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Un conte de Noël ?
C’est un conte qui clôture en 2022 cette rubrique d’interview de Dalloz actu étudiant : « La petite fille aux allumettes » d’Hans Christian Andersen. Où il est question d’enfance, de pauvreté et de maltraitance. C’est Emmanuel Putman, professeur à l’Université d’Aix-Marseille, auteur d’une belle contribution sur ce récit dans l’ouvrage collectif Il était une fois… L’analyse juridique des contes de fées, sous la direction de Marine Ranouil et de Nicolas Dissaux (2018, Dalloz), qui nous répond.
Pouvez-vous nous rappeler ce que raconte « La petite fille aux allumettes » ?
C’est un « conte de fées sans bonne fée ». Il a été inspiré à Hans Christian Andersen par un souvenir d’enfance de sa mère mais l’auteur en modifie le dénouement dans un sens tragique. Une nuit de 31 décembre à un coin de rue d’une ville en fête, une petite fille meurt de froid. Elle vendait des allumettes. Personne ne les lui a achetées, personne ne l’a aidée. Au matin, un passant constate qu’elle a gelé à mort comme si pour lui c’était une banalité, il passe son chemin. Nulle initiative privée, nulle intervention des pouvoirs publics n’ont pu empêcher la tragédie.
Quel rapport avec le « degré zéro du droit » de Jean Carbonnier ?
Une réflexion désabusée sur les défaillances systémiques du droit. Voilà ce qui se passe lorsque le droit est entièrement ineffectif, lorsqu’il répond à un scandale humain par un silence assourdissant. Dans Flexible droit, Jean Carbonnier lorsqu’il décrit le mouvement « vers le degré zéro du droit » est souvent moins pessimiste. Il semble, plutôt, partir de l’excès inverse : le « trop de droit » peut étouffer la respiration du corps social et nécessiter une « baisse de pression » des normes juridiques.
Quelle est la situation juridique au Danemark au milieu du XIXe siècle ?
Du vivant d’Andersen, le droit danois de la protection de l’enfance est pratiquement inexistant. Les enfants sous le seuil de pauvreté vendent dans les rues de menus objets pour échapper à la répression de la mendicité. Dès l’époque d’Andersen, certaines initiatives privées de type caritatif commençaient à être prises au Danemark. L’auteur n’y fait aucune allusion, ce qui laisse deviner que ces initiatives de la société civiles étaient embryonnaires et, en tout cas, très insuffisantes. On pourrait dire qu’Andersen est un visionnaire en son temps. Malheureusement, l’évolution du droit danois se produira alors que l’auteur ne pourra plus en être témoin.
Est-ce le droit qu’interpelle le conteur ?
Le droit, ou plutôt son absence, sont à l’arrière-plan du conte. Au premier chef, Andersen interpelle la conscience éthique du lecteur. Il dénonce l’indifférence face aux tragédies sociétales. Cette indifférence est aussi bien celle du corps social considéré dans son ensemble que celle des autorités législatives, judiciaires et policières encore peu sensibles à l’époque d’Andersen à ce que nous appelons aujourd’hui les droits humains. Il est juste d’ajouter que le cas du Danemark au milieu du XIXe siècle n’était pas vraiment isolé. D’autres pays avaient encore la même conception répressive de la mendicité infantile et juvénile.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
L’évocation de la figure d’Henri Motulsky par Christian Mouly en cours de procédure civile (troisième année de licence)
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
- Le juge Ti, personnage des romans de Robert Van Gulik.
- Bianca Castafiore (quand elle chante « L’air des bijoux »).
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Le droit au procès équitable.
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