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Le billet

[ 23 janvier 2017 ] Imprimer

Complainte du correcteur en détresse

 

C’est la saison des corrections. Sur les réseaux sociaux, les « tweets » et autres « posts » d’enseignants-chercheurs dépités fleurissent. Il n’est donc pas complètement inutile de rappeler, sur un site fréquenté par des étudiants en droit, quelques conseils méthodologiques, quitte à enfoncer des portes ouvertes.

D’abord, commençons par l’essentiel : la maîtrise de la langue française (orthographe, syntaxe, style). La langue est le véhicule de la pensée. Il n’y a rien de plus frustrant que de corriger une copie, mal écrite, mais qui tend à démontrer que l’étudiant a bel et bien des connaissances. Certains étudiants sont aujourd’hui limités par leur capacité à exprimer correctement, à l’écrit, les connaissances qu’ils ont acquises. Or, il n’est pas possible, sauf à détruire la valeur d’un diplôme, de se contenter de corriger par « mots-clés », en faisant abstraction de l’impression générale, parfois désastreuse, de la copie. Au demeurant, à force d’assouplir les conditions d’obtention des années, à coup de compensation entre les matières, entre les unités et entre les semestres, certains étudiants parviennent jusqu’au master 1 avec une maîtrise relative des codes de l’écrit. Or, ce qui frappe, c’est l’inertie des étudiants qui ont des difficultés. Est-il besoin de préciser qu’il n’y a pas là de fatalité ? Que des progrès considérables peuvent être accomplis avec un minimum d’efforts ? Est-il si inconcevable de passer une soirée pour apprendre, à nouveau, à accorder un participe passé ? Pour bannir définitivement les « malgré que », les « pallier au » etc… ? Pour formuler correctement une « interrogative indirecte » ? Internet fourmille de sites, gratuits, qui donnent les explications nécessaires. Mais, au lieu de cela, les Universités vont sans doute être obligées de dépenser des ressources dans la création de cours de français en « e-learning », voire de remplacer certaines matières de l’enseignement supérieur par des cours de remise à niveau en Français. 

Passons, ensuite, à l’introduction. La fonction d’une introduction est… d’introduire. Elle a pour objet de « prépare[r] à l'étude ou à la pratique d'une chose », si l’on en croit le dictionnaire de l’Académie française, qui est, soit dit en passant, disponible gratuitement en ligne. L’embarras des étudiants devant l’introduction est incompréhensible. Celle des commentaires d’arrêt est si codifiée (fiche d’arrêt améliorée) que l’on peine à comprendre que tous les étudiants ne fassent pas le plein de points sur cette phase de l’exercice. Quant à l’introduction d’une dissertation ou d’un commentaire de texte, elle repose sur une règle d’or : on ne doit pas traiter du sujet dans l’introduction ; il faut amener le sujet en le replaçant dans son contexte, définir les termes qui peuvent poser problèmes, évoquer ses enjeux et poser, avec prudence, une problématique : il ne faut pas réduire le sujet à une « tête d’épingle », sous peine de passer à côté d’une partie du sujet ou poser une question à laquelle on ne répondra pas. Faire simple est sans doute la meilleure des démarches.

Enfin, reste le plan. Les étudiants en droit sont des traumatisés du plan, des torturés de la structure, des damnés de la charpente. Cette fois, c’est sans doute la rigidité des exigences de certains enseignants-chercheurs et l’accumulation des règles qui sont en cause : titres apparents, courts, pas de phrase, qualifiés, éclairants, deux parties/deux sous-parties etc… Pourtant, l’idée de base est simple, et c’est à cette idée qu’il faut s’accrocher. Le plan apparent doit permettre de clarifier la réponse donnée. En lui-même, le plan fait partie intégrante de la réponse car sa lecture permet de cerner d’emblée les enjeux majeurs du sujet. La règle des deux parties/deux sous-parties doit donc être comprise à l’aune de cette idée de base. Le plus souvent, en faisant un effort de synthèse, il est possible de regrouper deux à deux les différents développements. Ce n’est certes pas toujours possible, et qu’il y ait encore de (rares) enseignants-chercheurs pour enseigner le contraire, dépasse l’entendement. Parfois, un plan en trois parties (surtout au niveau des sous-parties) pourra s’imposer. Au-delà, la probabilité est assez faible et on pourra sans doute reprocher à l’étudiant de n’avoir pas fait un effort de synthèse et de s’être contenté d’un exposé, non construit, de ses connaissances. Quant aux intitulés, ils doivent être clairs, c’est-à-dire qu’ils doivent renseigner sur le contenu de la partie traitée. On dit parfois que ce sont des « fenêtres sur le contenu ». En tout état de cause, un plan doit servir à la compréhension de la copie. Or, souvent, les titres sont inutilement compliqués à coup d’adverbes superflus (indéniablement, véritablement, assurément…) ou de périphrases tarabiscotées ; la structure ne sert alors à rien puisqu’elle ne fait que compliquer la lecture.

Pour finir, et boucler la boucle en revenant au style, il ne faut pas négliger les chapeaux introductifs et autres transitions. Les belles copies sont celles qui sont fluides et qui expliquent la démarche suivie en prenant « le lecteur par la main ». Mais attention, la subtilité ne nuit pas ! 

Plutôt que d’écrire, comme c’est le cas dans 70 % des copies, « il est/sera/serait intéressant/judicieux/pertinent/important d’étudier, dans une première partie, la question de la rétractation de l’offre et, dans une seconde partie, celle de sa caducité », il vaut mieux utiliser des annonces dites « coulées » : « La réforme du droit commun des contrats, portée par l’ordonnance du 10 février 2016, a permis au législateur de codifier les règles relatives au régime de l’offre. Cette codification a été l’occasion, d’une part, de clarifier la question de la rétractation de l’offre (I) et, d’autre part, de simplifier les règles relatives à sa caducité (II) ».

Un plan simple, au moins dans les premières années, est la meilleure façon de mettre en valeur ses connaissances (et d’obtenir une bonne note).

 

Auteur :Mathias Latina


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