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Le billet
A propos de l’activité législative estivale
C’est la rentrée ! Les congés estivaux sont terminés. Repos bien mérité pour certains, période d’intense activité pour d’autres comme au Parlement où la période aura été propice à l’adoption de pas moins de 23 lois ! Et parmi elles, des lois susceptibles de retenir plus longuement l’attention que d’autres comme la loi relative au renseignement (n° 2015-912 du 24 juillet), celle portant sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite Loi Macron (n° 2015-990 du 6 août), celle relative à la réforme du droit d’asile (n° 2015-925 du 29 juillet), celle relative au dialogue social et à l’emploi (n° 2015-994 du 17 août), celle portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne (n° 2015-993 du 17 août) ou encore la très et longuement attendue loi NOTre (loi n° 2015-991 du 7 août portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République)…
A cette intense activité législative, peuvent s’ajouter 16 ordonnances adoptées sur le fondement des dispositions de l’article 38 de la Constitution, et parmi elles l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, celle portant simplification du régime des associations et fondations (n° 2015-904 du 23 juillet) ou encore celle portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière financière (n° 2015-1024 du 20 août).
Une intense activité qui n’est pas passées inaperçue ainsi que l’illustre cet article du journal Le Monde, alors que ce nombre important de textes adoptés réactive cette « critique usuelle de faire passer les choses en douce pendant la période estivale » (Le Monde, Ces lois votées par le Parlement pendant vos vacances, 1/09/2015).
L’occasion de vérifier s’il s’agit d’une tendance avérée de nos gouvernants de profiter de la torpeur estivale pour faire procéder à l’adoption de nombreux textes, pour certains d’importance, dont ils espèrent que l’adoption sera ainsi facilitée. L’accusation s’entend tout à la fois, les partenaires sociaux dont on suppose qu’ils seront moins alertes durant cette période et les parlementaires qui, comme tout un chacun, peuvent être absents de l’hémicycle pour cause de congés (et sans qu’il soit nécessaire ici de revenir sur la polémique entourant l’absentéisme parlementaire, ses causes, ses conséquences ou encore sa fréquence qui feraient dire à certains que le problème est tout aussi prégnant en cours d’année parlementaire).
Vérification effectuée, le constat doit être relativisé. Pour cette année concernée, 62 lois ont été adoptées depuis le début de l’année 2015 et 23 d’entre elles, l’ont été durant les seuls mois de juillet et août. Sur la même période estivale, 31 lois avaient été adoptées en 2014, 23 en 2013. En comparaison de l’activité législative de l’année, cela représentait 34,06 % des lois votées en 2014 et 27,38 % en 2013.
Un taux significatif pour la seule année 2014. Il faut en effet remonter aux années de présidence Mitterrand pour retrouver des taux dépassant les 30 % avec très exactement 35 % des lois en 1993 et même 47,72 % en 1992 (avec de nombreuses dispositions portant réforme du Code pénal, relevons toutefois que 16 des 42 lois adoptées durant les mois de juillet et août 1992 sont datées du 1er juillet).
Des taux très représentatifs des pratiques rencontrées dans les années 1970 et 1980 où un tiers des lois étaient très souvent adoptées durant ces deux mois de l’année : 33,65 % en 1976, 32,53 % en 1978 et 33,33 % en 1979 sous la présidence Giscard d’Estaing ; 36,84 % en 1984, 34,57 % en 1989, 32,73 % en 1990 et également 35 % en 1995. Avec des années records comme l’année 1992 précitée ou encore l’année 1987 au cours de laquelle 46,15 % des lois ont été adoptées durant ces deux mois de l’année.
D’autres périodes témoignent qu’à l’inverse, la période estivale n’est pas apparue propice à l’adoption d’un nombre important de textes législatifs. C’est notamment le cas durant la présidence Chirac : 18,52 % en 2000, 16,22 % en 2001, 16,19 % en 1996, 11,5 % en 1999 et même 7,58 % en 1997.
Avec des chiffres un peu plus élevés, la présidence Sarkozy ne s’est pas non plus particulièrement illustrée sur le sujet avec un maximum de 28,05 % en 2002 et 26,31 % en 2008 et des pourcentages globalement situés à la vingtaine (16,28 % en 2004, 20 % en 2003, 21,95 % en 2006 ou encore 22,22 % en 2007).
Alors bien sur, derrière et au-delà de ces pourcentages, c’est également le contenu même de ces lois qui doit conduire à vérifier ce qui nous est présenté comme une récurrente. Et là effectivement, les arguments peuvent être affutés. L’été 2015 aura permis l’adoption de textes significatifs et certains peuvent déplorer qu’ils aient été adoptés durant cette période estivale, peu propice au dialogue démocratique.
Mais là encore, une généralité n’est pas nécessairement le reflet d’une pratique avérée. Prenons le cas de la loi sur le renseignement dont le projet de loi a été déposé en avril 2015 et qui a été adopté par le Parlement fin juin, dont la promulgation a certes eu lieu au cœur de l’été mais du fait de l’intervention du Conseil constitutionnel. La Loi NOTre l’illustre également s’agissant d’un projet de loi déposé en juin 2014, pour lequel la procédure accélérée d’adoption a été déclenchée en décembre 2014 et les discussions se sont échelonnées, pour l’essentiel, sur le premier semestre de l’année 2015.
