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[ 4 décembre 2025 ] Imprimer

Viol et non-consentement en droit pénal

L’article 222-22 du Code pénal sur le viol a été modifié par la loi n° 2025-1057 du 6 novembre 2025. Philippe Bonfils, Professeur à Aix Marseille Université, directeur de l’Institut des sciences pénales et de criminologie, doyen honoraire de la faculté de droit et de science politique, avocat au barreau d’Aix-en-Provence, nous fait le grand honneur de répondre à nos questions sur le non-consentement de la victime dans la définition du viol et des autres agressions sexuelles.

Quel est le contexte de la modification de la définition du viol ?

Le contexte dans lequel la loi est intervenue est à la fois social et juridique. Le débat autour du consentement et de son intégration dans la définition des agressions sexuelles est issu des mouvements féministes et des associations de victimes, notamment à la suite d’affaires médiatisées dans lesquelles les infractions de viol ou d’agression sexuelle n’avaient pas été retenues, faut pour avoir pu établir l’une des circonstances exigées par les textes (violence, contrainte, surprise ou menace). Ce débat s’est déplacé sur un terrain plus juridique, porté par une partie de la doctrine pénaliste et des organisations comme la Commission nationale consultative des droits de l’Homme ou Amnesty International.

Quelles sont les modifications apportées à l’article 222-22 du Code pénal par la loi de novembre 2025 ?

L’article 222-22 du Code pénal, qui donne la définition générique de l’agression sexuelle, est réécrit pour intégrer le consentement. L’alinéa 1er dispose ainsi désormais que « constitue une agression sexuelle tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur ou, dans les cas prévus par la loi, commis sur un mineur par un majeur ». L’alinéa 2 précise quant à lui que « au sens de la présente section, le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il est apprécié au regard des circonstances. Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ». Et l’alinéa 3 indique encore que « il n'y a pas de consentement si l'acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature ». Le principe est donc désormais qu’il y a agression sexuelle lorsque l’acte sexuel n’est pas consenti, et pas seulement en cas de violence, contrainte, menace ou surprise, même si ces circonstances établissent évidemment l’absence de consentement.

Qu’apporte la notion de « non-consentement » dans la définition pénale du viol ?

L’inscription de la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol, et plus largement des agressions sexuelles, a certainement une fonction expressive et pédagogique. Le message porté par le texte est désormais clairement que le consentement est exigé, alors que le texte précédent inversait le propos, en évoquant des circonstances qui établissaient implicitement l’absence de consentement. Mais la réforme est bien plus que cela. La définition de l’agression sexuelle se trouve en effet juridiquement modifiée, et élargie aux situations où la victime, sous l’effet de la peur ou de la sidération, ne réagit pas et ne repousse pas l’agresseur, ou lorsque la victime, initialement consentante, ne l’est finalement plus. Dans ces cas, il était difficile d’établir l’une des circonstances caractérisant l’agression sexuelle, alors que désormais la loi le permet. Pour autant, la question de la preuve reste entière, surtout dans ces circonstances particulières de silence ou d’absence de réaction de la victime. Il reste que la loi nouvelle conserve les circonstances de viol, de contrainte, de surprise et de menace, qui établissent nécessairement l’absence de consentement, et ces circonstances seront sans doute encore très sollicitées en pratique en raison de leur intérêt probatoire.

Quels changements peut-on attendre de cette nouvelle définition ?

La nouvelle définition n’est pas une révolution complète. La violence, la contrainte, la surprise et les menaces restent des circonstances possibles — et fréquentes — de l’agression sexuelle, et les solutions jurisprudentielles dégagées pour ces circonstances (notamment la contrainte ou la surprise) sont évidemment conservées. Mais la loi nouvelle opère un renversement du raisonnement, ou du moins, un partage de la preuve autour de la question du non-consentement. On peut noter aussi, incidemment, que la loi modifie la matérialité du viol, en insérant dans l’article 222-23 du Code pénal l’acte buco-anal, aux côtés de la pénétration et de l’acte bucco-génital qui y figuraient déjà. Sur ce point, il ne fait guère de doute que la loi nouvelle n’est pas rétroactive. S’agissant de l’introduction du consentement dans la définition de l’agression sexuelle, on peut hésiter davantage, mais, bien que le Conseil d’Etat ait considéré dans un avis que le texte serait interprétatif, il semble difficile de l’appliquer rétroactivement, compte tenu de l’extension de la matérialité de l’agression sexuelle qu’il réalise.

 

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

La deuxième année, où j’ai découvert deux matières qui m’ont passionné, le droit de la responsabilité civile et le droit pénal. Ces matières m’ont profondément marqué, puisque j’ai finalement consacré ma thèse sur l’action civile, point de jonction entre ces deux matières, et que la question de la réparation des dommages causés par une infraction pénale est souvent au cœur de mes écrits d’universitaire et de ma pratique d’avocat.

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

J’ai une passion pour Tintin, pour sa liberté, son indépendance, son courage et son intégrité. Pour l’héroïne de fiction, j’ai adoré Daenerys Targaryen dans Game of Thrones.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

La liberté, et son prolongement déontologique, l’indépendance.

 

Auteur :MBC


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