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Le billet
Comment le droit de l'urbanisme explique — en partie — le prix élevé des logements en France
Une récente enquête de l'INSEE laisse apparaître que les dépenses des ménages français pour le logement se situent à l'indice 127, pour une base 100 correspondant à la moyenne des pays de l'Union européenne. Et cette étude enfonce le clou en soulignant que des pays de niveau de vie égal ou supérieur au nôtre subissent des dépenses de logement moindre : 110 en Allemagne, 104 en Italie et 93 en Grande-Bretagne, par exemple.
Cette situation résulte sans doute de nombreux facteurs — dans lesquels les politiques d'incitation fiscale en faveur de l’acquisition de logement qui n’y sont certainement pas pour rien — mais elle est aussi le produit d'une évolution, ou plus exactement d'une absence d'évolution très préoccupante, de nos outils de doit de l'urbanisme.
Pour essayer de dire les choses simplement, il faut remonter à la première moitié du xxe siècle. Durant cette période, la France est très en retard par rapport aux autres pays développés en matière de réglementation d'urbanisme. En effet, notre conception très fétichiste du droit de propriété interdisait que l'on ne réglemente le doit de construire (volume des constructions ou destination de celles-ci) sans une contrepartie indemnitaire au profit des propriétaires. Dit autrement, la réglementation était conçue comme une expropriation. Après la guerre, et surtout après les années 1950, il y eut un mouvement de bascule complet, et le dirigisme gaulliste triompha en cette matière aussi : l'administration des droits de construire devint la règle, et la création d'outils comme les coefficients d'occupation des sols, coefficients d'emprise, superficie minimale des terrains pour construire en sont une illustration très nette.
Mais il se produisit alors une alchimie étrange, et sur laquelle nous visons toujours, faites d'une attitude malthusienne des autorités publiques locales (compétentes en ces matières) : l'attribution parcimonieuse de nouveaux droits à construire, sous la forme d'augmentation des coefficients d'occupation des sols par exemple, conduisit à un phénomène de rareté, et donc de cherté, du foncier disponible pour construire. Mais elle satisfaisait, et satisfait toujours, la classe des propriétaires : elle leur assure en effet une valorisation continue de leur bien, qui bénéficient de cet effet de rareté, et leur assure en même temps une neutralisation complète de leur environnement qui ne risque pas d'accueillir de constructions nouvelles. Les habitants en place se sentent plus riches, des populations extérieures non propriétaires ne pourront s'installer compte tenu des coûts croissants. Voilà des petits Suisses qui se construisent au plan local.
Mais évidemment, cet effet prix produit lui-même de lourdes conséquences sur les dépenses des ménages : pour un achat, il faudra compter avec un cout du foncier très élevé, qui renchérira l'acquisition et, évidemment, les loyers en subiront également la conséquence puisque la rentabilité de l'investissement locatif intègre aussi l'amortissement du foncier.
Il faudrait aujourd'hui pouvoir vaincre ce malthusianisme. Quelques réformes du droit de l'urbanisme ont proposé des instruments facultatifs d'augmentation des COS à l'usage des communes. Mais force est de constater qu'ils ont été peu utilisés. Il faudrait donc aujourd'hui déverrouiller ce marché du foncier, sans doute avec des mesures plus contraignantes : augmentations automatiques des COS, suppression des surfaces minimales de construction, etc. De telles propositions ont du mal à se faire entendre dans le débat public, sans doute parce qu'elles heurtent un consensus trop bien établi.
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