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Sur le contentieux constitutionnel
Le développement de la justice constitutionnelle est un fait et nos éditions sont très fières de la parution, ce 19 juin 2025, d’un nouveau manuel de Contentieux constitutionnel qui y est dédié. Ses auteurs, Aurélien Baudu, professeur à l’Université de Lille, et Pierre de Montalivet, professeur à l’Université Paris Est Créteil, nous éclairent sur les acteurs, les modalités et les enjeux du contrôle de constitutionnalité.
Quels sont les fondements du contentieux constitutionnel ?
Du point de vue scientifique, le contentieux constitutionnel, qui constitue en quelques mots le droit de la justice constitutionnelle, s’est développé grâce aux travaux précurseurs de plusieurs juristes : on pense à Louis Favoreu, au Doyen Vedel, qui a siégé au Conseil constitutionnel durant les années 1980, ou, dans une moindre mesure, à d’autres juristes qui lui ont succédé rue de Montpensier, comme Jacques Robert, disparu tout dernièrement et pour qui nous avons une pensée émue. Du point de vue juridique, le contentieux constitutionnel trouve bien évidemment sa source principale dans la Constitution, telle qu’interprétée constructivement par le Conseil constitutionnel. C’est donc un droit textuel mais aussi fortement jurisprudentiel.
Quelles en sont les principaux acteurs ?
Le Conseil constitutionnel est, en France, l’acteur majeur du contentieux constitutionnel, dans la mesure où c’est à lui qu’il revient finalement de trancher les questions de conformité des normes à la Constitution. Mais l’une des évolutions les plus marquantes de ces dernières dizaines d’années est le développement du contentieux constitutionnel devant les juges administratif et judiciaire, qui sont devenus des « juges constitutionnels », en ce qu’ils sont amenés à déclarer la constitutionnalité des dispositions législatives soumises à leur examen.
Quelles en sont les fondements procéduraux ?
Si le contrôle a priori des lois, institué dès le début de la Ve République, a bien évidemment contribué au développement du contentieux constitutionnel, notamment en matière financière, c’est bien la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), entrée en vigueur en 2010, qui lui a donné un « coup de fouet ». Désormais, et encore plus qu’auparavant, ce contentieux n’est plus réservé aux seuls juristes publicistes mais doit être maîtrisé par la plupart des avocats et des magistrats, et plus largement des juristes, quelle que soit leur spécialité.
Quels sont les enjeux concrets du contentieux constitutionnel ?
Au-delà des enjeux plus abstraits que sont l’effectivité du contrôle de constitutionnalité des lois, la protection de l’État de droit et notamment celle des libertés fondamentales, le contentieux constitutionnel se joue concrètement dans le nombre d’affaires transmises au Conseil constitutionnel — qui fluctue plutôt à la baisse ces dernières années —, leurs délais de jugement — qui, toujours ou presque respectés, témoignent d’une justice particulièrement rapide —, le caractère politique de la composition du Conseil — encore plus marqué récemment, malgré l’introduction de la QPC — ou encore la garantie des exigences du procès équitable en matière constitutionnelle — qui, renforcée, est néanmoins toujours perfectible.
Quelles en sont les perspectives d’évolution ?
L’évolution du contentieux constitutionnel sera probablement marquée, tôt ou tard, par la transformation du Conseil constitutionnel. Les réformes souhaitées par nombre d’universitaires et d’acteurs institutionnels seront, un jour ou l’autre, menées en tout ou partie, qu’il s’agisse de la suppression des membres de droit (les anciens présidents de la République) même si cela peut faire débat dernièrement, le renforcement de la compétence juridique des membres, le renforcement du contrôle parlementaire sur les nominations ou l’enrichissement de la motivation des décisions. Autant d’éléments de réflexion qui conforteront la juridiction constitutionnelle, nous en formulons le vœu, et contribueront encore au développement de cette belle discipline juridique.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
P. de M. : Je conserve un excellent souvenir de mes premières années de thèse, qui ont constitué un moment de grande liberté et d’épanouissement dans mon parcours personnel et professionnel. À l’autre bout de mes études, en première année de licence, mon chargé de travaux dirigés de droit constitutionnel, Yves-René Guillou, avait invité le Doyen Vedel à venir nous présenter le rapport du comité qu’il avait présidé sur la révision de la Constitution. C’était un privilège exceptionnel. En lui posant une question et en écoutant ses différentes réponses, j’ai pu mesurer l’intelligence, la culture littéraire et la bienveillance du Doyen Vedel, que j’ai toujours plaisir à citer aujourd’hui.
A. B. : Toulousain d’origine, je garde un souvenir ému de mes premiers enseignements juridiques auxquels j’ai assisté au sein de l’amphi Cujas, à écouter mes enseignants qui arboraient la robe universitaire, tout en me passionnant à comprendre ceux qui me parlaient de droit public. Je ne peux oublier mes nombreux passages devant le buste de Maurice Hauriou, qui trône au milieu des jardins des anciennes facultés toulousaines, pour me rendre à la Bibliothèque Garrigou, où régnait une ambiance studieuse et agréable au milieu des vieux ouvrages reliés de cuir et des parquets cirés anciens. C’était un environnement propice à la préparation de mes séances de travaux dirigés en droit constitutionnel !
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
P. de M. : Il est difficile de donner un exemple en particulier (je crains même de ne pas avoir d’héroïne ou d’héros préféré), mais, dans le domaine du droit, je pourrais citer Antigone, qui, en refusant d’obéir à une loi injuste, invite à poser un regard critique sur le droit. Dans un registre moins sérieux et peu juridique, le personnage de James Bond, qui allie le style à de multiples compétences, est inspirant, d’autant que ses multiples talents sont tournés vers la lutte contre les menaces qui pèsent sur l’humanité.
A. B. : En tant qu’ancien bretteur, je ne peux m’empêcher de vous répondre Cyrano de Bergerac, ce chef-d’œuvre d’Edmond Rostand ! Plus jeune, Cyrano m’a ému, alors je l’ai lu et relu, vu et revu. C’est un héros romantique que j’affectionne particulièrement ! Grotesque par sa disgrâce physique, je trouve qu’il allie le courage physique à la timidité et qu’il alterne l’énergie et la mélancolie.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
P. de M. : Je répondrais en utilisant le pluriel : la liberté de communication, la liberté d’opinion et la liberté de conscience, trois libertés qui vont ensemble. À l’heure où le droit a tendance à s’immiscer de façon grandissante dans la sphère privée de l’individu, la conscience est le for intérieur qui demeure le domaine ultime de notre liberté.
A. B. : Le droit de constater la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ; et le droit de demander compte à tout agent public de son administration. C’est le fondement de toute démocratie…
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