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Le billet
Cachez ces œuvres que je ne saurais voir !!!
Arletty, Balthus, Céline, Gauguin, Handke, Hitchkock, Jackson, Picasso, Polanski, Shakespeare… c’est peu de dire que ces artistes ne sont pas des saints.
Antisémite, collabos, misogyne, obsédé sexuel, pédophile, violeur (dénoncés ou condamnés, peu importe…) ; j’en passe et des pires.
Alors, censurez, censurez ! L’essentiel est qu’il n’en reste pas grand-chose, voire rien.
Morale et vertu sont les deux mamelles de l’art contemporain.
Comment envisager d’écouter, de lire, de regarder l’oeuvre conçue ou même simplement interprétée par un dénoncé, un accusé, un condamné ?
Nécessairement une œuvre ne vaut rien si son auteur n’est qu’un vaurien !
Comment apprécier « Voyage au bout de la nuit », « les oiseaux » ou « Le pianiste » puisque leurs auteurs furent collaborateur, antisémite, obsédé sexuel, violeur ou prétendus tels au cours de leur existence ?
Aujourd’hui, semble-t-il, l’œuvre est nécessairement condamnée à être délaissée par le public si son créateur a, fût-ce prétendument, manqué de vertu et heurté la morale.
Certes, les techniciens du droit relèvent que la condamnation sociale de l’artiste immoral est le produit d’une justice sans juge, rendue sur les réseaux sociaux, débarrassée des principes fondamentaux qui gouvernent un procès non médiatique : le contradictoire, la défense, la présomption d’innocence. On en passe et des meilleurs !
Le temps où aimer une œuvre d’art pour ce qu’elle est et non en fonction des reproches, fussent-ils gravissimes, adressés à son auteur, est révolu. Pourtant l’œuvre culturelle mérite mieux que d’être emprisonnée dans un bagne moral dont la visite est interdite au public, au nom de la morale et de la vertu.
Le public est-il, ainsi, traité intelligemment ? « Arrêtons d’infantiliser le public, faisons-lui confiance ! Lui dire ce qu’il faut penser, c’est parasiter sa rencontre avec les œuvres le sous-estimer, le bêtifier. Ceux qui voudraient interdire de voir des films de Polanski ou d’en parler librement pour ce qu’ils sont, veulent fixer un cadre idéologique. (Or) voir ses films est une bonne manière de rappeler le spectateur à ce qui nourrit son autonomie, son enthousiasme, sa résistance, sa solitude » a justement a écrit Philippe Lançon.
Ceux qui pensent encore que la liberté de penser et de juger n’est pas un simple lambeau mais une pierre précieuse seront heureux de constater qu’ils ont trouvé un magnifique porte- parole.
L’œuvre culturelle mérite mieux que d’être incarcérée dans un bagne moral et vertueux, dont la visite est interdite au public.
Le public a moins besoin de leçon de morale que de culture, qu’il est capable de juger et d’apprécier sans qu’il soit nécessaire d’essayer de lui imposer ce qu’il doit penser des œuvres qu’il est indispensable de lui accorder la liberté d’aborder.
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