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[ 14 avril 2022 ] Imprimer

Vidéos juridiques

Quand les étudiants en droit s’intéressent à une autre matière que le Juridique et quand les étudiants en Cinéma s’intéressent à l’univers légal, cela donne un projet très motivant de réalisation de vidéos juridiques (v. la rubrique « LSV » pour un lien vers une vidéo à partir du 15 avril 2022). C’est Benjamin Fiorini, maître de conférences en droit privé à l’Université Paris 8 (Laboratoire CRJP8), à l’initiative de ce projet de recherches, qui répond à nos questions.

Comment les étudiants travaillent-ils ensemble ?

Les étudiants en droit et en cinéma impliqués dans le projet « Seine de crime » ont pour but de réaliser, sous ma direction scientifique, des vidéos d’actualité du droit pénal d’une durée de 15-20 minutes sur les thèmes qu’ils ont choisis, chaque vidéo étant associée à deux interviews de spécialistes du sujet. 

D’un point de vue pratique, le travail des étudiants se déroule en quatre étapes. 

Première étape : les étudiants en droit, par groupe de cinq, se documentent sur un thème d’actualité ciblé, puis construisent un scénario avec le souci d’être à la fois pédagogiques et force de proposition. 

Deuxième étape : le scenario est partagé avec cinq étudiants en cinéma qui imaginent une mise en scène idoine et proposent les éléments visuels pour enrichir la vidéo (textes, images, schémas, extraits de discours, etc.). Bien entendu, le scénario peut évoluer en fonction des propositions formulées par les étudiants en cinéma.

Troisième étape : le tournage est effectué dans des conditions professionnelles – et dans une très bonne ambiance ! –, avec le matériel mis à disposition par le Département Cinéma de l’Université Paris 8. 

Quatrième étape : les étudiants en cinéma procèdent au montage des vidéos qui, ensuite, sont diffusées sur la chaîne YouTube de l’Université Paris 8. Au cours du montage, les échanges se poursuivent, les étudiants en droit pouvant notamment proposer l’ajout d’éléments visuels auxquels les étudiants en cinéma n’auraient pas songé. 

La réalisation des interviews juridiques demande une préparation différente. Dans un premier temps, les étudiants en droit dressent une liste des personnalités qu’ils souhaitent interroger, puis entrent en contact avec elles. En cas de réponse favorable, ils préparent plusieurs questions à destination des invités, après avoir étudié leurs positions sur le sujet envisagé. Les étudiants s’entraînent ensuite entre eux, et avec l’aide d’une ancienne journaliste, à cet exercice particulier qu’est l’interview – lequel est loin d’être simple et intuitif ! 

Quels sont les objectifs des vidéos juridiques ?

Cette expérimentation, appuyée par l’Université Paris Lumières qui englobe les Universités Paris 8 et Paris Nanterre, s’inscrit dans une démarche d’ouverture et de démocratisation du savoir. En effet, il s’agit d’aborder les grands problèmes d’actualité du droit pénal de façon à la fois instructive et plus décalée que ce qui se fait généralement en droit, afin de décloisonner la matière en s’adressant à un public dépassant la communauté des juristes. 

L’autre maître-mot du projet est la transdisciplinarité, l’idée étant de rassembler des étudiants issus de filières différentes autour d’un projet commun. L’approche transdisciplinaire donne aux étudiants l’occasion de se familiariser avec des univers nouveaux (par exemple, les étudiants en droit découvrent les techniques et les contraintes liées au tournage et au montage des vidéos, tandis que les étudiants en cinéma se familiarisent avec des notions juridiques complexes), tout en produisant des œuvres originales.

