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Sur Les Surligneurs
C’est beau, c’est bon, c’est juridique ! C’est Les Surligneurs. Pour nous parler de ce site unique, ses fondateurs, Vincent Couronne, enseignant-chercheur à l’Université Versailles Saint Quentin en Yvelines et Joachim Savin, designer, ont bien voulu répondre à nos questions.
De quel constat est né Les Surligneurs ?
Joachim : Pour moi, Les Surligneurs sont nés d'un écart dans la connaissance du droit.
Concrètement, un matin, Vincent était excédé des déclarations, plus qu'approximatives, du Premier ministre de l'époque. En tant que chercheur en droit européen, Vincent pouvait avoir une réflexion critique sur les propos tenus par M. Valls, alors qu'étant inculte en la matière, je les prenais pour des faits.
Grâce aux explications de Vincent j'ai réalisé qu'en plus des quelques erreurs ou approximations juridiques, le droit pouvait servir d'argument d'autorité auprès du grand public. Car peu de personnes ont réellement les moyens de s'informer et de comprendre ce « charabia » sans que quelqu'un soit prêt à le leur expliquer.
Nous avons donc tenté de remédier à ce problème.
Vincent : Je rajouterais que le contexte a aussi beaucoup joué : l’idée nous vient à l’été 2016. À ce moment-là, les Britanniques viennent de voter en faveur du Brexit après une campagne aux arguments curieux pour des spécialistes des questions européennes. Donald Trump s’était imposé contre toute attente comme le candidat des Républicains aux États-Unis, et la presse américaine, pourtant rompue à l’exercice de la vérification de faits (fact-checking) s’est trouvée totalement impuissante face aux évènements. En réalité l’information aujourd’hui circule en silo, via les réseaux sociaux. On lit toujours le New York Times, mais on accède désormais à ses articles depuis Facebook, dont l’algorithme sélectionne soigneusement ceux qui correspondent à vos idées politiques. Ce n’est pas l’information qui a changé, c’est sa distribution. Il fallait trouver un moyen de passer à travers les murs de ces silos, pour nous adresser aux sceptiques, aux opposants quels qu’ils soient.
Comment rester objectif en faisant du legal checking sur des propos tenus par des hommes et femmes politiques ?
Joachim : Je ne crois pas à l'objectivité en tant que fin tangible. Pour moi il s'agit plutôt d'un idéal inatteignable et je doute sincèrement de ceux qui utilisent ce mot pour qualifier leur démarche.
Nous avons forcément une perception bornée de « la » réalité, ne serait-ce que par les limites imposées par notre corps. Par conséquent je pense que le meilleur moyen de se prémunir contre notre partialité inhérente est de multiplier les points de vues, ce pourquoi nous travaillons avec autant de juristes aux Surligneurs, et de tenter, par une réflexion critique, d'opérer ce même déplacement en nous-même. En somme de se mettre à la place de l'autre.
Vincent : L’objectivité dans la prise de position n’existe pas. On ne demande pas d’ailleurs à un juge d’être objectif, mais impartial. Pourtant, n’est-il pas « la bouche de la loi » ? Nous ne sommes pas différents dans notre approche du droit, et comme un juge ou un universitaire nous tentons de nous approcher le plus possible de l’objectivité. Outre les processus de rédaction et de relecture, nous nous en assurons en nous fondant toujours sur le droit en renvoyant à ses sources. La subjectivité ici se niche dans le fait que nous partons d’un postulat : le droit est un énoncé issu d’autorités investies de ce pouvoir. La loi est votée par le Parlement, les directives de l’Union priment sur le droit interne, la Convention européenne des droits de l’homme a été ratifiée par la France…
Nous tentons de nous approcher de l’objectivité aussi en visant un équilibre entre les formations politiques que nous « surlignons ».
Comment rendre digeste de l’information juridique grâce au design?
Joachim : C'était un travail très intéressant où nous devions à la fois ménager la rigoureuse précision juridique et le besoin de compréhension d'un public pas forcément averti en la matière.