S’agissant de la loi Macron, elle aura également bénéficié de discussions parlementaires qui se sont déroulées durant tout le premier semestre et a été adoptée pour le 10 juillet (avec décision du Conseil constitutionnel en date du 5 août), certes dans le cadre d’une procédure accélérée et au moyen du 49-3.
Les illustrations se suivent…
Alors quelle conclusion en tirer ? Durant la période estivale, des lois peuvent être adoptées, promulguées au terme d’une procédure législative qui n’a pas débuté en juillet mais bien avant, initiant un dialogue permettant aux parlementaires, aux partenaires sociaux, aux groupes politiques, aux citoyens de s’exprimer. Faut-il envisager que ce dialogue serait de moindre qualité avec les congés arrivés ? Doit-on supposer une certaine perfidité des gouvernants qui tenteraient d’en profiter ? Difficile de le démontrer dans le cadre d’un simple billet. Mais si tel était le cas, des solutions peuvent s’envisager en réformant la procédure législative de manière à s’assurer d’une représentativité nationale minimum pour l’adoption des textes. Ou encore de limiter la période de session extraordinaire du Parlement afin de reporter à la rentrée leur adoption et poursuivre ainsi le débat démocratique, le débat parlementaire dont Gérard Larcher a souligné l’importance lors de sa conférence de rentrée (3 sept.) : « le débat parlementaire n’est pas du temps perdu, c’est faire vivre la démocratie ».
Références
■ Liste des 23 lois adoptées :
Loi n° 2015-816 du 6 juillet 2015 ratifiant l’ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon ;
Loi n° 2015-820 du 7 juillet 2015 autorisant la ratification de la convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves ;
Loi n° 2015-821 du 7 juillet 2015 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à la gestion commune de la ressource en eau dans le bassin hydrographique des sources de l’Ariège ;
Loi n° 2015-822 du 7 juillet 2015 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre portant délimitation de la frontière ;
Loi n° 2015-823 du 7 juillet 2015 autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part ;
Loi n° 2015-824 du 7 juillet 2015 autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à la création d’un bureau à contrôles nationaux juxtaposés à Porta ;
Loi n° 2015-852 du 13 juillet 2015 visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales ;
Loi n° 2015-854 du 15 juillet 2015 autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre dans le domaine de l’enseignement ;
Loi n° 2015-891 du 23 juillet 2015 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière ;
Loi n° 2015-892 du 23 juillet 2015 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur l’indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, non couvertes par des programmes français ;
Loi n° 2015-905 du 24 juillet 2015 autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc ;
Loi organique n° 2015-911 du 24 juillet 2015 relative à la nomination du président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ;
Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement ;
Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense ;
Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile ;
Loi n° 2015-957 du 3 août 2015 de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014 ;
Loi organique n° 2015-987 du 5 août 2015 relative à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté ;
Loi n° 2015-988 du 5 août 2015 ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l’accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap ;
Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite Loi Macron) ;
Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite Loi NOTre) ;
Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ;
Loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne ;
Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi ;
■ Liste des 16 ordonnances adoptées :
Ordonnance n° 2015-839 du 9 juillet 2015 relative à la sécurisation des rentes versées dans le cadre des régimes de retraite mentionnées à l’art. L. 137-11 du code de la sécurité sociale ;
Ordonnance n° 2015-855 du 15 juillet 2015 prise en application de l’art. 38 de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire ;
Ordonnance n° 2015-859 du 15 juillet 2015 relative aux missions, aux règles de fonctionnement et aux pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et de l’Autorité des marchés financiers dans certaines collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie ;
Ordonnance n° 2015-896 du 23 juillet 2015 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon ;
Ordonnance n° 2015-897 du 23 juillet 2015 relative au régime d’assurance vieillesse applicable à Mayotte ;
Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;
Ordonnance n° 2015-900 du 23 juillet 2015 relative aux obligations comptables des commerçants ;
Ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations ;
Ordonnance n° 2015-948 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ;
Ordonnance n° 2015-949 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des ordres professionnels ;
Ordonnance n° 2015-950 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration des mutuelles ;
Ordonnance n° 2015-952 du 31 juillet 2015 relative à la fusion des commissions compétentes pour l’attribution de la qualité d’officier de police judiciaire aux militaires de la gendarmerie nationale et aux fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale ;
Ordonnance n° 2015-953 du 31 juillet 2015 relative à la réforme de l’ordre des vétérinaires ;
Ordonnance n° 2015-1024 du 20 août 2015 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière financière ;
Ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation ;
Ordonnance n° 2015-1075 du 27 août 2015 relative à la simplification des modalités d’information des acquéreurs prévues aux articles L. 721-2 et L. 721-3 du code de la construction et de l’habitation.
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