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Un Collectif pour les étudiants isolés
Mais la crise sanitaire, c’est aussi des étudiants isolés et en grande situation de précarité. Catherine Fillon, professeur d’histoire du droit à l’Université de Lyon 3, organise une aide alimentaire pour ces étudiants lyonnais qui sont désormais complètement démunis. Elle nous parle de leurs situations et du collectif indispensable créé pour les aider.
Quelles sont les populations concernées par votre action ? Et pourquoi ?
Tout universitaire qui n’est pas atteint d’un déni de réalité sait qu’en temps ordinaire 20 % des étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Il était évident qu’avec l’arrêt brutal de l’activité économique, et donc la perte des jobs étudiants plus ou moins déclarés mais toujours vitaux, cette population étudiante économiquement fragile allait non seulement grossir, mais encore s’enfoncer dans de grandes difficultés. La première d’entre elles allait être la difficulté alimentaire, car la décision avait été prise de fermer les restaurants universitaires, sans prévoir un quelconque moyen alternatif de nourrir les étudiants qui en dépendent habituellement, et la fermeture hermétique des locaux universitaires interdisait l’accès aux épiceries solidaires, lesquelles n’ont donc servi à rien, au moment où elles étaient indispensables. Il était manifeste aussi que, compte tenu de la fermeture des frontières et de l’arrêt des moyens de transport internationaux, beaucoup d’étudiants étrangers seraient dans l’impossibilité de regagner leur pays. Ils s’apprêtaient à traverser cette période anxiogène dans une immense solitude. Car les étudiants étrangers ne rencontrent que fort peu les étudiants français et ne tissent pas avec eux des liens humains solides. En outre, ils sont encore moins à l’aise que leurs camarades français avec nos institutions universitaires compliquées, bureaucratiques, souvent impersonnelles : l’on pouvait parier qu’ils ne sauraient pas vers qui se tourner en cas de grande difficulté.
Comment le collectif s’est organisé ?
Le Collectif lyonnais s’est organisé à la fin du mois de mars, en reprenant une partie des méthodes et des outils créés par le Collectif Solidarité Alimentaire de Bordeaux qui, le premier, s’était constitué dès que le confinement avait été décidé. Il a tiré aussi la leçon de l’expérience de ce dernier, à savoir qu’il était vain de compter sérieusement sur des soutiens institutionnels et qu’il fallait se débrouiller en comptant sur la créativité des bénévoles et sur la solidarité des personnes privées. Comme il était impensable de créer une association dédiée dans un contexte de paralysie générale, c’est une association culturelle étudiante de Lyon 3 qui a accepté avec beaucoup d’enthousiasme de réorienter temporairement ses activités et de devenir la structure support de cette action de solidarité. D’autres associations étudiantes ont apporté leurs renforts humains. Grâce à la mise en commun des talents divers des étudiants — en informatique, en gestion, en cartographie… — le Collectif a pu très vite fonctionner de façon efficace, grâce, essentiellement, aux dons souvent très généreux des particuliers.
Quelles actions menez-vous pour remédier à cette situation de grande précarité ?
Primum vivere… Il était insupportable de laisser des étudiants — parfois mes propres étudiants – ne faire qu’un repas par jour ou manger un jour sur deux ! Nourrir cette population étudiante en grande précarité, en respectant les consignes sanitaires, a été le défi de la période du confinement. Concrètement, ce sont plus de mille livraisons de substantiels colis alimentaires qui ont été effectuées, remises en mains propres à leur destinataire soit à l’entrée de la résidence universitaire, soit à l’entrée du domicile. Le Collectif ayant reçu le renfort spontané de bénévoles qui sont psychologues ou psychothérapeutes professionnels, il a pu fournir aux étudiants qui le demandaient une écoute précieuse sept jours sur sept et un véritable suivi pour atténuer les angoisses engendrées par cette période. Le Collectif a aussi informé sans relâche les étudiants au sujet des dispositifs d’aide sociale auxquels ils pouvaient prétendre et ses bénévoles ont parfois aidé les étudiants en difficulté (panne d’ordinateur, panne de wifi) à constituer leur dossier administratif.
Qu’attendez-vous pour la suite ?
Malheureusement, pas grand-chose, mais je suis d’un naturel pessimiste qui ne demande qu’à être détrompé. Je redoute que le fameux « monde d’après » soit encore plus inégalitaire, parce que cette crise a déjà engendré une explosion de la précarité en général. Mais faisons un rêve… Celui que toutes les institutions dédiées à l’enseignement supérieur — du Ministère aux Universités, en passant par le CNOUS et les CROUS — fassent leur examen de conscience et reconnaissent à quel point les « solutions » qu’elles ont préconisées pendant cette crise sanitaire — quand elles en ont préconisé — étaient déconnectées de la réalité. Un seul exemple parmi bien d’autres : la création par le Ministère d’un numéro d’appel d’urgence pour les étudiants en détresse. La plupart des étudiants les plus fragiles n’avaient déjà plus de forfait téléphonique quand ce numéro a été créé… Le Collectif réfléchit, lui, aux suites à donner à son action : continuer les distributions alimentaires tant que ses moyens le lui permettront, mais surtout mieux accompagner à l’avenir les étudiants étrangers en mettant sur pied un système de parrainage, de sorte que chaque étudiant qui arrive à Lyon puisse avoir un référent adulte qui l’introduise dans la culture française, l’épaule dans ses démarches administratives et soit une bouée de sauvetage en cas de graves difficultés.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiante ?
Le jour où j’ai découvert l’histoire du droit et que j’ai compris que je pourrais concilier le choix raisonnable de faire du droit avec ma passion de toujours pour l’histoire.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
Dans les vies parallèles que je mène, une est consacrée depuis longtemps au théâtre. Mes héros de papier sont donc plutôt des personnages, entre lesquels il m’est difficile de faire un choix définitif. Ces temps-ci, je repense beaucoup à Aurélie, Folle de Chaillot, à sa poésie, à son refus des limites humaines et à sa folie salvatrice. Mon affection va aussi de façon constante au doux mais aussi au lucide, critique et engagé Monsieur Bergeret, l’universitaire récurrent de l’Histoire contemporaine d’Anatole France.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
La résistance à l’oppression.
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