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Le billet
C'est pas Noël dans la jurisprudence administrative !
Amis étudiants, vous voyez arriver avec un soupir de délivrance l'heureuse date du 25 décembre. Elle marque le si doux répit des vacances, surtout que depuis quelques années, les examens ont bien souvent déjà eu lieu de sorte que ces vacances sont en plus débarrassées de la culpabilité de ces révisions rendues plus lourdes par la dinde aux marrons.
Noël ! Le moment où vos grands-parents renouvelleront votre abonnement à la version papier du Recueil Dalloz, celui où vos parents vous abonneront, peut-être, à Dalloz Bibliothèque, version complète. Bref Noël, les vacances, les cadeaux, quelque chose comme un avant-goût du Paradis.
Oui mais, cruels étudiants, c'est qu'en pensant à ces horizons merveilleux et espérés, vous êtes bien oublieux et bien égoïstes. Car pendant cette période la terre ne s'arrête pas de tourner et des gens sont bien éloignés de cette joie de Noël.
Oh, je ne veux pas parler ici de la faim dans le monde, de la crise économique, ou du réchauffement de la planète. Non non, je veux parler bien plus simplement de toutes ces personnes qui s'échinent dans la jurisprudence administrative et pour qui ce n'est pas toujours Noël.
Et oui, regardez le ce malheureux chirurgien-dentiste qui fut interdit d'exercer pendant 4 mois le 25 décembre 1965 pour avoir reversé des commissions à sa mutuelle (CE 31 janv. 1968, n°68652).
Ou encore ce malheureux requérant qui fut obligé de contester cet arrêté du préfet de la Manche pris sournoisement le 25 décembre 1966, et visant à remplacer le beurre fermier par du « beurre industriel » pour le calcul du prix moyen du beurre dans ce vert département (CE 29 mai 1970, n° 75219).
Il faut dire qu'il est encore plus chanceux que le dévoué employé de la société Ominum Technique qui, lui, dû affronter la froidure pour déposer au Conseil d’État une requête le 25 décembre 1976, car il faisait 0 ce jour-là à Paris ! (CE 15 oct. 1980, n° 05097, 05545, 05557).
Il faut dire que c'est sans doute le même courage qui animait l'employé du ministère de l'Intérieur qui déposa le 25 décembre 1982 un mémoire en défense pour justifier que la commune de Launaguet (Haute Garonne) ne pouvait pas quitter un syndicat intercommunal dont elle faisait partie (CE 28 nov. 1986, n°43572).
Le ministre de la Défense avait été plus sournois, lui qui avait, dès le mois d'avril, fait à l'avance un bien rude cadeau de Noël aux personnels de son ministère en réduisant « à compter du 25 décembre 1977 » la majoration applicables aux salaires des personnels ouvriers du ministère ! (CE 25 avr. 1979, n°12375, 12376 à 12382).
Oui décidément, c'est loin d'être Noël dans la jurisprudence administrative.
Encore que, si l'on regarde bien, on trouve des requérants qui reçoivent des cadeaux aussi beaux que les vôtres le jour de Noël.
Songez à tous ces contribuables qui par la grâce d'un décret entré en vigueur le 25 décembre 1979 purent faire valoir leur droit à déduction d'une fraction de la TVA due sur leurs immobilisations (CE 13 juin 1988, n°69455).
Ou encore à cet aspirant qui fut promu lieutenant le 25 décembre 1945, et qui s'en prévalait encore pour demander une révision sa pension de retraite en 1997 (CE 12 mai 1997, n°123743).
Ou de cet étranger qui avait obtenu l'annulation de sa reconduite à la frontière et auquel le préfet a délivré un titre de séjour valable à compter du 25 décembre 2000 (CE 30 janv. 2002, n°199854).
Ou enfin à cette entreprise auquel le juge administratif alloua des intérêts moratoires sur le solde du marché qu'elle avait passé avec le Centre Pompidou, intérêts moratoires qui couraient à compter du 25 décembre 1996. C'était un beau cadeau de Noël car le principal de la créance était tout de même de 900 000 € ! (CE 23 mai 2012, n°346352).
Comme quoi on le voit, le jour de Noël peut aussi être une fête dans la jurisprudence administrative. Bien plus même : le droit administratif est une tellement belle matière que lorsqu'on l'étudie c’est un peu Noël tous les jours, n'est-il pas, amis étudiants ?
Bonnes fêtes à tous.
Références
■ CE 31 janv. 1968, n°68652.
■ CE 29 mai 1970, n° 75219.
■ CE 15 oct. 1980, n° 05097, 05545, 05557.
■ CE 28 nov. 1986, n°43572.
■ CE 25 avr. 1979, n°12375, 12376 à 12382.
■ CE 13 juin 1988, n°69455.
■ CE 12 mai 1997, n°123743.
■ CE 30 janv. 2002, n°199854.
■ CE 23 mai 2012, n°346352.
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