Un autre objectif du projet « Seine de crime » est de proposer aux étudiants une expérience à la fois innovante, formatrice et créative. Innovante, car il est rare de donner aux étudiants l’occasion de s’exprimer selon de telles modalités. Formatrice, car chaque étudiant doit s’interroger sur la meilleure façon de mobiliser ses compétences au service d’une œuvre commune (par exemple, les étudiants en droit doivent faire montre de pédagogie pour expliquer simplement des notions juridiques complexes, tandis que les étudiants en cinéma doivent imaginer des mises en scène et des effets visuels adaptés à ce type de contenu). Créative, car une grande liberté est laissée aux étudiants quant à la manière dont ils souhaitent présenter les thèmes d’actualité, ce qui les amène à explorer d’autres formes de discours, dans une quête d’harmonie entre le verbal et le visuel.

Quels sont les publics visés ?

L’une des idées phares de « Seine de crime » est de démocratiser le savoir en matière pénale, en s’adressant au public le plus large possible. Pour cela, les médias comme YouTube constituent un atout formidable.

Cette ambition exige un travail particulier de la part des étudiants en droit, pour construire un discours qui soit à la fois utile pour les juristes et instructif pour les non-juristes. D’ailleurs, les étudiants en cinéma apportent une contribution précieuse pour parvenir à cet objectif.

En résumé, le but est que tout le monde y trouve son compte, expert comme novice !

Quels thèmes souhaitez-vous aborder ?

À l’heure actuelle, deux séries de vidéos ont été tournées : l’une consacrée aux violences policières (notamment en écho à la répression survenue à l’occasion du mouvement des Gilets Jaunes), l’autre au thème du féminicide. Pour ces vidéos, les étudiants ont eu le privilège d’interviewer Sarah Massoud (secrétaire nationale du Syndicat de la Magistrature), Vanessa Codaccioni (maîtresse de conférences en sciences politiques à l’Université Paris 8), et Ernestine Ronai (membre de la Haute Autorité à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes).

Deux autres séries de vidéos sont en cours de réalisation : la première consacrée au recul programmé des cours d’assises (qui seront partiellement remplacées par des cours criminelles sans jurés citoyens, ce qui peut être perçu comme une régression démocratique), la seconde au « laxisme » de la justice pénale française (dont nous verrons s’il est réel ou fantasmé).

L’actualité en matière pénale évoluant de plus en plus vite, il n’est pas aisé de prédire les thèmes que nous traiterons demain. Néanmoins, certaines questions revenant fréquemment sur le devant de la scène (l’indépendance du parquet, la suppression du juge d’instruction, la dépénalisation du cannabis ; etc.), il est probable que nous soyons amenés à les envisager dans un futur proche. En outre, les étudiants et moi-même sommes particulièrement sensibles au mouvement de grogne qui a gagné la magistrature suite à la publication dans le journal Le Monde de la tribune des 3.000 en novembre 2021, et qui dénonce les conditions éprouvantes dans lesquelles la justice est aujourd’hui rendue dans notre pays. C’est pourquoi une vidéo critique sur l’approche rationaliste et managériale de la justice pénale est également dans les tuyaux !

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

Mon séjour de recherche en Californie, à l’époque de mon doctorat consacré à l’enquête pénale privée. Durant cette période, j’ai pu suivre dans leurs enquêtes sur le terrain des détectives privés et des chasseurs de primes, avec au passage une forte dose d’adrénaline !

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

En lecteur passionné de Victor Hugo, mon héros et mon héroïne préférés sont issus de ses œuvres. Le héros n’est autre que Gauvain, révolutionnaire républicain qui apparaît dans le roman Quatrevingt-Treize (1874), et dont la clémence lumineuse s’oppose à l’intransigeance ténébreuse de son précepteur Cimourdain.

Mon héroïne favorite est le personnage de Doña Sol qui apparaît dans la pièce Hernani (1830), et qui incarne à mes yeux l’une des plus belles figures du romantisme.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

La liberté d’expression qui, telle que je la ressens, est une condition de réalisation du droit au bonheur !

 

Auteur :Marina Brillié-Champaux


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