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Le billet
Codification et communication
Si il est un point sur lequel tous les commentateurs du projet de réforme du droit des contrats semblent d’accord, c’est qu’en codifiant le droit positif, en gravant dans le marbre du Code civil toutes les règles que la Cour de cassation a forgées depuis plusieurs décennies, il améliorera sensiblement l’accessibilité au droit.
En effet, désormais, le justiciable, pour qui le droit est fait, et son conseil, quand ils seront confrontés à une question d’ordre contractuel, sauront précisément où trouver la règle susceptible de lui apporter une réponse appropriée.
Aujourd’hui encore, ils sont confrontés à un droit des contrats éparpillé entre le Code civil lui-même, qui n’est quand même pas en matière contractuelle abrogé par désuétude, et le Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, sans parler de ces autres Codes dans lesquels le contrat a déployé ses règles. Et l’argument de l’accessibilité au droit est d’ailleurs repris par la Chancellerie pour légitimer un peu plus encore la réforme qu’elle porte. Elle peut enfin s’appuyer sur tous les contempteurs du droit continental qui vantent les vertus de la codification, à savoir l’accessibilité, la prévisibilité et la sécurité.
Cette touchante unanimité a été disputée, lors d’un colloque organisé par l’Association Capitant à la Faculté de droit de Nancy, le 6 mai 2015, colloque sur le projet évoqué ci-dessus.
Alors que plusieurs intervenants avaient repris l’antienne selon laquelle la codification du droit des contrats allait renforcer, grâce à la réforme, l’accessibilité au droit, Thierry Revet, professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne, a tenu un discours politiquement incorrect, dont il me semble très utile d’évoquer les grandes lignes, ne serait-ce qu’en guise de pistes de réflexion.
En substance donc, le fougueux et talentueux civiliste, a remis en cause l’idée selon laquelle la codification permettrait au justiciable, au citoyen, d’accéder plus aisément au droit ; en effet, quel que soit le support sur lequel la règle juridique est inscrite, celle-ci ne lui est pas accessible. D’une part, parce qu’il ne fréquente ni les codes ni les recueils de jurisprudence, d’autre part, parce qu’il ne comprend pas les règles, qu’elles soient codifiées ou non, pas plus qu’il ne saisit le sens des ordonnances que lui prescrit et que lui remet son médecin.
Or à quoi sert l’accessibilité, faute d’intelligibilité ? Quant aux professionnels du droit, leur responsabilité professionnelle est suffisamment lourde, pour qu’ils n’aient pas attendu pendant des décennies une réforme leur permettant l’accès au droit par la voie de la codification.
Et, en guise d’estocade, mon rugueux camarade, alors même qu’il plaida vigoureusement en faveur des articles les plus controversés du projet (ceux qui sont autant de déclinaisons du contrat d’adhésion), « dénonça » donc une entreprise de communication gouvernementale qui ne saurait faire illusion.
Même si certains n’adhéreront pas à ce réquisitoire qui affaiblit la portée de la codification, il a pour le moins le mérite de contraindre la communauté des juristes à ne pas reposer sur les idées reçues. Ce qui est déjà beaucoup !!!
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