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[ 5 octobre 2020 ] Imprimer

Association transparente : contrôle exercé par l’administration sur une association, l’incertitude levée par le Tribunal des conflits

Le 6 juillet dernier, le Tribunal des conflits a rendu une décision attendue concernant la notion d’association transparente (n° C4191). Pour en résumer l’essentiel, le Tribunal des conflits a retenu que bien que créée par l’État et la ville de Paris, l’association de la Philharmonie de Paris relevait bien de la loi du 1er juillet 1901 alors qu’aucune de ces personnes publiques ne contrôlait, seule ou conjointement avec l’autre, l’organisation et le fonctionnement ni ne lui procurait l’essentiel de ses ressources.

Une solution apparemment classique sur un sujet pour lequel les critères de la transparence d’une association et ses implications en termes contentieux avaient été dégagés par le Conseil d’État depuis son arrêt Divier de 1987 (CE 11 mai 1987, n° 62459 : AJDA 1987. 446, chron. Azibert et de Boisdeffre ; RD publ. 1988. 265, note Auby ; RFDA 1988. 780, concl. Schrameck ; RTD com. 1988. 85, obs. Alfandari).

Classique, pas tant que cela si l’on considère cet apport en tenant compte d’une autre décision du Conseil d’État en date d’avril 2007 à l’occasion de laquelle la Haute juridiction administrative était amenée à se prononcer sur l’application de la théorie du in house à une association chargée de l’organisation du festival d’Aix-en-Provence. En effet, avec cette décision, le Conseil d’État avait brouillé la perception que l’on pouvait avoir de cette notion. 

Mais revenons-en, tout d’abord, à la décision de juillet 2020. Le juge administratif avait été saisi par une entreprise aux fins de condamnation d’une association à lui verser la contrepartie de travaux de construction, de maintenance et d’équipement réalisés dans le cadre d’un marché de travaux. Le tribunal administratif avait, en 2017, rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Saisi, le Conseil d’État a renvoyé l’affaire au Tribunal des conflits et sursis à statuer sur le pourvoi de la société jusqu’à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir si le litige relevait ou non de la compétence de la juridiction administrative.

La question est classique alors qu’une association contribue, par son objet, à une mission qui présente toutes les caractéristiques de l’intérêt général. A fortiori, lorsque l’association est créée à l’initiative de l’administration. En l’espèce, l’Association Philharmonie de Paris avait été créée à l’initiative de l’État et de la ville de Paris pour assurer la maîtrise d’ouvrage de la construction d’un équipement culturel et son exploitation. Reconnaissant que cette association relevait bien de la loi du 1er juillet 1901, le Tribunal des conflits ajoutait, au surplus, que l’association n’avait pas agi au nom et pour le compte de ces personnes publiques mais en son nom et pour son compte propre. En conclusion, le contrat passé entre l’association et l’entreprise est un contrat de droit privé et la demande de paiement formée par le sous-traitant à l’encontre du maître d’ouvrage doit être portée devant la juridiction judiciaire.

Cette décision permet de lever l’incertitude qu’avait pu occasionner la décision Aix-en-Provence de 2007. En l’espèce, le Conseil d’État avait retenu qu’une association sur laquelle l’administration exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services, doit respecter, dans la passation de ses contrats avec des entreprises, les règles de mise en concurrence résultant de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, faisant ainsi application aux associations de la théorie du in house, autrement appelée prestation intégrée. Avec cette orientation jurisprudentielle, le juge administratif entendait ainsi rattraper ces structures auxquelles l’administration pouvait avoir recours pour l’accomplissement de certaines missions de service public (en l’occurrence, l’organisation du festival d’Aix-en-Provence) et qui, ce faisant, entendaient échapper aux règles du droit public et en l’espèce, aux règles de la commande publique.

Or, alors que l’administration exerce sur cette association un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services, la question pouvait se poser de la transparence de l’association en charge de l’organisation de ce festival. Cette question n’était pas celle posée au Conseil d’État qui n’avait à se prononcer que sur la légalité des délibérations par lesquelles le conseil municipal de la ville d’Aix-en-Provence avait accordé 8 millions d’euros de subventions à cette association.

Le Conseil d’État ne s’est donc pas prononcé sur la transparence de cette association – bien au contraire, il semble avoir admis, en lui appliquant la théorie du in house, qu’une association puisse ainsi être soumise à un tel contrôle exercé par l’administration sans que la question de sa transparence ne soit posée. 

Dans les justifications qui ont pu être données pour expliquer ce champ du possible, il y a celle tirée de la pluralité des administrations (État, région, communes…) associées au sein de cette association. Il n’y aurait pas d’association transparente car il n’y aurait pas une mais plusieurs administrations à la tête de cette association. Et autrement présenté, un mode d’emploi fort commode car on pouvait déduire de cette décision qu’il suffisait finalement, pour contourner la qualification d’association transparente, de s’associer à une autre personne publique…

Avec sa décision, le Tribunal des conflits lève l’ambiguïté en écartant la possibilité que la théorie de la transparence soit exclue lorsque le contrôle est exercé par plusieurs personnes publiques prises indifféremment. Son raisonnement est très éclairant, laissant entendre que si une personne publique contrôle, seule ou avec une autre personne publique, une association quant à son organisation ou son fonctionnement, cette dernière ne peut être considérée comme relevant de la loi du 1er juillet 1901 ie, qu’elle ne peut être considérée comme existant et fonctionnant en toute autonomie par rapport à l’administration.

Une solution salutaire car bien évidemment, les implications de la jurisprudence Aix-en-Provence ne pouvaient être considérées comme cohérentes et justifiées. Il faut bien comprendre que dans la logique de cette décision, il suffisait finalement de conseiller à une personne publique de s’associer à une autre pour éviter la qualification d’association transparente et ce faisant, pour écarter l’application des règles du droit public au pan d’activité géré par cette (pseudo) association.

 

Auteur :Stéphanie Damarey


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