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[ 23 juin 2011 ] Imprimer

Syndic de copropriété

S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat… Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.

Ce mois-ci, la rédaction de Dalloz Actu Étudiant a enquêté auprès d'un administrateur de biens afin de cerner le rôle et les enjeux de ces structures impliquées dans la vie des immeubles. Qu'est-ce qu'un syndic de copropriété ? Comment fonctionne-t-il ? L'espace d'une journée, nous avons suivi François-Emmanuel Borrel, administrateur de biens et directeur général du cabinet André Griffaton SA.

Comment votre choix de carrière s’est-il opéré et quelle est votre expérience de ce métier ?

Avant de passer mon diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) de droit de l’urbanisme et de la construction, j’ai réalisé le stage professionnel d’huissier de justice. Puis j’ai commencé à travailler dans le cabinet d’administrateur de biens de mon père à raison de trente heures par semaine, en parallèle de mon DESS. Ce troisième cycle permet d’être embauché quasi immédiatement dans les métiers de l’immobilier. De mon côté, j’ai eu l’opportunité d’acheter le cabinet Sommaire & Legendre en endettement pur. Quand j’ai commencé, je n’avais qu’une comptable. J’ai engagé immédiatement un gestionnaire et un archiviste. Nous travaillions tous dans la même pièce, il y avait une sorte d’osmose, cela fonctionnait bien. J’avais vingt-sept ans, je travaillais à temps plein, samedi et dimanche compris et je ne finissais jamais avant 20 h 45 sauf les jours d’assemblée générale où cela pouvait durer bien plus. Puis, pendant neuf ans, j’ai connu la solitude du chef d’entreprise qui doit assumer les responsabilités de son travail et l’avenir de la société. Depuis une année, je travaille chez mon père dont je suis devenu le bras droit. Nos deux sociétés ont fusionné le 15 décembre 2010.

Quelles sont les particularités de votre profession ?

Le métier de syndic de copropriété est un métier de service qui nécessite une forte polyvalence et un sens aigu de la diplomatie. Nous gérons les intérêts d’un immeuble qui appartient à plusieurs propriétaires. Nous défendons les statuts de l’immeuble et la voix majoritaire, parfois même à l’encontre de certains propriétaires qui n’en demeurent pas moins des clients. Nous sommes dépositaires des fonds appelés aux copropriétaires, argent qui nous sert à régler les dépenses de l’immeuble. Il s’agit de payer l’eau, l’électricité, les entreprises qui interviennent dans l’immeuble au titre de l’ascenseur, du chauffage, nous assumons les responsabilités de la copropriété à l’égard de ses fournisseurs, de ses salariés, les gardiens et gardiennes. Nous intervenons tour à tour comme une banque, un agent de recouvrement, un technicien averti sur une multitude de métiers tels que la plomberie, l’électricité ou même la télévision. Nous avons une obligation de conseil, en particulier juridique sur de nombreux aspects de droit : assurance, propriété, consommation, obligations, succession, construction, etc. Aussi et surtout nous devons concilier des intérêts divergents et faire preuve d’une pédagogie à toute épreuve entre propriétaires occupants/non occupants, commerces/habitation, anciens/nouveaux acquéreurs afin que chacun trouve sa place dans le respect de son voisin. De ce point de vue, la prépondérance de l’immobilier dans la vie des ménages exacerbe les tensions. Nous demandons beaucoup à nos collaborateurs qui sont très exposés à des récriminations de toute sorte, souvent très étrangères à notre vrai métier. Il me semble que près du tiers de notre temps est consacré à des problèmes qui ne nous concernent pas, essentiellement des litiges de voisinage, des relations entre un propriétaire et son locataire, de problèmes essentiellement d’individus où le déraisonnable est épuisant. L’individu est au cœur de notre métier. Nous gérons différemment un immeuble de l’autre selon les personnes qui l’occupent. C’est une gestion à la carte, pour notre part d’un peu plus de trois cent cinquante immeubles, soit près de trente mille personnes, l’équivalent d’une moyenne commune dont nous gérons le quotidien pour ne pas dire l’intimité.

Quelles sont les contraintes liées à votre profession ?

La fonction est difficile, les personnes sont habituées à une immédiateté de communication qui ne correspond pas à nos capacités d’exécution. Nous ne sommes parfois pas habilités à leur donner un accord qui leur est urgent, les entreprises ne se déplacent pas sur le champ ou ont besoin d’accès qui dépend de nombreux facteurs. De surcroît notre image est déplorable alors que nous sommes dévoués à nos clients. La Direction générale de la concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes (DGCCRF) a reconnu que les contrats de syndics étaient pour 95 % d’entre eux conformes à leurs prescriptions. Cela n’a pas empêché les pouvoirs publics de cautionner l’idée que nous ne nous y conformerions pas sans contrainte réglementaire. L’idée même de faire un ordre composé majoritairement de personnes étrangères à notre métier est particulièrement humiliante. De toute façon, si nos honoraires n’évoluent pas, notre métier sera exercé à distance par des entités qui ne seront probablement plus nationales. Malheureusement beaucoup de métiers connaissent ce sort.

Un avant-projet actuellement en cours de loi de discussion au niveau interministériel pourrait prévoir l’obligation de comptes séparés pour tous les syndicats de copropriétaires. Que pensez-vous de cette mesure ?

