analyse de contenu des données. À mesure que s’éclaircit pour elle son projet de recherche, elle reprend confiance et commence même à prendre plaisir dans l’avancée des travaux ! Les rendez-vous réguliers l’aident à structurer son temps.

■ Quel avenir pour votre groupe après la covid ?

FS : J’ai la conviction que ces besoins existent bien au-delà de la crise de la pandémie, les étudiants souvent manquent d’accompagnement personnalisé quand ils traversent des crises de démotivation et de décrochage et même sans crise. En outre, il s’agira pour nous, la covid passée, de nous mettre à l’écoute de leurs besoins nouveaux et de nous y adapter.

AMG : La réflexion et l'action pourraient se prolonger sur la question des relations intergénérationnelles. Comment aujourd'hui, alors que les familles s’éparpillent et les maisons se vident, que le monde s’accélère, comment les aînés peuvent-ils transmettre leurs savoirs, partager leurs expériences ? Deux mondes finalement pas si loin l'un de l'autre, deux mondes où se nouent de nouveaux repères … Les jeunes générations, elles, nous réapprennent la joie de vivre, la spontanéité et la créativité. Les jeunes cherchent à s'affirmer, comme nous le faisions à leur âge ! Ils sont nos adultes de demain ; certains seront nos cadres, nos médecins, nos gouvernants ! Il faut que nous leur transmettions notre savoir, nos richesses, nos valeurs !

IS : En fait, presque spontanément, l’idée s’est fait jour parmi nous que le mouvement des profs solidaires aurait une vie après le covid. Le nombre d’étudiants en France a doublé depuis 1980, et la population étudiante a profondément changé depuis les étudiants en cravate de mai 1968. Le taux d’encadrement des étudiants diminue, alors que le besoin d’encadrement augmente. De plus, nos sociétés se distendent et se refroidissent, les relations intergénérationnelles sont une composante essentielle du lien social. Notre mouvement en fait partie, cela concerne non seulement les étudiants, mais la société toute entière. C’est un impératif à la fois économique et sociétal. C’est pourquoi nous créons aujourd’hui le tag « boomer4zoomer », qui va faire vivre le blog de notre plateforme.

MD : L’avenir des Tardigrades, je le vois, comme une formidable expérience, un moyen ingénieux au service des étudiants qui auraient envie de puiser des ressources dans un puits de science et de bienveillance !

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

FB : Mon ou plutôt mes meilleurs souvenirs d’étudiant sont justement des souvenirs d’échanges et de rencontres. Lors de mes études à Lyon, tous les jeudis soir, il y avait des soirées étudiantes ce qui nous permettait de décompresser mais aussi de créer des liens d’amitié forts. Liens que j’ai toujours 30 ans après la fin de mes études universitaires.

MD : C’était à Clermond-Ferrand, en DESS au Cerdi, il y avait une très bonne entente entre les étudiants, et au-delà des cours il y avait des sorties prévues dans des organismes internationaux (ONU à Genève, FAO à Rome) et ces sorties étaient l’occasion de moments de convivialité extraordinaires. Ils permettaient de voir les profs dans un autre contexte.

AMG : Le cours de négociation (en DESS/Sciences Eco) : quand le prof nous faisait faire des jeux de rôle, des mises en situation ! Moi j'étais à la fac en formation professionnelle et les jeunes étudiants de formation initiale avaient très souvent du mal à gérer les conflits de manière constructive, à réaliser les compromis nécessaires, et les chemins pour y parvenir !!

IS : Lors de mon stage de maitrise trilingue en 1979, j’ai eu la chance de découvrir un pays communiste « en vrai », l’Allemagne de l’Est, où la vie n’était pas si rose que les dirigeants le prétendaient. S’en suivirent des recherches sur l’économie communiste, la réunification allemande, la transition post-communiste, le développement économique et finalement les systèmes économiques et sociaux avec la recherche sur une alternative au capitalisme et au communisme, la réciprocité.

FS : Lors de ma préparation du DUFA pour devenir formatrice d’adulte, la dynamique de notre petit groupe qui allait de découvertes en découvertes (théoriques, pratiques, mais aussi connaissance de nous-mêmes), avec l’enthousiasme d’apprendre, de partager, de créer collectivement, d’expérimenter. J’avais l’impression d’un mode qui s’ouvrait à moi.

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

FB : Il est très difficile pour moi d’en citer un seul. Je suis de la génération années 1980 et je dois avouer que 3 personnages de fiction m’ont énormément marqué. Marty Mc Fly de la trilogie « Retour vers le futur » avec sa chance de pouvoir voyager dans le temps ; Han Solo de Starwars mais aussi Indiana Jones, le prof aventurier.

MD : Mon héros de fiction est Thomas Shelby de la série « Peaky Blinders » et mon héroïne est Eleanor de la série « The good place ». Pourquoi ? Parce qu’ils sont intelligents, persévérants et obstinés. Et ce ne sont pas des gentils niais, au contraire.

Dans la littérature, mon héros est Petchorine, personnage principal du Héros de notre temps de Lermontov. Il est romantique et désabusé. Mon héroïne dans la littérature est Joséphine, le personnage de Katerine Pancol dans les Yeux jaunes des crocodiles car c’est un anti-héros mais c’est elle qui gagne quand même.

AMG : Jiminy Cricket ! D'abord parce qu'il a un superbe costume !... et qu'il est cette petite voix tranquille que personne ne veut entendre ! … qu'il a beaucoup de sagesse mais aussi beaucoup de gaité !

IS : Le Vagabond des Limbes est une série de BD (1975-1988), où Axle Munshine, haut fonctionnaire diplomate du principal empire galactique, brise les portes de l'interdit en décidant d'enregistrer ses rêves. Proscrit de l'Univers, il tombe amoureux de Chimeer, rencontrée dans ses songes, et part à sa recherche à bord du Dauphin d'argent, invincible vaisseau. Il est accompagné de Muskie, compagnon facétieux qui se révélera être femme et amoureuse de lui. Et si c’était elle, Chimeer ?

FS : Shererazade

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

FB : Le droit de s’exprimer librement

MD : Article 19 de la DUDH : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ». 

AMG : Le droit à la vie ! Sans lequel tous les autres sont caducs ! Droit à la vie qui implique de la part de tous et de chacun : respect, tolérance, justice, loyauté, estime, fraternité et égalité !

IS : L’égalité comprise comme la lutte contre les discriminations femmes/hommes, d’origines, d’âges et toutes les autres.

FS : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

 

Auteur :Marina Brillé-Champaux


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