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[ 2 mai 2016 ] Imprimer

A propos du programme de stabilité présenté par la France

Alors que chaque État membre de l’Union européenne est tenu de présenter un programme de stabilité (pour les États membres de la zone euro), de convergence (pour les États non membres), la question se pose de la crédibilité d’un dispositif visant à obtenir d’eux qu’ils respectent les contraintes de limitation de leur déficit public à 3 % du PIB et de leur endettement public à 60 % de ce même PIB.

La crise économique, financière et budgétaire apparue en 2007 avec les subprimes a sérieusement handicapé les instances européennes dans la mise en œuvre des obligations imposées aux États membres par le Traité de Maastricht et le Pacte de stabilité et de croissance. Les réformes apportées par le Traité de Lisbonne, le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en matière budgétaire), les two et six packs ont mis en évidence les limites d’un dispositif qui peine à obtenir des États qu’ils s’astreignent à réduire leurs dépenses publiques.

Alors que la crise évoquée a conduit l’Union européenne à suspendre - provisoirement -, à reporter les risques de sanction pesant sur les États qui, comme la France, ont les plus grandes difficultés à respecter les objectifs de déficit et d’endettement publics… la question va, sous peu, prendre un regain d’actualité alors que la période de « grâce » s’achève prochainement et que ces États, comme la France en 2017, devra justifier d’efforts tangibles pour réduire son déficit public tout d’abord, puis son endettement public.

C’est sur la base du programme de stabilité (ou de convergence) produit par chaque État que les instances européennes apprécient les efforts réalisés. Ce programme doit être transmis en avril de chaque année à la Commission européenne selon le nouveau calendrier du semestre européen (semestre qui permet une coordination des politiques économiques et budgétaires au sein de l’Union - 2011). Il constitue un outil essentiel de surveillance des politiques économiques et budgétaires des États membres de l’Union. Ce programme définit les objectifs budgétaires à moyen terme et les principales hypothèses concernant l’évaluation prévisible de l’économie. Il décrit également les mesures budgétaires, politiques et de politique économique envisagées pour atteindre ces objectifs.

C’est ce programme qui a été présenté en Conseil des ministres le 13 avril et transmis à la Commission européenne. Il dresse les perspectives financières de la France pour les années 2016-2019, établit un cadrage économique aux actions du Gouvernement et fixe les principaux objectifs économiques et budgétaires à atteindre.

Il a été intitulé : « une stratégie pour tenir nos engagements dans la durée ».

Ce programme fait état de prévisions de croissance de l’ordre de 1,5 % quand la Commission européenne et le FMI l’évaluent respectivement à 1,3 % et 1,1 %.

S’agissant du déficit public, le ministère le prévoit à 3,3 % du PIB en 2016 et 2,7 % en 2017 – faisant écho aux engagements pris auprès de Bruxelles.

Pour atteindre ces objectifs, la France devra réaliser 3,8 milliards d’euros d’économies supplémentaires en 2016 et 5 milliards en 2017. Économies à réaliser plus importantes que prévues en raison d’une inflation revue à la baisse : 0,1 % en 2016 au lieu de 1 % et 1 % en 2017 au lieu de 1,4 %. Des perspectives dont le Gouvernement tient compte en termes de rentrées fiscales, notamment de TVA, qui seront moins importantes que prévues en raison de la baisse des cours du pétrole.

En parallèle, la dette publique continue sa progression, établie à 96,2 % du PIB en 2016 et 96,5 % en 2017 – des estimations ramenées à la baisse, le Gouvernement avait, en effet, dans le cadre du précédent programme, prévu un niveau de dette publique de l’ordre de 96,5 % en 2016 et 96,9 % en 2017.

Les taux de prélèvements obligatoires sont, quant à eux, ciblés à 44,2 % du PIB en 2016 et 44 % en 2017 – ici également avec des perspectives revues à la baisse par rapport aux précédentes estimations qui prévoyaient un taux de 44,5 % en 2016.

Ce programme permet également de faire état des résultats obtenus :

- réduction du déficit du budget de l’État divisé par deux en 5 ans (passant de 148,8 milliards d’euros en 2010 à 70,5  milliards d’euros en 2015) ;

- réduction du déficit de la sécurité sociale divisé par près de trois en 5 ans (passant de 28 milliards en 2010 à 10,7 milliards en 2015) ;

- des collectivités locales qui renouent avec l’équilibre de leurs comptes pour la première fois depuis 2003 ;

- une baisse du taux des prélèvements obligatoires constatée en 2015 (établi à 44,5 % contre 44,8 % en 2014).

