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[ 3 octobre 2022 ] Imprimer

Après les élections parlementaires, la composition du 65ème gouvernement italien

Les élections politiche du 25 septembre marquent le paysage politique européen et italien en raison de la coalition qui les a remportées mais aussi parce qu’elles mettent en place un parlement au format réduit. Dans le contexte politique qui les a impulsées, elles sont également importantes à observer pour comprendre que les républiques parlementaires offrent des modalités variées en matière de scrutin et de nomination du gouvernement qui ne sont pas sans lien avec la stabilité et la durée de ses fonctions. Un éclairage qu’il est toujours bon d’avoir pour réfléchir à l’évolution de notre propre Constitution.

Ce sont 51 millions d’électeurs qui étaient attendus dans les bureaux de vote en Italie afin d’élire les parlementaires. Ces élections ont été organisée en vertu de nouvelles règles adoptées par plusieurs textes (Legge costituzionale 19 ottobre 2020, n.1, Modifiche agli articoli 56,57 e 59 della Costituzione in materia del numero dei parlamentari ; Decreto legislativo 23 dicembre 2020, n. 177, Determinazione dei collegi elettorali uninominali e plurinominali per l'elezione della Camera dei deputati e del Senato della Repubblica, a norma dell'articolo 3 della legge 27 maggio 2019, n. 51). Parmi les changements importants, il faut noter la disparition de la limite d’âge pour élire les sénateurs (elle était fixée à 25 ans), la réduction du nombre de mandat parlementaire (de 945 mandats à 600 parlementaires aujourd’hui, 400 députés et 200 sénateurs) et l’adaptation de la loi électorale dite rosatellum à ce nouveau nombre de parlementaires. Cette loi prévoit un mode de scrutin mixte pour ces élections : un scrutin uninominal à un tour permet de désigner dans un premier temps 1/3 des parlementaires puis un scrutin proportionnel à un tour finalise la composition des Chambres en en désignant les 2/3 restants. Pour cette deuxième étape, un seuil barrière s’impose : un parti devra obtenir 3% des suffrages et une coalition 10 %, pour pouvoir prétendre obtenir des sièges.

Ces élections ont été organisées à la suite de la dissolution des deux Chambres le 21 juillet 2022 par décret du Président de la République, Sergio Matarella (et conformément à l’article 88 de la Constitution), en raison de la situation politique qui couvait depuis plusieurs semaines et qui a éclaté la veille, au Sénat. 

Depuis le 13 février 2022, Mario Draghi, était à la tête d’un gouvernement d’unité nationale (le gouvernement est ainsi nommé lorsqu’il fonctionne grâce au soutien de toutes (ou quasi toutes) les forces politiques présentes au Parlement. Cette caractéristique lui permet de dépasser la conception traditionnelle entre majorité et opposition, typique des systèmes parlementaires. Ce type de gouvernement naît généralement dans des situations graves (guerre, crise financière ou épidémie) qui incitent toutes les forces politiques à faire preuve de responsabilités pour assurer les intérêts du pays.) qui a volé en éclat lorsque la veille, alors que les sénateurs étaient à voter pour ou contre la confiance au gouvernement, les sénateurs des trois partis qui composent la majorité de l’organe exécutif ont refusé de prendre part au vote (le Mouvement 5 étoiles (antisystème), la Ligue (extrême droite) et Forza Italia (droite modérée)). Dans un tel contexte et bien que le vote final eut accordé la confiance au gouvernement (par 95 voix contre 38), les espoirs de renouer avec tous les partis, pour poursuivre l’action gouvernementales, ont disparus. 

C’est donc avec une certaine gravité que le Président Mattarella a pris la parole le 22 juillet en fin de matinée pour expliquer que le gouvernement avait présenté sa démission puisque « la discussion, le vote et les modalités avec lesquelles ce dernier a été exprimé hier au Sénat, ont illustré l’absence de soutien parlementaire au Gouvernement et l’absence de perspectives pour mettre en place une nouvelle majorité. Ce contexte rend donc inévitable la dissolution des Chambres. La dissolution anticipée du Parlement est toujours l’ultime décision à prendre, notamment en cette période car de nombreux textes essentiels pour les intérêts de notre pays sont en cours de discussion devant les Chambres. Toutefois, c’est la situation politique qui a été créée qui me conduit à prendre cette décision. » (« Déclaration du Président Mattarella après avoir signé le décret de dissolution des Chambres », 22 juillet 2022, vidéo disponible ici). La décision du Président a donc invité les citoyens à trancher eux-mêmes le conflit politique existant par le biais de leur bulletin de vote. Ceux qui se sont déplacés – il y a eu 36% de taux d’abstention, le plus haut taux de l’histoire de la République – ont élus majoritairement les parlementaires de droite et d’extrême-droite. 

Par conséquent, l’Italie entre désormais dans une nouvelle phase : la composition du 65ème gouvernement. Le 13 octobre, les Chambres vont se réunir en formation plénière afin d’élire les présidents de la Chambre des députés et du Sénat. Les présidents désignés, les parlementaires doivent déclarer à quel groupe ils veulent être apparentés. Cette phase parlementaire close, le Président Mattarella commencera les consultations avec les différents leaders des groupes politiques en vue de la désignation du prochain Président du Conseil, conformément à l’article 92 de la Constitution. Il devrait ensuite recevoir les Présidents des Chambres parlementaires pour recueillir leur avis sur les premières discussions avant de relancer une seconde phase de consultation. Généralement, le Président appelle le premier nom désigné par les leaders politiques pour lui confier la fonction de Président du conseil qu’il accepte « sous réserve ». Ce dernier entreprend alors des discussions avec les différents partis pour savoir s’il peut parvenir à former un nouveau gouvernement. Si l’issue de ces échanges est positive, il retourne au Palais présidentiel pour lever la réserve et donne la liste des ministres au chef de l’État afin qu’il les nomme par décret. La nouvelle équipe gouvernementale se voit ensuite réunie dans le salon du Palais présidentiel pour prêter Serment. C’est enfin dix jours plus tard que le nouveau gouvernement doit se présenter devant les deux Chambres pour obtenir leur confiance (article 94 de la Constitution). 

Si à ce stade, Giorgia Meloni est présentée comme la future Présidente du Conseil, cette désignation n’est pas assurée car elle n’est encadrée par aucune règle formelle en dehors de celles qui encadrent la procédure. Elle est laissée aux discussions entre des leaders politiques, menées sous l’impulsion d’un président de la République qui a su démontrer qu’il sait être un arbitre conservant une certaine neutralité mais un arbitre conscient de la force des moyens que la Constitution lui donne pour influencer certaines compositions gouvernementales (en 2018 par exemple).

Ces élections ont déjà illustré leur singularité à plusieurs endroits. Nous verrons si le délai de formation du nouveau gouvernement le confirme en étant nommé en moins de 19 jours (comme ce fut le cas pour celui de S. Berlusconi en 2001) ou après plus de trois mois de tractation (gouvernement Conté 1 en 2018).

 

Auteur :Karine Roudier


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