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Contrôle de constitutionnalité contre contrôle de conventionnalité : la Cour de cassation n'a pas dit son dernier mot !
Chacun se souvient de la passe d'arme qui s'est déroulée au printemps entre la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel à propos de la question prioritaire de constitutionnalité : la Cour de cassation contestait que le contrôle de constitutionnalité puisse primer sur le contrôle de conventionnalité et tout spécialement le contrôle dur respect des prescriptions du droit communautaire.
S'en sont suivies plusieurs décisions, du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État pour réaffirmer la primauté du contrôle de constitutionnalité, et de la Cour de justice de l'Union européenne qui, dans un style diplomatique, soulignait la nécessité d'assurer le respect du traité et que le mécanisme de renvoi pour question de constitutionnalité ne pouvait pas avoir pour effet de restreindre les pouvoirs des juges à cet effet.
À ce stade, on considérait généralement dans les cercles autorisés que la Cour de cassation avait subi un certain désaveu, même si les motifs de l'arrêt de la Cour de justice pouvaient sembler fragiliser le caractère « prioritaire » de la question de constitutionnalité.
Mais la nouvelle série de décisions rendue par le Conseil constitutionnel tout d'abord, et par la Cour de cassation ensuite, sur la question de la garde à vue montre qu'un nouveau front est ouvert et que de toute évidence, la Cour de cassation poursuit son travail de contestation du contrôle de constitutionnalité par voie d'exception.
Cela s'est produit de la manière suivante : alors que sur la base des normes constitutionnelles, le Conseil constitutionnel a estimé qu'il n'existait pas un principe général d'intervention de l'avocat dès la première heure, la Cour de cassation juge le contraire sur la base de l'article 6-3 de la Conv. EDH.
Ce faisant, la Cour de cassation administre la preuve que sur un même objet, et en utilisant le même principe, le respect des droits de la défense, le droit d'origine conventionnelle dépassait le droit constitutionnel. Le message est donc clair : le contrôle des lois sera mieux opéré par les juridictions ordinaires, sur la base du droit européen que par le Conseil constitutionnel sur la base du droit national.
La Cour poursuit donc son travail de contestation de la « renationalisation du droit », exprimé au travers de la question prioritaire de constitutionnalité. Et nul doute qu'il y aura encore de nombreux épisodes à venir !
Références
■ Constitutionnalité des lois (Contrôle de -)
« Contrôle destiné à assurer la conformité des lois à la constitution rigide.
Réservé aux pouvoirs publics ou ouvert aux citoyens, le recours en inconstitutionnalité est formé devant un organe politique ou devant un organe juridictionnel.
1° Contrôle par un organe politique (ex. : Sénats impériaux).
2° Contrôle par un organe juridictionnel :
- par voie d’action, quand la loi est attaquée directement devant un tribunal (Cour suprême ordinaire ou Cour spéciale) en vue de la faire annuler à l’égard de tout le monde (ex. : Suisse, RFA).
- par voie d’exception, lorsque, à l’occasion d’un litige devant un tribunal quelconque, une partie se défend contre l’application d’une loi en invoquant son inconstitutionnalité, auquel cas le tribunal, sans pouvoir l’annuler, refusera de l’appliquer dans ce litige s’il la juge inconstitutionnelle (système en vigueur notamment aux États-Unis où il a revêtu à une certaine époque [1880-1936] le caractère d’un “ gouvernement des juges ”). »
■ Conventionnalité (Contrôle de -)
« Au cours d’une instance devant une juridiction administrative ou judiciaire, contrôle exercé par celle-ci sur un texte législatif invoqué par une partie, en vue de s’assurer qu’il ne méconnaît pas une convention internationale ou un texte international de force juridique équivalente, comme un texte de droit communautaire. Dans ce cas, le texte national est écarté par le juge. Il n’est possible pour le justiciable d’invoquer le moyen que si la norme internationale est d’effet direct. »
■ Question prioritaire de constitutionnalité
« À l’occasion d’une instance en cours (administrative, civile ou pénale), une partie peut soulever un moyen tiré de ce qu’une disposition législative applicable au litige ou à la procédure ou qui constitue le fondement des poursuites, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux et si cette disposition n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, la juridiction saisie doit statuer sans délai sur sa transmission au Conseil d’État ou à la Cour de cassation selon le cas. La haute juridiction saisie se prononce alors, dans un délai de trois mois, sur le renvoi au Conseil constitutionnel. Si ce dernier déclare la disposition non conforme à la Constitution, elle est abrogée. »
■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
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