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Censure par le Conseil constitutionnel de l’alinéa 2 de l’article 272 du Code civil relatif à la prestation compensatoire
Les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et du droit à la compensation d’un handicap doivent être prises en compte dans la détermination du montant de la prestation compensatoire.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 avril 2014, par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du second alinéa de l'article 272 du Code civil, à propos de la non-prise en compte d’une pension militaire d’invalidité dans le calcul de la prestation compensatoire.
L'article 272 du Code civil est relatif à la fixation de la prestation compensatoire, que l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre à l’effet de « compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » (C. civ., art. 270, al. 2). Pour apprécier l’opportunité de l’ordonner et, le cas échéant, en déterminer le montant, l’article 271 du Code civil dresse une liste non limitative de critères à prendre en compte dont, notamment, l’âge et l’état de santé des époux. Le second alinéa de l’article 272, au cœur de la question soumise au Conseil constitutionnel, prévoit que dans la détermination des besoins et des ressources, le juge ne doit pas prendre en considération les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et les sommes versées au titre du droit à la compensation d'un handicap. Historiquement, les réformes des 11 juillet 1975 et 26 mai 2004 avaient fait disparaître définitivement le devoir de secours entre époux une fois le divorce prononcé et c’est la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui avait ajouté ce second alinéa à l’article 272 du Code civil, objet de la présente QPC.
Or, le Conseil constitutionnel vient de juger l’alinéa 2 de l’article 272 du Code civil contraire au principe d’égalité devant la loi (DDH, art. 6), et partant contraire à la Constitution : « (…) l'interdiction de prendre en considération, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, les sommes versées à l'un des époux au titre de la réparation d'un accident du travail ou au titre de la compensation d'un handicap institue entre les époux des différences de traitement qui ne sont pas en rapport avec l'objet de la prestation compensatoire qui est de compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives » (cons. 9).
Pour parvenir à cette conclusion, le Conseil considère que :
– d’une part, en excluant des éléments à prendre en compte pour le calcul de la prestation compensatoire les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail, le second alinéa de l'article 272 du Code civil interdit de tenir compte des ressources destinées à compenser, au moins en partie, une perte de revenus alors que, par ailleurs, tous les autres types de prestations sont pris en considération dès lors que, comme celles en cause, elles assurent un revenu de substitution (cons. 7) ;
–d'autre part, qu’en application de l'article 271 du Code civil, il incombe au juge, pour fixer la prestation compensatoire selon les besoins et ressources des époux, de tenir compte, notamment, de leur état de santé. Or, en excluant les sommes versées au titre de la compensation du handicap, les dispositions contestées, lues ensemble, affaiblissent nécessairement l’effectivité de l’obligation faite au juge de considérer l’ensemble des besoins des époux et, notamment, les charges liées à leur état de santé, et, par là-même, portent atteinte au principe d’égalité (cons. 8).
La position du Conseil peut être approuvée en ce qu’elle met ainsi fin aux difficultés d’interprétation causées par l’article 272, alinéa 2, du Code civil, compte tenu du caractère mixte de certaines prestations, tant indemnitaires qu’alimentaires.
À leur propos, la première chambre civile avait ainsi dû se prononcer, pour la prendre en compte, sur l'allocation adultes handicapés, qui à la différence de la prestation de compensation, « est destinée à garantir un minimum de revenus à l'allocataire et non à compenser son handicap » (Civ. 1re, 28 oct. 2009) ; le caractère alimentaire de l’allocation l’emportait ainsi sur son caractère indemnitaire et l’allocation se voyait, de ce fait, écartée du champ d'application de l'article 272, alinéa 2.
La solution fut, par la suite, étendue aux pensions d'invalidité (sur la pension militaire d’invalidité : Civ. 2e, 18 mars 2010 et Civ. 1re, 9 nov. 2011 ; sur la pension d’invalidité d’un agriculteur : Civ. 1re, 26 sept. 2012) au motif qu’elles comprennent l'indemnisation « de pertes de gains professionnels et des incidences professionnelles de l'incapacité », ce qui sous-entend qu'elles ne servent pas à compenser le handicap mais à assurer un minimum de revenus à son bénéficiaire.
Aussi, la Haute cour a-t-elle plus récemment affirmé que l’indemnité versée au titre de la réparation d’un préjudice corporel consécutif à un accident de la circulation ne figure pas au nombre des sommes exclues, par l’article 272, alinéa 2, du Code civil, des ressources prises en considération par le juge pour fixer la prestation compensatoire, à moins que l’époux bénéficiaire puisse prouver qu’elle a effectivement servi à compenser un handicap (Civ. 1re, 18 déc. 2013).
Grâce aux Sages, les contentieux relatifs aux éléments de calcul de la prestation compensatoire devraient, en toute logique, cesser de se multiplier, et relativement rapidement puisque que le Conseil a jugé que l'abrogation du second alinéa de l'article 272 du Code civil prenait effet dès la date de publication de sa décision, la rendant donc applicable à toutes les affaires non encore jugées, à cette date, de manière définitive. En revanche, les prestations compensatoires déjà définitivement prononcées et fixées en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne sont pas susceptibles d’être remises en cause.
Cons. const. 2 juin 2014, n°2014-398 QPC
Références
■ Code civil
« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. »
« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
A cet effet, le juge prend en considération notamment :
– la durée du mariage ;
– l'âge et l'état de santé des époux ;
– leur qualification et leur situation professionnelles ;
– les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
– leurs droits existants et prévisibles ;
– leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. »
Article 272 avant la déclaration d’inconstitutionnalité de l’alinéa 2 par le Conseil constitutionnel le 2 juin 2014
« Dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.
Dans la détermination des besoins et des ressources, le juge ne prend pas en considération les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et les sommes versées au titre du droit à compensation d'un handicap. »
■ Article 6 de la Déclaration des droits de l’homme
« La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
■ Civ. 1re, QPC, 2 avr. 2014, n°14-40.007.
■ Civ. 1re, 28 oct. 2009, n°08-17.609, RTD civ. 2010. 91, obs. J. Hauser.
■ Civ. 2e, 18 mars 2010, n°09-14.082.
■ Civ. 1re, 9 nov. 2011, n°10-15.381, RTD civ. 2012. 103, obs. J. Hauser.
■ Civ. 1re, 26 sept. 2012, n°10-10.781, RTD civ. 2012. 717, obs. J. Hauser.
■ Civ. 1re, 18 déc. 2013, n°12-29.127, RTD civ. 2014. 96, obs. J. Hauser.
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