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Barbé-Marbois, premier Premier président de la Cour des comptes
François Barbé-Marbois, né en 1745 et mort en 1837, occupe le poste de Premier président de la Cour des comptes de 1807 à 1834 – avec une interruption de trois mois en 1815 durant la période des Cent-Jours. Premier Premier président de la Cour des comptes, Barbé-Marbois a indéniablement marqué les premières années de fonctionnement de cette institution, contribuant d’ailleurs à lui donner ses premières caractéristiques.
La vie de François Barbé-Marbois recèle quelques cocasses anecdotes (parfois inventées) retracées par Jean-François Potton dans la biographie qu’il lui a dédiée (et dont sont issues l’essentiel des éléments biographiques auxquels ce billet fait référence - J.-F. Potton, Barbé-Marbois, La justice et les comptes, Editions Michalon, févr. 2007). Il doit probablement au Maréchal de Richelieu, le début de sa carrière alors que ce dernier entretenait une relation avec la femme d’un fermier général qu’il rencontrait dans le logement situé au-dessus de celui du jeune Barbé-Marbois. François s’essayait alors au violon et manifestement, ses exercices constituaient une gêne pour ces ébats. Le maréchal de Richelieu lui trouva un poste de précepteur auprès du fils du maréchal de Castries lequel sera à l’origine des premières fonctions confiées à François dans la diplomatie. J.-F. Potton tempère toutefois son propos à l’occasion d’une conférence en 2007 estimant que cette anecdote, rapportée par son biographe américain, est très probablement inventée (Potton J.-F., Comité d’histoire de la Cour des comptes, conférence du 7 février 2007, François Barbé-Marbois, itinéraire d’un libéral, p. 2).
Cocasse également, le nom de Marbois que François décida d’accoler à son nom de Barbé. Marbois correspond au nom d’une terre imaginée… illustre surtout l’ambition d’un jeune bourgeois qui comme certains de ses contemporains, a cherché à se donner de l’importance pour mieux gravir les échelons.
Diplomate, Barbé de Marbois est notamment envoyé en Amérique où il rencontre Georges Washington et La Fayette, est élu à la Société philosophique américaine fondée par Franklin et conseillera le surintendant des finances du Congrès. Sa route le mènera ensuite à Saint-Domingue où il est confronté à une corruption généralisée et à l’infidélité des comptables. Dès cette époque, il développe une philosophie comptable : « la publicité est le meilleur garant de la fidélité des comptes » (Potton, préc. p. 74).
La période révolutionnaire devait conduire à sa condamnation à mort, à sa fuite et à son retour en France. Prudent, il décida de renoncer à la particule. Il renonça également au poste d’intendant qui lui fut proposé : une sage décision qui lui permet de conserver sa tête, alors que celui qui avait, à sa suite, accepté ce poste fut parmi les premiers guillotinés de 1793…
Successivement maire de Metz, membre du Conseil des anciens, il sera déporté en Guyane à la suite du coup d’État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) et en reviendra en 1800. Successivement directeur puis ministre du Trésor, il va initier Napoléon Bonaparte aux mécanismes de la comptabilité publique, créera l’Inspection générale du Trésor public (qui deviendra l’Inspection générale des finances en 1818), sera chargé du financement du déficit du budget de l’État, négociera la vente de la Louisiane… Tombé en disgrâce à la suite des faillite bancaires de 1805, il doit à Mollien qui, lui succédant, à procéder à des réformes d’ampleur dans les domaines budgétaire et comptable, d’être réintroduit à la suite de la création de la Cour des comptes en 1807.
Le voilà aux commandes d’une institution conçue par Napoléon pour être à son service afin d’apprécier si les ordonnateurs ont ou non failli à leurs tâches (Damarey S., Le citoyen et le juge financier, in Finances publiques citoyennes, LGDJ 2017, p. 225).
Comme le souligne J.-F. Potton, entre 1807 et 1815, la Cour des comptes ne connaîtra pas un seul jour d’inactivité, travaillant y compris le dimanche (préc. p. 46).
C’est durant ces années de présidence, que de nombreuses dispositions concernant la Cour des comptes ou encore la comptabilité publique verront le jour :
- l’inamovibilité des membres de la Cour des comptes et le titre de « conseiller » (1813) ;
- l’obligation pour les ministres de rendre compte de leurs opérations (1817) ;
- la création de la loi des comptes (1818) et du rapport de la Cour des comptes accompagnant ce projet de loi (1819) ;
- la certification de l’exactitude des comptes généraux publiés par le ministre des finances et chacun des ministres ordonnateurs (1822) ;
- le premier règlement général sur la comptabilité publique (1822) ;
- la création d’une commission chargée d’arrêter le journal et le grand livre de la comptabilité de l’État. Commission composées de membres du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes (1823) ;
- la publicité des rapports de la Cour des comptes (1832). Publicité dont Barbé-Marbois n’était toutefois pas partisan, du moins sous cette forme. Il estimait en effet, que le rapport se suffisait à lui-même pour obtenir des améliorations de l’administration et qu’il n’était pas utile d’y associer le Parlement (préc. p. 86).
En parallèle, il développe des positions bien arrêtées sur le financement du budget de l’État, contestant l’augmentation de ses dépenses et le recours à l’emprunt. En 1824, il estime qu’il faut « mettre fin à l’indépendance des ordonnateurs qui disent : dépensons toujours, on finira bien par payer. Chaque ministre met sa gloire à l’augmentation de ses dépenses (…). Parler d’économies aux ministres, c’est les aider à résister aux sollicitations » (préc. p. 89). Un propos qui, loin d’être daté, a pu illustrer l’évolution croissante du budget de l’État sous les régimes successifs et les dérives constatées en termes d’augmentation de la dépense publique.
Mais très logiquement, la destruction des archives par la Commune ne permet pas, au-delà, d’apprécier le rôle personnel qu’a pu jouer Barbé-Marbois au sein de l’Institution. On le dit très honnête, scrupuleux dans l’exercice de ses missions au point même de s’en rendre impopulaire. Lors de l’audience solennelle du 2 novembre 1837, le Procureur général de Schonen s’exprimait ainsi : « Si la France peut s’enorgueillir autant de son système de finance et de comptabilité que de son code civil, si aucune dilapidation ne pourrait être commise qu’elle ne fût aperçue et réprimée ; si aucun fonds ne peut être distrait de l’objet pour lequel les chambres l’ont accordé ; si chaque jour, on peut rendre compte de l’état du Trésor, on le doit en partie, d’abord à ce vénérable magistrat qui fut appelé, dès la création de la Cour, à la présider, et dont la scrupuleuse vigilance y établit cette assiduité qui s’y est perpétuée, et qui est exclusive de toute négligence (…) ».
Lorsqu’il quitte la Cour des comptes, le 4 avril 1834, Barbé-Marbois a quatre-vingt-neuf ans dont vingt-six à la tête de l’institution. Le 19 avril 1834, il porte au roi, la deuxième édition du rapport public.
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