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Vélos et trottinettes
Depuis quelque temps, vélos et trottinettes sillonnent nos villes de manière énergique. Dalloz Actu Étudiant s’interroge sur les droits et les obligations de leurs propriétaires. Justement Ludovic Duprey, premier vice-président adjoint au tribunal de grande instance de Lille, vient de faire paraître un Code du cycliste dans la collection « A savoir » chez Dalloz. Il a bien voulu nous répondre.
Quelles sont les différences principales entre la circulation automobile et la circulation à vélo ?
Il y a beaucoup de différences. Elles sont toutes déterminées par le fait que la circulation automobile représente un danger pour la circulation à vélo et non l'inverse. C'est aussi évident qu'essentiel et d'autant plus important à rappeler en ce moment qu'un courant « anti vélo » existe qui fait tout pour mettre l'accent sur les dangers du vélo alors que le vélo n'est pas lui-même dangereux mais que ce sont les automobilistes, au sens large, qui mettent le cycliste en danger. Il ne faut jamais perdre de vue que la route est ce lieu improbable où coexistent, dans des conditions par nature dangereuses, des objets et des personnes qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité les uns par rapport aux autres. En haut de l'échelle se trouve le poids-lourds et la voiture et presque tout en bas le cycliste. La différence est tellement importante que les pays qui ont le plus fort nombre de cyclistes ont un double réseau routier puisque les vélos ont le leur, à l'abri du principal danger. De cette différence découlent des obligations d'équipement et de prudence pour le cycliste mais surtout des responsabilités que les automobilistes et les autorités chargées d'organiser la circulation ont bien du mal à prendre. Aujourd'hui encore, il faut le regarder lucidement, quand on pense circulation on pense d'abord à la voiture qui demeure la règle, l'étalon à côté duquel tous les autres modes de circulation sont des exceptions, au point qu'ils sont appelés « alternatifs ». Je crois qu'il faut absolument changer ce paradigme et ne plus envisager les modes de circulation les uns au-dessus des autres mais les uns à côté des autres. Je milite à mon niveau pour le développement de la circulation à vélo et je ne comprends pas les blocages qui retardent ce changement alors que ce mode de déplacement est devenu aussi nécessaire pour le bien-être individuel que collectif, ce que tout le monde sait.
Parce que l'autre différence évidente, c'est que non seulement le vélo ne pollue pas, ni lors de sa fabrication ni lors de son utilisation, mais aussi que l'effort physique qu'il exige est une nécessité pour tous. Je conclurai enfin cette petite liste des différences par le fait qu'en ville, le vélo est très souvent le moyen le plus rapide d'aller d'un point à un autre même en étant prudent...
Quels sont les droits essentiels des cyclistes ?
On peut regrouper les droits du cycliste en trois grandes catégories. Le premier est celui d'être respecté par les autres usagers de la route et de bénéficier de règles de circulation spécifiques destinées à protéger le cycliste et à faciliter sa circulation. Même si beaucoup reste à faire on peut citer les grands progrès que constituent les règles particulières aux feux de croisement, les doubles-sens cyclables, l'autorisation de s'éloigner du bord droit de la chaussée pour s'écarter des véhicules en stationnement... Le deuxième droit est celui de bénéficier d'aménagements spécifiques de circulation (le code de l'environnement oblige à la création de voies cyclables lors de la rénovation de routes) et de stationnement. Là aussi, on débute, en droit comme en fait. Et enfin, la dernière catégorie regroupe les dispositions destinées à encourager le recours au vélo pour les trajets domicile-travail. Je précise à cet égard que l'indemnité kilométrique vélo n'est malheureusement pas un droit mais est laissée à l'appréciation de l'employeur.
Les règles pour les trottinettes sont –elles différentes de celles applicables aux cyclistes ?
Oui. Les trottinettes ne sont pas considérées comme des vélos et n'ont pas encore de statut juridique précis de telle sorte que chacun essaye pour l'instant, en fonction de ses intérêts, de procéder par des analogies peu satisfaisantes. La ministre des transports vient toutefois d'annoncer qu'un décret allait très prochainement réglementer l'usage de ce qu'on appelle les engins de déplacement personnel motorisés et les premières annonces tendent pourtant à rapprocher leurs règles de circulation de celles des vélos puisque leurs utilisateurs seront tenus d'utiliser les voies cyclables et officiellement interdits des trottoirs, sauf tenus à la main, comme les vélos. Je crois néanmoins que l'utilisation de ces modes de transport et du vélo correspondent à des attitudes, pour ne pas dire des philosophies, très différentes.
Le développement de ces modes de transports induit-il de nouvelles règles d’occupation du domaine public ?
La question est celle du partage harmonieux du domaine public. On voit bien, et c'est juste, que les stationnements anarchiques sur les trottoirs posent de vrais problèmes qu'il faut régler par des règles communes sanctionnées. Ce genre de difficultés peut avoir une réponse strictement juridique. En revanche, la répartition du domaine public routier ne peut se contenter de cette réponse et est éminemment politique. Les élus doivent répondre à la question de savoir quel mode de transport ils veulent privilégier. On sort tout juste du « tout voiture » et nous sommes encore très souvent dans le « les voitures d'abord » mais il faut garder l'espoir que les enjeux environnementaux auront raison de cette vision passéiste.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?
Difficile après tant d'années ! J'étais à Nanterre et si le pire souvenir qui me revient spontanément à l'esprit est la nourriture du R.U., le meilleur est celui des immenses amphis où un savoir était transmis dans une ambiance d'une très grande liberté. Plus les années passaient et plus on se rapprochait du professeur.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Le cow-boy joué par Clint Eastwood dans les films de Sergio Leone parce qu'il incarne la liberté et l'altruisme, l'individuel et le collectif à la fois.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
La liberté d'opinion, dans sa version de 1789, qui n'oublie pas la liberté des opinions religieuses mais « pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Ce droit comme sa limite sont un des fondements de notre société et je ressens parfois comme une urgence à le rappeler.
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