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[ 3 avril 2023 ] Imprimer

Clap de fin pour la Cour de discipline budgétaire et financière

Créée avec la loi du 25 septembre 1948, la Cour de discipline budgétaire et financière avait vocation à sanctionner les fautes de gestion commises par les gestionnaires publics. En réalité, sa compétence était limitée à une série d’infractions spécifiquement visées par ce texte. 

En 75 ans d’activités, la CDBF a rendu 264 arrêts, dont 20 % sur les cinq dernières années. A rendu car, en effet, elle a disparu depuis le 1er janvier dernier. 

L’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 portant création d’un nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics a unifié le contentieux financier au profit de la chambre du contentieux de la Cour des comptes et ce faisant, a emporté suppression de la CDBF.

Trois mois plus tard, la feue CDBF a rendu public son dernier rapport d’activité. Elle y constate que l’année 2022 a été la deuxième année la plus productive, en nombre d’arrêts rendus : 10 arrêts après les 12 arrêts de l’année 2019. En particulier, elle relève l’augmentation de la moyenne glissante sur 10 ans des arrêts rendus, passée de 4,8 en 2013 à 7,7 en 2022.

S’agissant des amendes prononcées par la CDBF : sur les 23 personnes renvoyées devant la Cour, trois ont été dispensées de peine. Pour les 10 personnes condamnées, le montant total des amendes s’établit à 26 600 €. L’analyse des décisions rendues permet de constater une amplitude importante de l’ordre de 150 à 5 000 euros et un montant moyen d’amende de 1 330 €.

Parmi les indicateurs de suivi de l’activité de la CDBF, l’un pouvait plus particulièrement retenir l’attention : son taux de cassation, reflet de la qualité des arrêts rendus par cette juridiction. Ce taux, calculé sur 10 ans, s’établissait encore à 0 % en 2019 atteignait 1,4 % pour 2020, 2,7 % en 2021 et 3,9 % en 2022.

Le taux d’annulation des arrêts de la CDBF ayant fait l’objet d’un recours en cassation (taux de recours de 18 % sur la période 2013 à 2022) s’élève à 21,4 % sur cette même période (trois arrêts cassés sur les 14 recours formés). Comme le rappelle la CDBF dans ce rapport, cet objectif d’amélioration de la qualité des arrêts rendus par la CDBF est un objectif majeur pour une juridiction afin, notamment de garantir la clarté de la motivation et l’exercice d’un droit effectif au recours (Rapport, p. 22 et 25).

Concluant ce dernier rapport, la CDBF relève qu’elle a maintenu une activité juridictionnelle soutenue durant l’année 2022 en dépit des perspectives de profondes réformes enclenchées avec l’ordonnance précitée.

Elle concède toutefois que sur le long terme, « ces chiffres restent modestes et constituaient l’une des faiblesses souvent relevées de la CDBF (même si) ce volume d’affaires (peut apparaître) suffisant pour construire et développer une jurisprudence solide bien charpentée, dans l’intérêt des justiciables et de la gestion publique » (Rapport, p. 87). Au final, il « appartiendra aux historiens du droit et de nos institutions d’étudier, d’analyser et de porter un jugement sur la CDBF ».

La CDBF a donc disparu. Mais il reste un héritage important. Ainsi, relevons que plusieurs des infractions jusqu’alors sanctionnées par la CDBF, lui survivent : 7 infractions parmi les 10 susceptibles d’être sanctionnées par la chambre du contentieux de la Cour des comptes sont une reprise – sous une forme parfois légèrement modifiée – d’infractions relevant de la CDBF.

Il n’a donc pas été fait table rase du précédent régime de responsabilité pesant sur les administrateurs publics. C’est un point important car, en effet, les premiers échos du projet de réforme laissaient craindre le pire, ne donnant de visibilité qu’à ce qu’il convient d’appeler l’infraction générique consistant en une faute grave ayant occasionnée un préjudice financier significatif.

Ce fut donc une bonne nouvelle que de constater qu’en réalité, le texte de l’ordonnance avait entrepris d’identifier plusieurs infractions financières, y ajoutant même la possibilité de sanctionner la gestion de fait relevant jusqu’alors du juge des comptes.

Reste à voir ce que la Cour des comptes fera de ce nouveau régime de responsabilité financière. Le cadre juridique de l’ordonnance de 2022 apparaît relativement contraignant et pourrait laisser craindre une activité contentieuse insuffisante pour garantir à ce nouveau régime, une réelle effectivité. En réalité, c’est un rôle d’équilibriste que la Cour des comptes aura à exécuter : il lui faudra trouver le juste équilibre dans le nombre de décisions rendues à l’année. Trop peu d’arrêts, il lui sera reproché de ne pas offrir au régime de responsabilité financière l’effectivité qui lui est nécessaire. Il lui faudra également trouver le bon équilibre dans le montant des amendes prononcées : suffisamment importantes pour que le régime de responsabilité n’apparaisse pas comme une coquille vide et insuffisamment dissuasif mais pas trop importantes, au risque de faire ressurgir, à terme, la menace d’une suppression de ses compétences juridictionnelles.

 

Auteur :Stéphanie Damarey


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