Le point essentiel a été de comprendre la façon dont cette information était structurée. Vincent m'a expliqué l’importance et les différents « plans » du discours juridique, que nous avons ensuite adapté à un format plus court et didactique.
Nous avons tiré parti de l'usage des hyperliens pour externaliser certaines parties de la démonstration et référencer le propos sans rendre les articles trop longs.
D'un point de vue plus graphique, nous avons utilisé la référence aux surligneurs (les stylos) pour mettre en valeur ces liens et les informations essentielles (la personnalité, l'erreur ou l'approximation et la conclusion) afin que tout soit compréhensible en un coup d’œil.
Vincent : Joachim a suffisamment répondu ! Je rajouterais que le design — auquel je ne suis familier que grâce à Joachim — permet de rendre accessible au plus grand nombre un raisonnement complexe. Et le droit est bien complexe…
Faut-il craindre la compatibilité de l’Université avec le Grand public ?
Joachim : Cette question en elle-même montre qu'il y a un problème.
Je n'ai jamais été à l'université, ce pourquoi j'en avais peut-être la vision idéalisée d'un lieu d'accession au savoir et de diffusion de la connaissance. S'il est vrai qu'il y a beaucoup d'intelligence et d'excellence en ce lieu, j'ai remarqué aussi une certaine rigidité qui lui est dommageable. Il est dans l'intérêt de l'Université de sortir de son éco-système pour s'incarner dans des projets contemporains. Autrement l'exigence intellectuelle, qui est une de ses qualités, risque de ressembler à du snobisme.
Vincent : Cette question n’aurait sans doute pas été posée si nous étions des biologistes, des astrophysiciens ou des historiens. Dans ces disciplines, pour ne parler que d’elles, la vulgarisation est une habitude ancienne. En droit, les universitaires ne doivent pas plus craindre le grand public qu’en biologie, en astrophysique ou en histoire. La discipline juridique souffre beaucoup de ce qu’elle ne soit pas enseignée dans le secondaire. Nous sommes en quelque sorte coupés de ceux à qui s’appliquent les normes sur lesquelles nous travaillons. Les avocats et les magistrats n’ont pas cette crainte du grand public.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?
Joachim : Le concours d'entrée à l’École Nationale Supérieure de Création Industrielle (ou ENSCI-Les Ateliers) est un très bon souvenir. C'est un concours très particulier basé sur la psychologie, la créativité et le travail d'équipe. Dans le milieu du design il est connu pour certaines de ces épreuves dont l'analyse d'un objet tiré au hasard et la reproduction d'une structure en Lego en relais. L'ambiance y est très chaleureuse et plutôt éloignée d'une compétition de premier de la classe.
Vincent : Le meilleur ! Mon cours de droit européen en troisième année de Licence à Paris 1, dispensé par le professeur Laurence Burgorgue-Larsen. Les étudiants se bousculaient pour assister à son cours dans un amphithéâtre trop étroit. Elle a révélé ma vocation pour l’enseignement et la recherche ! J’ai ensuite fait de mon mieux pour intégrer le master qu’elle dirigeait et rédiger une thèse sous sa direction. Aujourd’hui, elle est membre du comité scientifique des Surligneurs. Quand je repense à cette année de Licence, je n’aurais jamais pu imaginer un tel cheminement à ses côtés.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Joachim : Korben Dallas, dans le Cinquième élément de Luc Besson. J'ai dû voir ce film trois fois au cinéma et une dizaine de fois depuis.
Vincent : Steve dans Mommy, de Xavier Dolan. Un personnage enfermé dans sa difficulté à s’exprimer.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Joachim : C'est la première fois que l'on me pose cette question ! C'est difficile à dire, mais l’article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (« Tous les hommes naissent libres et égaux en droit ») me fait toujours un frisson quand je l'entends ou le lis. J'ai l'impression qu'il est le garant d'une évolution, qu'il nous protège de nous-même. Le fait de l'avoir appris de bonne heure à l'école n'y est sans doute pas étranger.
Vincent : La résistance à l’oppression (art. 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen de 1789).
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