Intellectuellement et même en pratique, cette mesure se comprend tout à fait. Ce que nous lui reprochons ce sont ses conséquences indirectes pour nos cabinets et donc nos clients. Il y a peu encore, les produits financiers, qui sont les intérêts de l’argent en dépôt sur un compte global, représentaient la moitié des bénéfices de notre métier. Supprimer cet apport bouleverse nécessairement l’économie de notre profession. Notre activité de syndic n’est pas équilibrée en l’état actuel des honoraires. Comme de nombreux confrères, nous développons nos métiers de gérance et de transaction pour rattraper ce déficit. Les principaux syndics français, détenus par des établissements financiers, sont certainement moins affectés par cette mesure. En effet, les fonds demeurent entre leurs mains et ils en tirent une certaine rémunération. Mais le vrai problème, plus inquiétant, c’est que les banques quittent notre secteur. Que deviendront les fonds déposés par nos clients, vers quel pays se dirigeront-ils, qui exercera notre métier ? Il faut que les pouvoirs publics se saisissent en toute objectivité et dans un cadre dépassionné du problème de la rémunération des syndics.

 

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d'étudiant ? Ou le pire ?

J'ai un mauvais souvenir de tous les groupes fascistes à Assas et de certains épisodes violents comme la dissolution du Gud (ndlr : Groupe union défense, organisation étudiante d'extrême droite créée en 1968 à la faculté de droit d'Assas par d'anciens militants d'Occident). Les membres du Gud, qui n'étaient pas des étudiants de notre faculté, se battaient contre les CRS. Je me souviens qu'ils ont jeté un Minitel sur un car de policiers et une photocopieuse par la fenêtre du 5e étage.

Quant à mon meilleur souvenir, c'est bien sûr ma voisine de cours.

Quel est votre héros de fiction préféré ? Pourquoi ?

Je dirais Thomas Crown incarné par Steve MacQueen. J'aime bien cette image un peu désuète et très élégante de l'homme efficace, assez décomplexé sans être pour autant vulgaire.

Quel est votre droit de l'homme préféré ? Pourquoi ?

La liberté de penser car c'est ce qui permet d'accomplir toutes les autres libertés.

 

Carte d'identité du syndic de copropriété

Le syndic de copropriété peut être non-professionnel et dans ce cas, il est choisi parmi les copropriétaires ou leur conjoint. Celui qui exerce cette fonction à titre professionnel doit posséder une carte professionnelle délivrée par la préfecture pour une durée de dix ans. Par ailleurs, un administrateur de biens exerce en tant que syndic professionnel et gérant, c'est-à-dire qu'il gère les patrimoines immobiliers de syndicats de copropriétés et de particuliers. D'un côté, il organise la vie de la copropriété, se charge de son entretien et de sa gestion financière, de l'autre il accomplit pour le compte d'un propriétaire toutes les démarches liées à la gestion locative du ou des immeubles confiés.

■ Les chiffres

– 12 200 professionnels étaient titulaires de la carte professionnelle de syndic de copropriétés en 2008.

– 8 millions de logements sont en copropriété en France, soit 500 000 copropriétés dans lesquelles vivent 20 millions de Français.

– 90 % de ces logements sont assurés par des syndics de copropriétés professionnels.

– 60 % des cabinets de syndics sont indépendants, les 40 % restant appartiennent à un groupe ou à un réseau.

– Le 1er administrateur de biens français est le groupe Foncia, détenu à 61 % par la Banque populaire. Fin 2007, elle gérait 950 000 lots en copropriété, ce qui représentait 32 % de son chiffre d'affaire.

– Le second groupe français, également le plus important en Île-de-France, est Lamy, une filiale du pôle immobilier Nexity-Groupe Caisse d'Épargne. Fin 2007, il gérait un parc de 720 000 lots sur tout le pays.

– parmi les 10 meilleurs syndics en France, quelques groupes familiaux s'imposent comme Loiselet & Daigremont ou Tagerim, avec 100 000 lots chacun.

■ La formation et les conditions d'accès

Plusieurs voies permettent d'accéder à la profession d'administrateur de biens et donc de syndic de copropriété :

– une licence professionnelle (Aix-Marseille 3, Lille 2, Évry, Brest, Grenoble…) ;

– un BTS profession immobilière ;

– un diplôme d'études universitaires scientifiques et techniques (DEUST) spécialité administrateur de biens, droit immobilier, professions immobilières ;

– un master professionnel :

– certains diplômes d'IUP ;

– une capacité en droit et un an de pratique ;

– un BP des professions immobilières et deux ans de pratique.

■ Les domaines d'intervention

Le syndic est amené à intervenir dans des secteurs variés : droit de la construction et de l'urbanisme, droit immobilier, droit des assurances, droit bancaire, droit social (pour la prise en charge des gardiens/gardiennes d'immeubles, voire de sa propre société), droit des successions (il traite régulièrement avec les notaires), droit civil (litige au sein de la copropriété), etc.

■ Le salaire

Les gestionnaires syndics de copropriétés touchent entre 2 500 et 4 000 euros nets par mois sur 13 mois. Leurs honoraires ne sont pas réglementés. Ils sont votés lors des assemblées générales des copropriétaires à la majorité simple. Ils peuvent être renégociés chaque année selon des clauses de révision incluses au contrat mais ce montant n'intègre pas la prise en compte des travaux exceptionnels qui sont comptabilisés à part.

■ Les qualités requises

Patience, pluridisciplinarité, sens du contact, réactivité, écoute, fiabilité vis-à-vis des clients, maîtrise de l'organisation, médiation, capacité d'animation des assemblées générales, objectivité.

■ Les règles professionnelles

Neutralité au sein de la copropriété, collaboration avec le conseil de gérance, devoir d'information à l'égard des copropriétaires, confidentialité, indépendance, éthique professionnelle et respect de la loi, non-discrimination à la location, transparence, etc.

■ Les sites

– Chambre professionnelle UNIS : www.unis-immo.fr

– Chambre professionnelle FNAIM : www.fnaim.fr

 

Auteur :A. C.


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