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Un chef de bureau au sein du Service central d’état civil de Nantes
S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.
Pour la rentrée, Dalloz Actu Étudiant s'est rendu dans un département décentralisé du ministère des Affaires étrangères : le Service central d’état civil (SCEC), situé à Nantes. À la différence de l'état civil tenu par les mairies de France, il est chargé de centraliser tous les actes établis pour des événements d’état civil survenus à l’étranger et concernant des ressortissants français de naissance ou par acquisition. Bernard Gendronneau, Le chef de bureau, a répondu à quelques questions.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours depuis vos études jusqu'à aujourd'hui ?
Après mon Bac en 1976, je suis entré au ministère des Affaires étrangères sur concours en tant qu'agent de catégorie C. Puis j'ai passé le concours de catégorie B et je suis devenu secrétaire de chancellerie en 1983. Après un premier stage d’immersion dans les services parisiens du Quai d’Orsay, j'ai débuté mon activité à Nantes, au sein du Service central d'état civil (SCEC). D'abord en tant qu'archiviste puis comme rédacteur de dossiers d'état civil de 1983 à 1990. Ensuite, je suis devenu correspondant de la cellule informatique de 1991 à 1995. Je suis parti les trois années suivantes comme consul adjoint chef de chancellerie à Rabat (Maroc) avant de revenir au SCEC comme chef de section du bureau « rédaction 2 » jusqu'en 2003. Après cela, j’ai été nommé adjoint du chef d’un bureau « d’exploitation état civil », avec notamment la charge d'encadrer une équipe de 75 agents. En 2010, j'ai été promu secrétaire des Affaires étrangères, grade de catégorie A, et j'occupe depuis les fonctions de chef d'un bureau de rédaction du SCEC qui concerne principalement l’état civil des personnes qui deviennent françaises par déclaration à la suite d’un mariage avec un ressortissant français.
Comment fonctionne votre service ?
Ce qu'on appelle le bureau « rédaction 1 » (il existe un bureau « rédaction 2 », ndlr) est composé de 52 agents et organisé en trois sections. Chacune a pour but d'établir des actes d'état civil français pour des personnes dont le lieu de naissance se situe à l'étranger et qui sont de nationalité française, soit d'origine d'après une loi de 1968, soit par acquisition à la suite d'un mariage avec un ressortissant français selon une loi de 1978. Chaque semaine, des dossiers d'acquisition par mariage nous sont transmis avec des données informatiques par notre partenaire de la Sous-direction de l'accès à la nationalité française (SDANF), lequel relève du ministère de l'Intérieur. Ce service est lui aussi situé dans la banlieue nantaise, à Rezé exactement.
Le bureau « R1 » a également la charge de transcrire des décisions judiciaires concernant des adoptions, des jugements déclaratifs ou supplétifs de naissance rendus par des juridictions françaises ainsi que les décès survenus dans le cadre d'opérations militaires.
De mon côté j'assiste aux réunions hebdomadaires du SCEC et je réunis régulièrement l'équipe d'encadrement pour suivre les activités. Je suis appuyé dans mes fonctions de chef de bureau par un adjoint, trois chefs de section, une secrétaire, une formatrice et un pôle logistique.
Quelles sont les contraintes de votre service ?
Comme dans tous les services du ministère des Affaires étrangères, il faut faire face chaque année à la difficulté du renouvellement des effectifs. En effet, ce sont en moyenne 20% des agents qui changent d'affectation tous les ans. En terme de formation, et donc de perte de rendement, il faut sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier pour gérer et former de nouvelles équipes. En revanche, c'est une chance d'accueillir de nouveaux collaborateurs qui arrivent avec un regard neuf et une expérience professionnelle souvent très riche du fait de la variété des activités exercées au sein de ce ministère et, en particulier, dans le réseau diplomatique et consulaire.
L’autre contrainte provient du fait que nous sommes chargés d’établir l’état civil des nouveaux Français, par conséquent, nous pouvons être soumis à des variations d’activité qu’il n’est pas toujours possible d’anticiper.
Le nombre des naturalisations de personnes étrangères a-t-il évolué ces dernières années ?
Il faut préciser en premier lieu que le terme naturalisation désigne un des deux principaux modes d’acquisition de la nationalité française. C'est une décision d'opportunité prise par décret du ministère de l'Intérieur. Elle est liée à des facteurs économiques, aux besoins en main-d’œuvre, mais aussi à la régularité du séjour en France (5 années au minimum), à l’intégration dans la communauté française et à la situation pénale du demandeur.
Le nombre des naturalisations par décret est donc lié à la politique migratoire du moment, selon les intérêts démographiques et politiques de la France. Toutefois, on ne relève pas de changement important sur les dix dernières années (environ 90 000 personnes par an, y compris les naissances en France) avec toutefois une baisse sensible en 2011 et 2012.
Dans les prochains mois, cela pourrait évoluer à la hausse car une nouvelle circulaire est parue (en vigueur depuis le 28 novembre 2012, ndlr), visant à assouplir l’examen de la situation professionnelle, un emploi précaire ne devrait plus engendrer systématiquement un rejet du dossier de demande de naturalisation.