Ce programme de stabilité (PSTAB) est accompagné du programme national de réforme (PNR). Ce dernier s’inscrit dans la stratégie « Europe 2020 » de l’Union européenne pour l’emploi et la croissance. Ce programme permet de suivre et d’évaluer l’État dans la réalisation de cette stratégie. Il s’inscrit dans le cadre du semestre européen et s’articule avec l’examen du PSTAB.

Le PNR présenté à la Commission s’engage sur la poursuite de la réduction de la fiscalité et du coût du travail pour les entreprises afin de stimuler l’investissement et l’emploi, prévoit une réforme du code du travail pour moderniser le fonctionnement du marché du travail, favoriser le dialogue social et sécuriser les parcours professionnels. Il vise également à accroître la transparence de la vie économique pour favoriser la confiance des investisseurs et l’attractivité de la France. Enfin, il entend tirer parti des nouvelles opportunités économiques afin de faciliter, notamment, les créations d’entreprise et améliorer les parcours de croissance des TPE et PME.

Ce programme est transmis à la Commission européenne qui procède à son examen et l’évalue. C’est ainsi qu’à propos du programme de stabilité 2015, la Commission a estimé plausible le scénario macro-économique retenu par la France pour corriger son déficit excessif à fin 2017 mais s’est faite plus réservée sur l’effort structurel fourni qui pourrait ne pas correspondre à l’ajustement structurel recommandé par le Conseil – déficit structurel que la Commission évalue à 1,4 % du PIB pour 2018.

Ce programme peut également donner lieu à une recommandation du Conseil (sur proposition de la Commission) que le Gouvernement sera tenu de prendre en considération dans l’élaboration du projet de loi de finances de l’année à venir et des suivants encore.

Ce fut le cas en 2013 avec une recommandation du 21 juin par laquelle le Conseil a considéré que malgré les efforts d’assainissements considérables réalisés par la France, celle-ci ne serait pas en mesure de corriger son déficit excessif en 2013 au plus tard, comme il le lui avait été recommandé à la fin de l’année 2009. Le Conseil a ainsi recommandé des réformes structurelles ambitieuses pour stimuler la croissance et l’emploi, le développement de synergies permettant de réaliser des économies entre les différents niveaux d’administration, des mesures supplémentaires permettant d’équilibrer le système de retraite (augmentation de la durée de cotisation, relever l’âge de départ à la retraite, réexaminer les régimes spéciaux…), une réduction du coût du travail, le développement de la concurrence dans le secteur des services (en supprimant notamment les restrictions injustifiées à l’accès à certaines professions), une réforme de la fiscalité, des mesures de lutte contre le chômage (réformer le système d’indemnisation des chômeurs, encourager le retour à l’emploi, améliorer le taux d’emploi des travailleurs plus âgés)… autant d’items qui trouvent un écho dans les projets menés par l’actuel Gouvernement.

Ce fut également le cas en 2014 avec une recommandation du 8 juillet par laquelle a été demandé à la France de renforcer sa stratégie budgétaire et d’assurer la correction de son déficit excessif de façon durable par la réalisation d’ajustements structurels.

Le Conseil a également recommandé à la France (10 mars 2015 - sur la base de l’art. 126 du Traité) de corriger son déficit excessif avant 2017 au plus tard – lui fixant une trajectoire de réduction fixée à 4 % en 2015, 3,4 % en 2016 et 2,8 % en 2017.

Rappelons que la France est actuellement soumise à une procédure de déficit excessif engagée par le Conseil le 27 avril 2009. Elle est tenue de corriger son déficit avant 2017. Le délai initial avait été fixé à 2012. Il a été reporté par le conseil à 2013 le 2 décembre 2009 puis en 2015 le 21 juin 2013 et finalement en 2017 le 10 mars 2015.

L’échéance approche… et il faut supposer que la France n’aura pas droit à un report supplémentaire. Dans un an, alors qu’elle adressera à la Commission son programme de stabilité pour la période 2017-2020, l’Union européenne pourra apprécier si la France a, enfin, respecté ses engagements… et en tirer les conséquences…

Références

■ Programme de stabilité :

http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/20780.pdf

■ Programme national de réforme :

http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/PNR2016-synthese-francais.pdf

■Commission européenne – Évaluation du programme de stabilité 2015 de la France

http://ec.europa.eu/economy_finance/economic_governance/sgp/pdf/20_scps/2015/10_fr_scp_en.pdf

 

Auteur :Stéphanie Damarey


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