Néanmoins, cet assouplissement de la procédure ne produira des effets à la hausse que très lentement, étant donné que, parallèlement, d’autres critères d’intégration et notamment la vérification de la connaissance de la langue française ont été, a contrario, renforcés, ce qui peut conduire à diminuer le nombre de dossiers présentés dans les préfectures.
Le mariage avec un Français est le second mode d’acquisition de la nationalité française. On compte environ 22 000 déclarations par an. La condition de durée de vie commune exigée avant la souscription de la déclaration a été augmentée au cours de ces dernières années, il faut en effet attendre quatre années à compter du jour de la célébration du mariage. Cette procédure a évolué au cours de l’histoire, en effet dans les années 1960 et suivantes, il était possible de devenir Français par mariage sans délai ni formalité particulière.
Questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur/pire souvenir d'étudiant ?
Difficile de répondre à cette question car j'ai été étudiant en même temps que salarié seulement trois ans. Cependant, il me revient à l'esprit une anecdote qu'un professeur de civilisation arabe nous avait racontée pour nous faire comprendre les différences entre les civilisations. Il nous a expliqué que, dans une école de Beyrouth, lors d'un cours donné à de jeunes élèves, afin de les sensibiliser au danger du maniement des armes, un coup de fusil est parti et un élève a été tué devant ses camarades. L'enseignant, un Européen, était effondré. Et quand il a rencontré la famille de la victime, c'est elle qui est venue le réconforter pour lui signifier que c'était écrit, que c'était le destin, « Mektoub » en arabe. Une « anecdote » qui vaut tous les longs discours.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Les aventures picaresques de Don Quichotte pour le côté décalé et farfelu du personnage. Sans doute aussi à cause de mes origines castillanes : ma mère était madrilène, réfugiée de la guerre civile espagnole.
J'aime aussi le personnage de Tintin, pour son côté héros malgré lui et surtout le grand reporter qui nous fait voyager, Indiana Jones pour le rythme des aventures et la quête intemporelle du Graal. Ou encore le personnage d'Audrey Tautou dans le film Le fabuleux destin d'Amélie Poulain. Pour l'atmosphère et la manière de filmer.
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
Le droit à la différence, qu'elle soit ethnique, religieuse, sociale ou sexuelle. Cela permet d'ouvrir le dialogue, de préférer la tolérance au rejet, à l'exclusion, au conflit.
Carte d'identité du SCEC
Historiquement, le SCEC a été créé juste après la fin de la guerre d'Algérie, par le décret du 1er juin 1965. L'idée était alors de centraliser tous les registres en provenance des États antérieurement placés sous la souveraineté ou l’autorité de la France. Aujourd'hui, 372 agents travaillent au sein du SCEC de Nantes qui est souvent considéré comme « la plus grande mairie de France ». Elle dépend donc du ministère des Affaires étrangères mais a pour partenaire le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur, certains agents ayant pour autorité de tutelle le parquet de Nantes.
▪ Les chiffres
– 35 000 actes d’état civil français sont établis par an au sein du bureau rédaction 1, dont 25 000 concernent des acquisitions de la nationalité française par mariage ;
– 43 000 actes sont établis au sein du bureau rédaction 2 pour les Français par décret de naturalisation ;
– 15 millions d'actes sont détenus et exploités par le SCEC ;
– 180 000 mentions sont apposées chaque année sur les actes d'actes civils (pour annoter un mariage, un divorce, un décès...) ;
– 1 800 000 copies et extraits d'actes d'état-civil sont délivrés par an aux usagers, soit 7 000 délivrances par jour ;
– 52 000 livrets de famille sont établis tous les ans ;
– il existe 150 services d'état-civil dans les administrations consulaires et diplomatiques ;
– le service juridique du SCEC a répondu en 2012 à 13 000 consultations de la part des postes consulaires sur des questions d’état civil.
▪ La formation et les conditions d'accès
Il faut passer les concours de la fonction publique correspondant au poste concerné : agent de catégorie A, B ou C. L'évolution en interne est également possible comme cela a été le cas pour M. Bernard Gendronneau. Au SCEC de Nantes, la moitié des agents a été recrutée sur place, l'autre moitié est issue des concours habituels.
▪ Les domaines d'intervention
Centraliser l’ensemble des événements d’état civil survenus à l’étranger concernant des ressortissants français, soit d’origine, soit après une acquisition de la nationalité française par naturalisation ou par déclaration.
Répondre à toutes les demandes d’actes d’état civil en provenance de France et de l’étranger
▪ Le salaire
Les grilles des agents de la fonction publique, catégorie A, B, C.
▪ Les qualités requises
Éthique, rigueur, obligation de réserve, sens du service public, probité, réactivité, autonomie, mobilité, discrétion, serviabilité, adaptabilité, courtoisie.
▪ Les règles professionnelles
Elles sont les mêmes pour tous les agents de l'État et ont été définies dans le cadre de la loi du 13 juillet 1983 relative au statut général des fonctionnaires. C'est notamment le cas du devoir d'obéissance, du devoir de réserve, du secret professionnel ou de l'obligation d'information du public. Des notions qui évoluent au fur et à mesure de l'évolution technologique et des cas d'espèce.
▪ Le site Internet
Ministère des Affaires étrangères : www.diplomatie.gouv.fr
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